DALAÏ-LAMA (Le) – Pour l’autonomie du Tibet

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    Augustin BrunaultAugustin Brunault
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      #148408
      Augustin BrunaultAugustin Brunault
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        DALAÏ-LAMA (Le) – Pour l'autonomie du Tibet



        Discours du Dalaï Lama au Parlement Européen

        Strasbourg, le 24 octobre 2001.

        Traduction du Bureau du Tibet.



        Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Députés, Mesdames et Messieurs.

        C'est un grand honneur pour moi de prendre la parole devant le Parlement européen. Je crois que l'Union Européenne constitue la démonstration éloquente qu'une co-existence solidaire et pacifique entre des nations et des peuples différents est possible. Pour quelqu'un comme moi, qui crois fortement dans la nécessité d'établir une meilleure compréhension, une plus étroite coopération et un plus grand respect entre les diverses nations du monde, c'est une profonde source d'inspiration. Je vous remercie de votre aimable invitation. C'est pour moi le signe encourageant de la véritable sympathie et de l'authentique intérêt que vous portez au destin tragique du peuple tibétain. Je m'adresse à vous aujourd'hui en tant que simple moine bouddhiste, instruit et élevé dans la voie de nos plus anciennes traditions. Je ne suis pas expert en science politique, mais néanmoins l'étude et la pratique du bouddhisme que j'ai poursuivies tout au long de ma vie, ainsi que ma responsabilité et mon engagement dans la lutte non-violente que mène le peuple tibétain pour sa liberté, m'ont conduit à des expériences et m'ont suggéré des réflexions que je voudrais partager avec vous.

        Il est évident que la communauté humaine a atteint un point critique de son histoire. Le monde d'aujourd'hui nous oblige à accepter l'idée que l'humanité dans son ensemble ne forme qu'un seul tout. Par le passé, des communautés ont pu penser qu'elles étaient fondamentalement séparées les unes des autres. Mais aujourd'hui, comme viennent de nous l'apprendre les tragiques événements des Etats-Unis, ce qui survient dans une région du monde en affecte bien d'autres. Le monde devient de plus en plus interdépendant. Dans ce nouveau contexte, il est clair que l'intérêt de chacun dépend du respect de l'intérêt de tous. Si l'on ne développe pas, si l'on ne met pas à l'œuvre ce sentiment de responsabilité universelle, notre avenir même sera en danger.

        Je crois fortement que nous devons développer consciemment un plus grand sens de la responsabilité universelle. Nous devons apprendre à agir non seulement pour nous-mêmes, pour les nôtres ou pour notre propre pays, mais également pour le bien de l'humanité toute entière. La responsabilité universelle est la meilleure des bases pour construire à la fois notre bonheur personnel et la paix mondiale, pour définir un usage équitable de nos ressources naturelles et, dans l'intérêt des générations à venir, pour donner à l'environnement l'attention qu'il réclame.

        De nombreux problèmes et conflits mondiaux naissent parce que nous avons perdu de vue ce caractère humain qui nous relie les uns aux autres comme les membres d'une même famille. Nous avons tendance à oublier qu'en dépit de leur diversité de race, de religion, de culture, de langue, d'idéologie, etc., les peuples sont égaux dans leur désir fondamental de paix et de bonheur : tous nous voulons être heureux et aucun d'entre nous ne désire souffrir. Nous nous efforçons du mieux que nous pouvons de réaliser nos désirs. Cependant, même si nous faisons en théorie l'apologie de la diversité, bien souvent en pratique, nous ne la respectons pas, malheureusement. En fait, notre incapacité à tenir compte des différences devient la cause majeure des conflits entre les peuples.

        C'est un fait particulièrement attristant de l'histoire humaine que des conflits s'élèvent au nom de la religion. Aujourd'hui même, des gens sont tués par un mauvais usage de la religion et par l'encouragement du fanatisme religieux et de la haine, des communautés sont détruites et des sociétés déstabilisées. Mon expérience personnelle m'a appris que le meilleur moyen de vaincre les obstacles par la voie de l'harmonie et de la compréhension entre les religions était d'instaurer un dialogue avec ceux qui ont foi en d'autres traditions. Je vois cela se manifester sous bien des formes. En ce qui me concerne, par exemple, mes rencontres dans les dernières années 60 avec Thomas Merton, moine trappiste aujourd'hui disparu, m'ont apporté beaucoup. Elles ont été à la source de la profonde admiration que je porte aux enseignements chrétiens. Je ressens aussi comme des moments extrêmement forts le fait de m'être trouvé parmi des représentants de diverses religions et de m'être joint à eux pour une prière en commun, comme en 1986, lors du rassemblement d'Assise, en Italie. Le Sommet pour la Paix mondiale aux Nations-Unies qui, l'an dernier, réunit responsables religieux et guides spirituels fut également un moment d'une grande importance. Mais il est nécessaire que de telles initiatives soient plus nombreuses et fréquentes. Quoiqu'il en soit, il est nécessaire que des initiatives de cet ordre se multiplient. Pour ma part afin de témoigner du respect que je porte aux autres traditions, je me suis rendu en pèlerinage à Jérusalem, le lieu saint de trois des grandes religions du monde, ainsi qu'en différents lieux de pèlerinage hindous, musulmans, chrétiens, jaïns et sikhs, en Inde comme à l'étranger. Durant les trois dernières décennies, j'ai rencontré de nombreux responsables religieux appartenant à différentes traditions et j'ai débattu avec eux de l'harmonie et de la compréhension entre les religions. De tels échanges sont l'occasion pour les fidèles de découvrir que l'enseignement d'une autre tradition peut être source d'inspiration spirituelle au même titre que leur foi, et dispenser des conseils d'ordre moral tout aussi valables. Ainsi devient-il clair qu'indépendamment des points de doctrine et de quelques autres différences, les principales religions du monde, dans leur ensemble, aident les gens à se transformer et à devenir des êtres humains accomplis. Toutes mettent en évidence l'importance de l'amour, de 1a compassion, de la patience, de la tolérance, du pardon, de l'humilité, de la discipline, etc. Dans le domaine de la religion aussi, nous devons donc faire nôtre le concept de pluralité.

        Dans le contexte de la mondialisation naissante, toutes les formes de violence, dont la guerre, sont des moyens tout à fait inadaptés pour résoudre les conflits. La violence et la guerre ont toujours fait partie de notre histoire. Autrefois, il y avait des vainqueurs et des vaincus. Mais, aujourd'hui, si un conflit mondial devait avoir lieu, il n'y aurait plus aucun vainqueur. Nous devons donc avoir le courage et le discernement de réclamer un monde sans armes nucléaires et, à long terme, sans armée nationale. Depuis les terribles attaques qui ont eut lieu aux États-Unis, la communauté internationale doit tout tenter pour que cet événement horrible et odieux serve à développer un sens de la responsabilité à l'échelle du monde permettant que prévale l'usage du dialogue et de la non-violence pour résoudre les différends.

        Le dialogue est la seule façon raisonnable et intelligente de résoudre les différends et les conflits d'intérêts, entre les hommes comme entre les nations. Promouvoir une culture de dialogue et de non-violence pour l'avenir de l'humanité est un devoir auquel la communauté internationale ne saurait se soustraire. Il ne suffit pas, pour les gouvernements, d'approuver le principe de la non-violence ; encore faut-il accompagner cette approbation d'une action adaptée, susceptible de la soutenir et de l'encourager. Si l'on veut que la non-violence l'emporte, il faut mettre en œuvre des mouvements non-violents dotés de moyens aptes à leur assurer le succès. Certains disent du vingtième siècle qu'il aura été un siècle de guerre et de sang. Je crois que le défi qui nous est lancé aujourd'hui est de faire du nouveau siècle un siècle de dialogue et de non-violence.

        Par ailleurs, dans le règlement des conflits, nous manquons trop souvent de bon sens et de courage. Nous n'accordons pas l'attention qu'il faudrait aux événements générateurs de conflit potentiel quand ils n'en sont encore qu'à leur début. Une fois que les circonstances ont évolué jusqu'à atteindre une très lourde charge émotionnelle chez les populations ou les communautés, il est extrêmement difficile, sinon impossible, d'éviter que la situation explose. Le cas s'est répété maintes et maintes fois. Nous devons donc apprendre à détecter les signes avant-coureurs de conflit et avoir le courage de traiter le problème avant qu'il n'ait atteint son point critique.

        Je reste convaincu que la plupart des conflits entre les hommes peuvent trouver leur solution dans un dialogue authentique, mené dans un esprit d'ouverture et de réconciliation. C'est la raison pour laquelle, dans ma recherche d'une solution au problème du Tibet, je n'ai cessé de préconiser le dialogue et la non-violence. Dès le début de l'invasion du Tibet, j'ai tenté de travailler avec les autorités chinoises afin de parvenir à une co-existence pacifique sur la base de conditions mutuellement acceptables. Même lors du soit-disant “Accord en Dix-Sept Points pour la Libération Pacifique du Tibet” que nous avons été forcés de signer, j'ai essayé de travailler avec les autorités chinoises. Après tout, par cet accord, le gouvernement chinois reconnaissait la singularité et l'autonomie du Tibet et s'engageait à ne pas imposer le système chinois au Tibet contre notre volonté. Pourtant, en violation de cet accord, les autorités chinoises ont appliqué de force sur les Tibétains leur idéologie rigide et si éloignée de nos traditions, montrant ainsi le peu de respect dans lequel elles tenaient notre culture, notre religion et nos habitudes de vie particulières. De désespoir, le peuple tibétain s'est levé contre les Chinois. A la fin de l'année 59, j'ai dû fuir le Tibet afin de pouvoir continuer à servir le peuple tibétain.

        Depuis ma fuite, c'est-à-dire depuis plus de quatre décennies, notre pays est soumis au dur contrôle du gouvernement de la République Populaire de Chine. Les destructions et les immenses souffrances humaines infligées à notre peuple sont bien connues aujourd'hui et je ne veux pas m'appesantir sur ces tristes et douloureux événements. La pétition en 70 000 signes que le dernier Panchen Lama a adressée au gouvernement chinois demeure un document historique dénonçant la politique draconienne et les actions de la Chine au Tibet. Le Tibet reste aujourd'hui un pays occupé, opprimé et qui subit la force, la peur et la souffrance. Malgré quelques progrès réalisés en matière de développement et d'économie, il est toujours confronté au problème fondamental de sa survie. De graves violations des droits de l'homme sont perpétrées à travers le Tibet, qui résultent bien souvent de la politique de discrimination raciale et culturelle menée par les occupants. Ce ne sont 1à que les symptômes et les conséquences d'un problème plus profond. Les autorités chinoises voient dans la spécificité de la culture et de la religion du Tibet une menace séparatiste. Le résultat de cette politique délibérée est qu'un peuple tout entier, sa culture et son identité particulières se trouvent menacés d'extinction.

        J'ai conduit la lutte des Tibétains pour leur liberté selon la voie de la non-violence. J'ai constamment recherché une solution mutuellement acceptable au problème tibétain par le biais de négociations conduites dans un esprit de réconciliation et de compromis avec la Chine. C'est également dans cet esprit que j'ai proposé officiellement, en 1988, ici-même, à Strasbourg, en ce même Parlement, que s'ouvrent des négociations, dans l'espoir qu'elles servent de base à une solution du problème du Tibet. C'est intentionnellement que j'avais choisi le Parlement européen comme forum pour présenter les idées devant servir de cadre aux négociations, car je tenais à souligner qu'une union authentique ne peut se faire qu'avec le bon vouloir de tous et l'assurance que chacune des parties concernées en tirera bénéfice. L'Union Européenne en est l'exemple clair et convaincant. D'autre part, nous savons trop bien qu'un pays ou une communauté, aussi uni soit-il, court le risque de se diviser en deux ou en plusieurs entités quand la confiance vient à manquer, quand les intérêts de chacun ne sont pas pris en considération et qu'on utilise la force pour faire régner sa loi.

        Ma proposition, connue par la suite sous le nom d' ” Approche de la Voie du Milieu ” ou celui de ” Proposition de Strasbourg”, prévoit que le Tibet jouisse d'une authentique autonomie dans le cadre de la République Populaire de Chine. Non pas d'une autonomie sur le papier comme celle qui nous fut imposée voilà cinquante ans par l'Accord en 17 points, mais d'une autonomie véritable où le Tibet serait doté d'un gouvernement véritable, composé de Tibétains pleinement responsables de la conduite des affaires intérieures, telles que l'éducation des enfants, les questions religieuses, la culture, l'environnement, ô combien précieux et fragile au Tibet, et l'économie locale, Pékin conservant la charge des affaires étrangères et de la défense. Cette solution aurait rehaussé grandement l'image de la Chine aux yeux de l'étranger. Elle aurait contribué à consolider sa stabilité et son unité – deux priorités essentielles pour Pékin – tout en assurant aux Tibétains le respect de leurs droits fondamentaux et de leurs libertés et en préservant à la fois leur civilisation spécifique et le fragile environnement du Plateau tibétain.

        Depuis lors, nos relations avec le gouvernement chinois ont connu bien des hauts et des bas. A mon grand regret, j'ai le devoir de vous informer que la solution du problème tibétain n'a fait aucun progrès, et ce, en raison du manque de volonté politique manifeste des dirigeants chinois pour s'attaquer sérieusement à la question. Les initiatives et les ouvertures que j'ai persisté à mener depuis des années en vue d'engager les dirigeants chinois dans la voie du dialogue, sont demeurées sans réponse. En septembre dernier, je leur ai communiqué, par l'intermédiaire de l'ambassade de Chine à New Delhi, notre désir d'envoyer une délégation à Pékin, chargée de remettre un résumé détaillé de mes propositions sur le problème du Tibet, et d'expliquer et débattre des points soulevés dans ce mémorandum. Je faisais notamment savoir que des rencontres en tête à tête devraient parvenir à dissiper les malentendus et à surmonter la méfiance. J'exprimais ma profonde conviction qu'une fois cela accompli, une solution mutuellement acceptable au problème du Tibet pourrait alors être trouvée sans trop de difficulté. Mais, à ce jour, le gouvernement chinois refuse de recevoir ma délégation. Il est manifeste que l'attitude de Pékin s'est durcie de façon significative, comparé aux années 80 où six délégations de Tibétains issus de la communauté en exil avaient été reçues. Pékin peut bien donner toutes sortes d'explications à propos des communications entre le gouvernement chinois et moi-même, pour ma part je tiens à déclarer clairement ici que le gouvernement chinois refuse toujours de parler aux représentants que j'ai nommés pour cette tâche.

        Que les dirigeants chinois n'aient pas donné de réponse positive à mon Approche de la Voix du Milieu conforte le peuple tibétain dans son soupçon que le gouvernement chinois ne voit nullement l'intérêt d'une quelconque co-existence pacifique. De nombreux Tibétains, convaincus que la Chine est résolue à assimiler et à absorber de force le Tibet, réclament l'indépendance et critiquent mon “Approche de la Voix du Milieu”. D'autres sont partisans d'un référendum mené au Tibet, arguant que si les conditions à l'intérieur du Tibet sont bien celles décrites par les autorités chinoises et que les Tibétains y vivent pleinement heureux, il ne devrait pas être difficile d'organiser un plébiscite au Tibet. J'ai moi-même toujours défendu l'idée que la décision finale concernant l'avenir du Tibet devait être laissé au peuple tibétain, comme le Pandit Jawaharlal Nehru, Premier ministre de l'Inde, l'a déclaré le 7 décembre 1950 au Parlement indien : “… En ce qui concerne le Tibet, la dernière voix à se faire entendre doit être celle du peuple tibétain, et de personne d'autre.”

        Même si nous rejetons avec force l'usage de la violence pour la défense de notre liberté, nous avons sans aucun doute le droit d'explorer toutes les autres options politiques valables. En tant que loyal défenseur de la liberté et de la démocratie, j'ai incité les Tibétains de l'exil à suivre le processus démocratique. Aujourd'hui, les réfugiés tibétains sont parmi les rares communautés en exil à avoir instauré les trois piliers de la démocratie : les pouvoirs législatif, judiciaire et exécutif. Cette année, nous avons accompli une autre grande avancée sur la voie de la démocratisation en élisant le président du Gouvernement tibétain au suffrage populaire. Le Gouvernement et son président élu ainsi que le Parlement composé également de députés élus assumeront ensemble, en tant que représentants légitimes du peuple, la responsabilité des affaires courantes de la communauté tibétaine. Quant à moi, je considère comme un devoir moral à l'égard des six millions de Tibétains de continuer à travailler avec les dirigeants chinois à la solution du problème tibétain. En tant que libre porte-parole du peuple tibétain, je continuerai à œuvrer jusqu'à ce qu'une solution soit trouvée.

        En l'absence de réponse positive de la part du gouvernement chinois aux ouvertures que je propose depuis des années, il ne me reste d'autre alternative que de lancer un appel à la communauté internationale. Il est clair maintenant que, seuls, les efforts accrus, concertés et solides de la communauté internationale persuaderont Pékin de modifier sa politique à l'égard du Tibet. Même si les réactions du côté chinois sont négatives dans l'immédiat, ce qui est à prévoir, je demeure convaincu malgré tout que l'expression du soutien et de l'intérêt des nations à notre cause sont essentiels à la mise en place d'un climat susceptible d'aboutir à une solution pacifique du problème tibétain. Je reste, pour ma part, fidèle au processus du dialogue. J'ai la ferme conviction que le dialogue et le désir de regarder en toute honnêteté et clarté le Tibet dans sa réalité actuelle, peuvent conduire à une solution mutuellement avantageuse et que celle-ci contribuera à la stabilité et à l'unité de la République populaire de Chine et assurera au peuple tibétain le droit de vivre dans la liberté, la paix et la dignité.

        Chers frères et sœurs du Parlement européen, je me considère comme le libre porte-parole de mes compatriotes captifs, hommes et femmes. Il est de mon devoir de parler en leur nom et place. Je ne le fais pas guidé par un sentiment de colère ou de haine à l'égard de ceux qui portent la responsabilité de l'immense souffrance de notre peuple, de la destruction de notre terre, de nos foyers, de nos temples et monastères et de notre culture. Ce sont, eux aussi, des êtres humains qui luttent pour trouver le bonheur et ils ont droit à notre compassion. Je parle pour vous faire connaître la triste situation dans laquelle se trouve mon pays aujourd'hui et les aspirations de mon peuple, parce que la vérité est la seule arme que nous possédions dans notre lutte pour la liberté. Aujourd'hui, notre peuple, ainsi que le riche héritage culturel qui constitue notre singularité et notre identité nationale sont menacés d'extinction. Nous avons besoin de votre soutien pour survivre, en tant que peuple et en tant que culture.

        Au vu de ce qui se passe à l'intérieur du Tibet, au vu de la répression croissante, de la destruction constante de notre environnement et du travail de sape systématique de la culture et de l'identité du Tibet, la situation pourrait sembler sans espoir. Pourtant je persiste à croire que l'actuelle tendance vers la mondialisation conduira la Chine à plus d'ouverture, de liberté, de démocratie et de respect des droits de l'homme. Aussi grande et puissante soit-elle, la Chine, qui fait partie du monde, devra tôt ou tard suivre la tendance à la mondialisation et il ne lui sera pas possible, à long terme, d'échapper à la vérité, à la justice et à la liberté. L'engagement solide, et fondé sur des principes communs, qui lie le Parlement européen à la Chine va accélérer le processus de changement déjà amorcé. Le problème tibétain étant étroitement lié à ce qui se passe en Chine, je crois qu'il y a là une sage raison d'espérer.

        Je tiens à remercier le Parlement européen pour sa persévérance à diffuser ce qui touche à la lutte non-violente des Tibétains pour leur liberté. Votre sympathie et votre soutien ont toujours été pour tous les Tibétains, ceux de l'intérieur comme ceux de l'exil, une source d'inspiration profonde et un encouragement. Les nombreuses résolutions prises par le Parlement européen sur le problème du Tibet ont beaucoup aidé à faire la lumière sur la situation critique dans laquelle se trouve notre peuple et à éveiller à la cause du Tibet la conscience publique et les gouvernements d'Europe et du monde. La résolution du Parlement réclamant la désignation spécifique d'un représentant de l'Union Européenne pour le Tibet représente pour moi un encouragement tout particulier. Je suis convaincu que l'application de cette résolution permettra à l'Union Européenne non seulement de promouvoir la nécessité d'une solution pacifique et négociée au problème tibétain, et cela de façon plus solide, efficace et créative, mais aussi de fournir un soutien si d'autres besoins légitimes du peuple tibétain se faisaient entendre, y compris, les voies et les moyens de défendre la spécificité de notre identité. Cette initiative sera également un signal fort adressé à Pékin, il lui montrera que l'Union Européenne est déterminée à encourager et à favoriser une solution au problème tibétain. Je ne doute pas que vos constantes manifestations, preuves de votre intérêt et de votre soutien à la cause du Tibet, produisent à long terme un impact positif et contribuent à créer un climat politique susceptible de conduire à un dialogue constructif sur cette question. Je vous demande de continuer à soutenir notre cause dans cette période difficile de l'histoire de notre pays.

        Je vous remercie de m'avoir offert l'opportunité de partager mes pensées avec vous.

        Merci.

        #148410
        Augustin BrunaultAugustin Brunault
        Maître des clés

          Message du Dalaï Lama à l’occasion du 49e anniversaire du soulèvement de Lhassa

          10 mars 2008.

          Traduction du Bureau du Tibet.



          À l’occasion du 49ème anniversaire du soulèvement pacifique du peuple tibétain à Lhassa le 10 mars 1959, j’offre mes prières et je rends hommage à tous ces braves hommes et femmes du Tibet qui ont enduré d’incalculables épreuves et sacrifié leurs vies pour la cause du peuple tibétain. J’exprime ma solidarité avec les Tibétains qui subissent actuellement la répression et les mauvais traitements. Je salue également les Tibétains dans et en-dehors du Tibet, les supporters de la cause tibétaine et tous ceux qui défendent la justice.

          Pendant six décennies, les Tibétains dans l’ensemble du Tibet connu sous le nom de Tcheulkha-Soum (U-Tsang, Kham et Amdo) ont dû vivre dans un état de peur constante, d’intimidation et de suspicion sous la répression chinoise. Néanmoins, en plus de maintenir sa foi religieuse, un certain nationalisme et sa culture unique, le peuple tibétain a été capable de garder vivante son aspiration première pour la liberté. J’ai une grande admiration pour toutes ces qualités du peuple tibétain et son indomptable courage. Je suis très fier et satisfait de lui.

          Plusieurs gouvernements, organisations non-gouvernementales et individus autour du monde, fidèles à leur foi dans la paix et la justice, ont soutenu avec constance la cause du Tibet. Particulièrement durant cette dernière année, des gouvernements et des peuples de plusieurs pays ont accompli des gestes importants, gestes qui expriment clairement leur soutien. Je voudrais exprimer ma gratitude à chacun d’entre eux.

          Le problème du Tibet est très compliqué. Il est intrinsèquement lié à d’autres : la politique, la nature de la société, la loi, les droits de l’homme, la religion, la culture, l’identité du peuple, l’économie et l’état de l’environnement naturel. En conséquence, une approche d’ensemble doit être adoptée pour résoudre ce problème en prenant en compte les intérêts de toutes les parties impliquées plutôt que ceux d’une seule. C’est pourquoi nous avons été fermes dans notre engagement pour une politique de bénéfice mutuel, l’approche de la Voie Médiane, et nous avons fait des efforts sincères et persistants pour la mettre en œuvre depuis plusieurs années. Depuis 2002, mes envoyés ont conduit six sessions de discussions avec les responsables concernés de la République Populaire de Chine pour aborder des problèmes importants. Ces discussions étendues ont aidé à apaiser certains de leurs doutes et nous a permis de leur expliquer nos aspirations. Cependant, sur le problème fondamental, il n’y a eu aucun résultat concret. Et durant ces dernières années, le Tibet a connu une augmentation de la répression et de la brutalité. Malgré ces événements malheureux, ma détermination et mon engagement à poursuivre la politique de la Voie Médiane et à continuer notre dialogue avec le gouvernement chinois demeurent inchangés.

          Un souci majeur de la République Populaire de Chine est son manque de légitimité au Tibet. La meilleure méthode que pourrait employer le gouvernement chinois pour donner du poids à sa position est de poursuivre une politique qui satisfasse le peuple tibétain et gagne sa confiance. Si nous sommes capables de nous réconcilier en suivant une voie d’accord mutuel, alors, ainsi que je l’ai déclaré plusieurs fois, je ferai tous les efforts pour gagner le soutien du peuple tibétain.

          Au Tibet actuellement, en raison des nombreuses actions conduites sans aucune prévoyance par le gouvernement chinois, l’environnement naturel a été sévèrement endommagé. D’autre part, en conséquence de leur politique de transfert de population, la population non-tibétaine a augmenté plusieurs fois, réduisant les Tibétains de souche à une insignifiante minorité dans leur propre pays. De plus, la langue, les coutumes et les traditions du Tibet, qui reflètent la vraie nature et l’identité du peuple tibétain, sont graduellement en train de disparaître. En conséquence, les Tibétains sont de plus en plus assimilés à une population chinoise plus nombreuse. Au Tibet, la répression continue à s’exercer avec des violations nombreuses, inimaginables et flagrantes des droits de l’homme, le déni de la liberté religieuse et la politisation des problèmes religieux. Tout cela est le résultat du manque de respect du gouvernement chinois pour le peuple tibétain. Ce sont des obstacles majeurs que le gouvernement chinois met délibérément en travers de sa politique d’union des nationalités. Ces obstacles séparent le peuple tibétain du peuple chinois. C’est pourquoi j’appelle le gouvernement chinois à mettre immédiatement un terme à une telle politique.

          Bien que les zones habitées par une population tibétaine soient connues sous les noms de régions autonomes, préfectures autonomes et comtés autonomes, elles n’ont d’autonomes que le nom ; elles n’ont pas de réelle autonomie actuellement. Au lieu de cela, elles sont gouvernées par des gens ignorants de la situation régionale et conduits par ce que Mao Tsétoung appelait “le chauvinisme han”. De ce fait, cette soi-disant autonomie n’a pas donné aux nationalités concernées de bénéfices tangibles. Ces politiques erronées, qui ne sont pas en accord avec la réalité, causent d’énormes dégâts non seulement aux différentes nationalités mais aussi à l’unité et à la stabilité de la nation chinoise. Il est important pour le gouvernement chinois, comme l’a conseillé Deng Xiaoping, de “rechercher la vérité à partir des faits” dans le sens réel du terme.

          Le gouvernement chinois me critique sévèrement quand je soulève la question du bien-être du peuple tibétain devant la communauté internationale. Jusqu’à ce que nous réussissions à trouver une solution qui nous soit mutuellement bénéfique, j’ai la responsabilité morale et historique de continuer de parler librement au nom des Tibétains. Quoi qu’il en soit, tout le monde sait que je suis en semi-retraite depuis que la direction politique de la diaspora tibétaine a été directement élue par la population .

          La Chine se développe et devient un puissant pays grâce à ses grands progrès économiques. Nous accueillons cela avec un esprit positif , d’autant que cela donne également à la Chine une occasion de jouer un rôle important sur le plan global. Le monde attend avec impatience de voir comment la direction chinoise actuelle va mettre en place les concepts de “société harmonieuse” et de “croissance pacifique” qu’elle avance. En ce domaine, le progrès économique seul ne suffira pas. Il doit y avoir des améliorations dans l’observation de l’état de droit, dans la transparence, dans le droit à l’information ainsi que dans la liberté d’expression. Comme la Chine est un pays composé de plusieurs nationalités, toutes doivent jouir de l’égalité et de la liberté afin de protéger leurs identités respectives. C’est une condition à la stabilité du pays.

          Le 6 mars 2008, le Président Hu Jintao a déclaré : “La stabilité au Tibet concerne la stabilité du pays et la sécurité du Tibet concerne la sécurité du pays”. Il a ajouté que le gouvernement chinois doit assurer le bien-être des Tibétains, améliorer son action en direction des groupes religieux et ethniques, et maintenir l’harmonie sociale et la stabilité. La déclaration du Président Hu est conforme à la réalité et nous attendons sa mise en œuvre.

          Cette année, le peuple chinois attend avec fierté et impatience l’ouverture des Jeux Olympiques. J’ai, depuis le début, soutenu l’idée que la Chine devrait avoir l’occasion de recevoir les Jeux Olympiques. Comme de tels événements sportifs internationaux, et spécialement les Jeux, mettent en avant les principes de liberté d’expression, d’égalité et d’amitié, la Chine devrait prouver la qualité de son accueil en accordant ces libertés. C’est pourquoi, en envoyant ses athlètes, la communauté internationale devrait rappeler ces devoirs à la Chine. J’ai appris que plusieurs parlements, individus et organisations non-gouvernementales autour du monde ont pris de nombreuses initiatives en faisant valoir la chance que constituait pour la Chine cette occasion de changer de manière positive. J’admire leur sincérité. Je voudrais déclarer avec force qu’il sera très important d’observer la période suivant la fin des Jeux. Les Jeux Olympiques vont sans doute grandement impressionner les esprits au sein du peuple chinois. Le monde doit donc rechercher les moyens d’agir avec énergie en faveur de changements positifs en Chine, même après la fin des Jeux.

          Je voudrais saisir cette occasion pour exprimer ma fierté et mon approbation pour la sincérité, le courage et la détermination dont fait preuve le peuple tibétain au Tibet. Je l’encourage vivement à continuer à travailler pacifiquement et en respectant la loi pour permettre à toutes les minorités nationales de la République Populaire de Chine, y compris le peuple tibétain, de jouir de leurs droits légitimes.

          Je voudrais également remercier le gouvernement et le peuple de l’Inde, en particulier, pour son soutien continu et sans égal aux réfugiés tibétains et à la cause du Tibet, ainsi qu’exprimer ma gratitude à tous les gouvernements et les peuples pour leur soutien continu à la cause tibétaine.

          Avec mes prières pour le bien-être de tous les êtres.

          #148411
          Augustin BrunaultAugustin Brunault
          Maître des clés

            Un Appel au peuple chinois du 14e Dalaï Lama

            28 mars 2008.

            Traduction du Bureau du Tibet.



            Je salue aujourd’hui chaleureusement mes sœurs et frères chinois du monde entier, et tout particulièrement ceux de la République populaire de Chine. À la lumière des événements survenus dernièrement au Tibet, j’aimerais vous faire part de mes réflexions sur les relations entre le peuple tibétain et le peuple chinois, et lancer à chacun d’entre vous un appel personnel.

            Je suis profondément attristé par les pertes de vies subies lors des derniers événements tragiques au Tibet et suis conscient que des Chinois ont également trouvé la mort. Je compatis avec les victimes et leurs familles, et je prie pour elles. Les troubles récents démontrent nettement la gravité de la situation au Tibet ainsi que l’urgence de trouver une solution pacifique et mutuellement bénéfique par le dialogue. Même dans les circonstances actuelles, j’exprime aux autorités chinoises ma volonté de travailler avec elles pour établir la paix et la stabilité.

            Sœurs et frères chinois, je vous assure que je ne désire nullement la séparation du Tibet. Je ne souhaite pas non plus enfoncer un coin entre Tibétains et Chinois. J’ai au contraire toujours eu à cœur de trouver une véritable solution au problème du Tibet, qui garantisse les intérêts à long terme des Chinois comme des Tibétains. Comme je l’ai maintes fois répété, mon principal souci est d’assurer la survie de la spécificité de la culture, de la langue et de l’identité du peuple tibétain. En tant que simple moine qui s’efforce d’observer chaque jour de sa vie les préceptes bouddhiques, je vous assure de la sincérité de ma motivation.

            J'appelle les dirigeants de la République populaire de Chine à clairement comprendre ma position et à œuvrer au règlement de ces problèmes en « recherchant la vérité dans les faits ». Je presse les dirigeants chinois de faire preuve de sagesse et d’entamer un dialogue sérieux avec le peuple tibétain. Je les appelle aussi à déployer des efforts sincères pour contribuer à la stabilité et à l'harmonie de la République populaire de Chine et éviter de provoquer des tensions interethniques. La couverture des derniers événements au Tibet par les médias publics chinois qui dénaturent la réalité et induisent en erreur pourrait semer des graines de tensions ethniques et avoir des conséquences imprévisibles à long terme. C’est pour moi un grave sujet de préoccupation. De même, en dépit de mon soutien répété aux Jeux olympiques de Pékin, les autorités chinoises, dans le but de creuser un fossé entre le peuple chinois et moi-même, affirment que j’essaie de saboter les jeux. Il est toutefois encourageant pour moi de constater que plusieurs intellectuels et universitaires chinois expriment également les fortes préoccupations suscitées par les actions des dirigeants chinois et les risques pouvant en découler à long terme, notamment en matière de relations interethniques.

            Depuis des temps anciens, Tibétains et Chinois vivent comme voisins. Durant les deux mille ans de l’histoire connue de nos peuples, nous avons parfois entretenu des relations amicales, contractant même des alliances matrimoniales, alors que d’autres fois, nous nous sommes combattus. Le bouddhisme ayant cependant fleuri en Chine avant d’arriver au Tibet par l’Inde, nous, Tibétains, avons toujours accordé aux Chinois le respect et l’affection dus aux sœurs et frères aînés en dharma. Les membres de la communauté chinoise vivant hors de Chine le savent bien et certains d’entre eux ont participé à mes conférences bouddhiques, tout comme le savent les pèlerins venant de Chine continentale que j’ai eu le privilège de rencontrer. Ces rencontres m’encouragent et je crois qu’elles peuvent contribuer à une meilleure compréhension entre nos deux peuples.

            Le vingtième siècle a été témoin de changements considérables dans de nombreuses parties du monde et le Tibet, lui aussi, a été entraîné dans ce mouvement. Peu après la création de la République populaire de Chine en 1949, l’Armée populaire de libération pénétrait au Tibet, ce qui a finalement abouti à la conclusion de l’Accord en 17 points entre la Chine et le Tibet en mai 1951. Lorsque j’étais à Pékin en 1954-55, participant au Congrès national du peuple, j’ai eu l’occasion de rencontrer beaucoup de hauts dirigeants, dont le président Mao lui-même, et de nouer des liens personnels d’amitié avec eux. De fait, le président Mao m’a donné des conseils sur plusieurs questions, de même que des assurances personnelles sur l’avenir du Tibet. Encouragé par ces assurances et inspiré par la ferveur de nombreux dirigeants révolutionnaires chinois de cette époque, je suis rentré au Tibet empli de confiance et d’optimisme. Certains membres du parti communiste tibétain partageaient le même espoir. De retour à Lhassa, j’ai tout mis en œuvre pour obtenir une véritable autonomie du Tibet au sein de la famille de la République populaire de Chine (RPC). J’estimais que c’était la meilleure façon de servir les intérêts à long terme des peuples tibétain et chinois.

            Malheureusement, des tensions, qui ont commencé à monter au Tibet vers 1956, ont finalement abouti au soulèvement pacifique du 10 mars 1959 à Lhassa et à ma fuite en exil. Même si nombre de changements bénéfiques se sont produits au Tibet sous le régime de la République populaire de Chine, ces changements, comme l’a souligné en janvier 1989 le précédent Panchen Lama, ont été assombris par d’immenses souffrances et des destructions à grande échelle. Les Tibétains devaient constamment vivre dans la peur, alors que le gouvernement chinois continuait de se méfier d’eux. Toutefois, au lieu de cultiver de l’animosité envers les dirigeants chinois responsables de la dure répression du peuple tibétain, je priais pour que nous devenions amis. C’est ce que j’exprimais dans ces quelques lignes d’une prière écrite en 1960, un an après mon arrivée en Inde. « Puissent-ils réaliser l’oeil de la sagesse, connaître ce qui est à accomplir et ce qui est à abandonner, et demeurer dans la gloire de l’amitié et de l’amour ». De nombreux Tibétains, parmi lesquels des écoliers, récitent ces lignes dans leurs prières quotidiennes.

            En 1974, à la suite de discussions importantes avec mon cabinet, le Kashag, de même qu’avec le président et le vice-président de l’Assemblée des députés du peuple tibétain, nous avons décidé de trouver une voie médiane visant à ne pas séparer le Tibet de la Chine, mais à favoriser le développement pacifique du Tibet. Même si nous n’avions pas de contact à ce moment avec la RPC – qui se trouvait alors en pleine Révolution culturelle – nous avions déjà admis que, tôt ou tard, nous devrions résoudre la question du Tibet par voie de négociations. Nous avons également reconnu que, du moins en ce qui concerne la modernisation et le développement économique, il serait grandement bénéfique au Tibet de demeurer au sein de la RPC. Bien que le Tibet possède un héritage culturel riche et ancien, il est peu développé sur le plan matériel.

            Situé sur le toit du monde, le Tibet donne naissance aux plus grands fleuves d’Asie. C’est pourquoi la protection de l’environnement revêt une importance primordiale sur le Plateau tibétain. Notre préoccupation essentielle étant de sauvegarder la culture bouddhique tibétaine – enracinée dans les valeurs de la compassion universelle – tout comme la langue tibétaine et l’identité tibétaine unique, nous avons ardemment travaillé à l’obtention d’une véritable autonomie pour l’ensemble des Tibétains. La constitution de la RPC stipule que les ethnies, comme les Tibétains, jouissent de ce droit.

            En 1979, le dirigeant suprême de la Chine à cette époque, Deng Xiaoping, a assuré mon émissaire personnel que «hormis l’indépendance du Tibet», toutes les autres questions pouvaient être négociées. Comme nous avions déjà formulé notre approche consistant à rechercher une solution de la question tibétaine dans le cadre de la constitution de la RPC, nous nous trouvions en bonne position pour saisir cette nouvelle occasion. Mes envoyés ont rencontré à plusieurs reprises des représentants de la RPC. Depuis que nous avons renoué contact en 2002, il y a eu six rencontres de discussions. Cependant, nous n’avons abouti à absolument aucun résultat concret sur la question fondamentale. Néanmoins, comme je l’ai déclaré à plusieurs reprises, je demeure fermement attaché à la Voie du milieu et je réaffirme être prêt à poursuivre le dialogue.

            Cette année, le peuple chinois attend avec fierté et impatience l’ouverture des Jeux olympiques. J’ai toujours soutenu l’idée que Pékin puisse accueillir les jeux. Ma position n’a pas changé. La Chine a la plus importante population du monde, une longue histoire et une civilisation extrêmement riche. Aujourd’hui, compte tenu de son impressionnant essor économique, elle émerge comme grande puissance. Il faut certainement s’en réjouir. Mais la Chine doit aussi gagner le respect et l’estime de la communauté internationale en bâtissant une société ouverte et harmonieuse, fondée sur les principes de la transparence, de la liberté et de la primauté du droit. Or, jusqu’à ce jour, les victimes de la tragédie de la place de Tiananmen, qui a bouleversé la vie de tant de citoyens chinois, n’ont reçu ni juste réparation ni réponse officielle. De même, lorsque des milliers de Chinois ordinaires des zones rurales subissent des injustices perpétrées par des fonctionnaires locaux corrompus qui les exploitent, leurs plaintes légitimes sont jetées aux oubliettes ou suscitent de violentes réactions. J’exprime ces préoccupations en tant que votre semblable, également prêt à se considérer comme membre de cette grande famille qu’est la République populaire de Chine. À cet égard, j’apprécie et soutiens la politique du président Hu Jintao visant à créer une « société harmonieuse » mais cette société ne peut s’édifier que sur la base d’une confiance mutuelle et dans un climat de liberté, dont la liberté d’expression et la primauté du droit. Je crois fermement que l’adoption de ces valeurs permettra de résoudre beaucoup de problèmes importants liés aux minorités, comme la question du Tibet, ainsi que celle du Turkestan oriental et de la Mongolie intérieure, où les autochtones ne constituent plus que 20% d’une population totale de 24 millions.

            J’espérais que la déclaration récente du président Hu Jintao selon laquelle – la stabilité et la sécurité du Tibet concernent la stabilité et la sécurité du pays – annoncerait l’avènement d’une ère nouvelle pour le règlement du problème du Tibet. Malheureusement, en dépit des efforts sincères que j’ai déployés pour ne pas séparer le Tibet de la Chine, les dirigeants de la République populaire de Chine m’accusent d’être un « séparatiste ». De même, lorsque des Tibétains, à Lhassa et dans de nombreuses autres régions, ont protesté de manière spontanée pour exprimer un ressentiment profondément ancré, les autorités chinoises m’ont immédiatement accusé d’avoir orchestré ces manifestations. J’ai demandé que cette allégation fasse l’objet d’une enquête minutieuse, menée par un organe respecté.

            Sœurs et frères chinois – où que vous soyez – c’est empreint d’une grande inquiétude que j’en appelle à vous pour que nous puissions dissiper les malentendus entre nos deux communautés. J’en appelle aussi à vous pour que vous nous aidiez à trouver une solution pacifique et durable au problème du Tibet par le dialogue, dans un esprit de compréhension et de conciliation.

            Mes prières vous accompagnent.

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