(O) KOWKA – Dix jours sur le Batty – Eva – Le Kakemono – Hognoul

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9 sujets de 1 à 9 (sur un total de 9)
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  • #144325
    CocotteCocotte
    Participant
      #158603
      CocotteCocotte
      Participant

        Chers collègues

        Je viens proposer à vos votes les dernières nouvelles que j'envisage d'enregistrer si le résultat des votes est favorable.

        1 : Dix jours dur le Batty

        http://www.transfernow.net/69bvh8p9n9fh

        2 – Eva

        http://www.transfernow.net/31djz8u2srgs

        3 – Le kakemono





        http://www.transfernow.net/89fp23x9mvfc

        4 – Hognoul

        http://www.transfernow.net/84il4658vigb

        Merci à tous ceux qui prendront la peine de lire ces histoires.



        Bon week-end!

        Cocotte

        #158611
        PommePomme
        Participant

          Je n'ai pu ouvrir que 2 nouvelles:

          Dix jours sur le Batty : une succession de brefs tableaux, trop brefs parfois, qui ne manque pas de charme.

          Et Hognoul : la disparition si soudaine d'un personnage qui semblait intéressant est frustrante. La scène de la naissance est quand même un peu trop vite expédiée, non?

          O (en espérant que les 2 autres nouvelles ont les qualités de la 1ère.)

          Pomme

          #158613
          CocotteCocotte
          Participant

            Le kakemono

            Le Kakémono
             
            L'avion de Zaventem via Berlin venait de me déposer à l'aéroport d'Osaka, voilà maintenant moins d'une heure. La chambre, accueillante, était la même que vingt-quatre ans plus tôt, lors de l'International Festival of Picture and Art of Osaka (IFPAO), où j'avais été l'invité d'honneur…dans une autre vie. Cette maison d'hôte de la magnifique et renommée chaîne hôtelière Ryu-Kyu était une pure merveille; quand les Japonais se mêlent de recevoir, ils le font bien, sans aucune faute de goût. C'était, me semble-t-il, une des meilleures chambres du Japon, j'appréciais l'honneur que le secrétariat de l'Empereur me faisait et j'en devinais la raison.
            Je venais de déposer ma valise sur le porte-bagage en bois de la chambre et j'étais tout de suite allé au balcon où la grande baie vitrée était ouverte sur le parc qui entourait la demeure. Rien n'avait changé, toujours la même sérénité majestueuse des lieux, les même arbres rares et centenaires. Les senteurs florales embaumaient l'air printanier, où perçait la dominante un peu entêtante du cerisier rose légèrement atténuée par la senteur fraîche, plus discrète, des abondants buissons de spirée blanche. De temps à autre une touche fugace du lilas bleu s'immisçait dans la conversation.
             
            La chambre elle-même était d'une simplicité spartiate : un futon avec son assise d'acajou poli adossé à une fausse cloison constituée d'un papier translucide monté sur une trame de bois dur du plus bel effet. La porte coulissante donnait dans la salle de bain et le dressing. Et comme dans tout lieu à vivre qui se respecte… l'indispensable “Kakémono”[1] trônant dans son “Tokonoma”[2] de l'entrée, n'avait pas changé lui non plus. Il rayonnait toujours sur le même mur, à la même place. Il était d'ailleurs plus beau encore que dans mon souvenir. J'étais donc bien dans la maison des hôtes de marque du gouvernement dont j'avais le cuisant souvenir.
             
            Le magnifique Kakémono était dessiné d'un trait sans remords. Il ressemblait à un grand “calligraphe” dans une langue inconnue, avec ses déliés et ses pleins aux riches tons sépia. Il honorait la chambre de sa beauté et lui donnait toute sa sérénité. Le tracé rapide du pinceau en poils de martre laissait un souvenir fugace mais bien réel de son passage. Selon l'angle sous lequel on l'admirait, il devenait, tour à tour, un paysage en complète harmonie avec le parc que l'on voyait par la fenêtre ou un personnage assis et pensif reflétant toute l'âme du bouddhisme Amida[3]. Ce “kakémono” était manifestement une œuvre d'un maître inspiré du mouvement artistique “Kamakura”[4], et, comme le veut la coutume de cette école, non signé.
             
            Une chambre avec un service hôtelier irréprochable, mais tenue comme une maison privée, un des meilleurs services d'accueil, comme seuls les Japonais savent le faire. Devant le “kakémono” se trouvait un bouquet de grandes pivoines blanches mettant à l'honneur un chrysanthème à la couleur crémeuse érigé dans toutes les règles de “l'ikébana”[5]. Ce bouquet me fit remonter en arrière. J'avais alors vingt-huit ans, ma notoriété commençait à franchir les frontières de l'Europe occidentale. Mon talent pour dessiner les fées, les gnomes et autre monstres du petit peuple avait largement dépassé les frontières de ma Belgique natale. Mais la célébrité venait surtout de mes dessins animaliers faits à l'aquarelle où le pinceau suggérait plus qu'il ne montrait. C'est pour cette raison que la ville d'Osaka m'avait invité au festival. Les Japonais adoraient mes aquarelles créées avec cette spontanéité que donne la rencontre du pinceau, du pigment fugace et de l'eau, telles les estampes de leurs grands maîtres. Je venais théoriquement pour y recevoir le prix le plus convoité, celui de l'Empereur, suprême consécration.
            J'occupais déjà cette même chambre, et Maliki, la jeune fille qui était chargée de son entretien et surtout de maintenir l'ikébana dans toute sa fraîcheur devait pour ce faire, changer une fleur, raccourcir une tige, déplacer une branche, en un mot rétablir l'ordre sans cesse rompu par le temps. Selon les règles non énoncées du “Bushido”[6], il devait toujours y avoir symbiose entre le bouquet, le kakémono et l'occupant de la chambre.
             
            Il nous fut impossible de ne pas tomber amoureux fous l'un de l'autre. Cet amour me fut rendu au centuple par la douce et adorable Maliki. Nous étions à l'âge des jamais et des toujours, nous venions de nous faire le plus beau cadeau de notre vie, celui que l'on ne peut faire qu'une fois. Le festival terminé, où d'ailleurs je n'avais reçu qu'un prix de consolation, j'avais dû quitter le Japon précipitamment et je n'avais pu revoir Maliki. Il m'avait été impossible de l'oublier. Personne n'avait pu prendre autant de place dans ma vie en si peu de temps, à peine trois jours. Tous mes courriers étaient restés sans réponse de même que toutes mes demandes officielles. Je m'arrachai à la contemplation de ce parc où l'étang couvert de nymphéas dormait sous le pin parasol toujours au même endroit, endroit immuable, endroit comme en dehors du temps, comme un fragment d'espace fixé dans une stase[7] éternelle.
             
            Après un coup discret, la porte s'ouvrit et une jeune fille au chignon sévère piqué de deux grandes épingles aux têtes colorées entra et me dit qu'elle devait ranger mes affaires. Pendant qu'elle mettait le linge en place, je m'éloignai vers la salle de bain me rafraîchir et je dois l'avouer aussi pour me ressaisir. Tous ces souvenirs qui subitement remontaient de l'abîme où je les croyais profondément enfouis me perturbaient évidemment. L'ambiance devenait déprimante, je me souvenais avec beaucoup trop de tristesse des événements, d'il y a vingt-quatre ans.
             
            Cette fois je ne me laisserais pas faire, je venais livrer une commande faite par l'Empereur lui-même, un jeu d'échecs aux pièces animalières d'ivoire et de buis.
            Les blancs étaient sculptés dans un ivoire jaune provenant d'une défense fossile de mammouth sibérien, matériau lourd au grain d'une finesse extraordinairement agréable à travailler et incrusté de jais et de corail de la Mer Rouge. Pour les noirs, j'avais choisi une racine de bruyère d'Ecosse vieille de cinq à six siècles, d'une douceur chaude, irréelle, rehaussée d'incrustations d'or fin. Je ne savais pas encore le prix que j'allais en demander mais je savais que, quel qu'il soit, il serait accepté, peut-être pas avec le sourire mais accepté et payé rubis sur l'ongle. C'est dans ces lieux pleins de souvenirs chargés de nostalgie que j'avais rendez-vous le lendemain après-midi avec le représentant du palais.
            Je sortis de la salle de bain, la jeune fille n'était plus là, c'était parfait, je n'aimais pas avoir quelqu'un qui vaque à ses occupations comme si je n'existais pas. Soudain, au pied du “kakémono”, sur un plateau en cloisonnés bleus aériens, mon regard fut attiré par une enveloppe blanche sur laquelle se trouvait une dent d'ours des cavernes savamment et précieusement montée en pendentif. Ce n'était pas possible ! J'en restai comme deux ronds de flanc, ma dent, celle que j'avais donné à Maliki, une dent unique!.
             
            – C'était un samedi de juillet, par une journée à la chaleur torride, que nous étions enfin descendus dans ce gouffre. En effet, depuis plusieurs semaines, mon ami Félix et moi préparions avec soin l'exploration de cet aven du plateau surplombant les gorges de l'Ardèche. C'était comme on disait dans le milieu “une première”.
            Comment expliquer que le fond de l'aven, c'est le bonheur, c'est le Paradis! Comment expliquer le religieux silence de ces profondeurs souligné par le murmure de l'eau sur les glacis de calcaire. Je me souviens des éclairs blancs, fugaces, qui traversaient l'eau limpide presque primordiale. Les gammares, effrayés par nos lampes, s'enfuyaient. Comment expliquer l'émerveillement, le saisissement devant ces lumineuses parois tapissées “d'excentriques”[8], où nos lampes allumaient des millions de reflets. La paroi rocheuse ressemblait à une de ces vitrines de la Place Vendôme. Comment expliquer les stalagmites en pose d'orant créant de véritables piliers de cathédrales gothiques sur lesquels des stalactites pleuraient larme après larme, lentement, dans une éternité de déraison. Comment expliquer le bonheur qui subitement vous étreint lorsque, la frontale éteinte, on se recueille religieusement dans un silence où la chute des gouttes d'eau résonne dans votre conscience. Comment expliquer que ces moments n'ont jamais de fin, et qu'il reste en soi, toujours, une trace de cet instant hors du temps. Je me souviens de cette terrible journée de canicule, du fond de cet aven, de ce plateau battu des vents. Je me souviens surtout de ce crâne d'ours des cavernes sur lequel j'avais prélevé une canine qui était devenue en sorte mon talisman.
             
            Cette dent, je l'avais offerte à Maliki, je m'emparai de l'enveloppe, la déchirai et je lus, atterré…
             
            René Chéri, je sais qu'aujourd'hui tu es marié et que tu as de beaux enfants, mais ta petite Maliki aussi a un enfant, elle l'a eu de son seul amour; la fille qui s'occupe de ta chambre est aussi ta fille. Tu ne dois pas essayer de me rencontrer car j'ai également refait ma vie, et si je ne suis pas amoureuse, j'ai la chance d'avoir épousé un brave homme, il a toujours été gentil avec moi. Ces quelques mots pour te dire que, si tu en as l'occasion vu ta notoriété, tu dois sauver ta fille en la sortant du pays, elle est destinée à un mandarin local qui la désire comme épouse, mais elle est amoureuse d'un garçon qu'elle a connu lors de ses stages universitaires. Je serais la plus heureuse des mères si tu pouvais la sauver de cette obligation. Peut-être aurons-nous aussi la chance dans une vie ultérieure de pouvoir vivre ce que nous n'avons pas pu vivre ici. Je suppose que tu m'as écrit mais la censure ne m'a autorisé aucune correspondance avec l'étranger. Soyonara  René San.
            Je t'aime toujours. Ta puce qui jamais ne t'a oublié. Maliki.
             
            Monsieur Arrei Goshi arriva, ponctuel, à l'heure dite. Habillé d'un costume noir trois pièces, cravate sombre, cheveux noirs, brosse courte, parfait représentant du gouvernement, secrétaire particulier du Tenno[9].
            -. Monsieur René ?
            L'échiquier trônait sur la petite table de pin d'Okinawa et j'avais mis les pièces en position du gambit de la reine de la célèbre partie opposant Rostropovitch à Müller. Je trouvais cette mise en place seyante, elle mettait les pièces en valeur, les unes par rapport aux autres. Les pièces ainsi disposées recevaient la lumière de trois quarts face; de cette façon, les ombres étaient magnifiées, le soleil soulignait la finesse de la sculpture. Je n'avais aucune fausse modestie, je savais que ce travail était ma plus belle création; mon chef-d'œuvre;elle représentait surtout une sorte de revanche.
            – C'est lui, dit Monsieur Goshi d'un ton affirmatif. Il est magnifique, l'Empereur a bien choisi en vous commandant cette création. Les Zibelines sont de toute beauté et je vois que vous avez eu la délicatesse de choisir pour le pion soldat le “Tancho”[10], notre grue nationale avec sa très caractéristique tache rouge sur le front.
            – Oui mais le prix est en conséquence.
            Je savais en disant cela que je faisais une faute de tact, mais je n'en pouvais plus de ce pays compassé, où l'on considérait les “long nez” comme du bétail, je n'en pouvais plus, des souvenirs de l'IFPAO, des compliments stéréotypés de cet espèce de porte-manteau funèbre, en un mot Maliki et maintenant ma fille. C'était trop, j'avais vraiment l'impression que ce pays me haïssait. Pourtant cet échiquier j'y avais mis tout mon art, toute ma science, c'était en quelque sorte une partie de mon âme.
            Je lui dis:
            – Le seul prix que je puis accepter est un visa de sortie pour la jeune fille qui s'occupe de ma chambre, car je viens d'apprendre qu'elle est ma fille et qu'elle désire épouser un “gaijin”; je sais que les autorités académiques voient cela d'un très mauvais oeil.
            – C'est impossible, me dit Goshi, cette jeune personne a été désignée pour faire de la recherche dans le grand centre d'étude des maladies nosocomiales de Kobé; elle commence théoriquement début juillet. Toutes ces études payées par le gouvernement la destinent à ce poste et il n'est pas question que cela profite à d'autres.
            – Dans ce cas, répondis-je du tac au tac, je rentre chez moi avec l'échiquier et je ferai savoir que le Japon ne sait pas honorer ses commandes. Vous vendre l'échiquier sans repartir avec ma fille, c'est comme enlever ce “kakémono” du mur.
            – Enlever ce “kakémono” du mur ?
            – Oui, vous voyez ce kakémono, il a été dessiné par un artiste qui a mis toute son âme dans ce dessin, il a été fait, pensé, créé pour cet hôtel; si aujourd'hui vous l'enlevez, l'hôtel s'effondrera, car il n'aura plus aucune raison d'être.
            – Vous croyez vraiment ça ! me dit-il sur un ton ironique.
            – C'est évident, cela ce voit, cela se sent, ce kakémono est en harmonie totale avec l'hôtel.
            L'homme décrocha le kakémono et me l'offrit.
            – J'en prends le risque.
            – J'apprécie votre geste même si je ne le comprends pas très bien, c'est aimable de votre part, mais sincèrement je ne le désire pas, je crois que ça me porterait malheur. Il y a vingt-quatre ans je suis venu au Japon, j'avais déjà cette chambre. J'étais l'invité d'honneur de l'IFPAO et je n'ai pas reçu le prix que j'étais venu chercher, c'est un de vos confrères que personne ne connaît qui l'a obtenu, j'ai dû me contenter d'un prix de consolation, ce qui est très humiliant. De plus, j'ai également perdu la femme que j'aimais, les autorités ne l'ont jamais autorisée à quitter le pays. Cette fois c'est sa fille, ma fille, que je perds. Donc, comprenez que je ne puisse accepter votre cadeau tout en reconnaissant sa valeur. D'ailleurs, encore une fois je vous le dis, ce kakémono ne peut quitter ce mur.
            – Je comprends très bien votre désappointement, j'ignorais les faits que vous venez d'énoncer. Réfléchissez. Moi, de mon côté, je vais faire mon possible pour satisfaire votre demande.
             
            Je m'assis à la terrasse et regardai le soir tomber, sur le jardin. Le feuillage des érables pourpres bruissait d'aveux et de prières, un peu de mauve luisait encore sur le bord du plan d'eau. Puis l'ombre chut, ouatée, grise et tout s'éteignit. Pendant un instant, tout fut silence, puis la nuit déroula dans le soir languide un chant de flûte liquide. On l'écoute, distrait, qui s'écoule goutte à goutte au fond de l'âme. Puis le chant expire, pleurs et sourires ensemble.
             
            Le lendemain, tout alla très vite. Monsieur Goshi me dit:
            – Tout est arrangé. Le Tenno lui-même est intervenu et a décidé de dédommager les laboratoires universitaires qui avaient payé les études de Mitsuko. Vous pouvez donc sans déchoir quitter le Japon, si vous le désirez, et ce accompagné de votre fille.
            – Dans ces conditions, l'échiquier est à vous et je ne vois aucune raison de m'attarder dans votre pays, que pourtant j'adore.
            – Votre fille vous attendra au rez-de-chaussée. Elle a été prévenue du dénouement, elle est prête à vous suivre.
            Il s'approcha du mur et décrocha à nouveau le kakémono:
            – Je vous offre cette oeuvre, j'en suis l'auteur. J'y avais mis effectivement toute mon âme, toute ma puissance créatrice, toute ma jeunesse, tous mes espoirs, il y a de cela maintenant vingt-quatre ans. C'était moi le lauréat du Festival, et sans le vouloir je vous ai dépossédé du premier prix. Je comprends mieux aujourd'hui votre ressentiment: Je comprends même l'offense qui vous a été faite. J'ignorais les circonstances dans lesquels vous aviez été invité. Ce kakémono n'aura plus jamais sa place dans cette chambre. Aujourd'hui je ne peins plus que pour l'Empereur et sa famille. C'est la raison pour laquelle personne ne me connaît en dehors du pays mais, pour moi, peindre pour l'Empereur est la plus haute reconnaissance.
            Je le remerciai avec gratitude, en essayant de cacher au mieux l'émotion qui montait en moi. Je me forçais pour rester impassible, comme le veulent les règles du bushido.
            Je quittai le parc accompagné de ma fille. Après quelques mètres, je me retournai pour regarder l'hôtel; ma fille me tira par le bras et me dit:
            – Éloignons-nous un peu, j'ai une sensation désagréable, j'ai peur, je sens le sol vibrer et je crains bien qu'il ne s'écroule.
            – Je ne sens rien, lui dis-je, mais je m'éloignai d'une vingtaine de mètres. Lorsque moi aussi subitement je ressentis sous mes pieds un léger frémissement.
            C'était une faible secousse, comme il s'en produit fréquemment au Japon, mais, bizarrement, le splendide hôtel n'y résista pas et il disparut dans un nuage de poussière impalpable, littéralement pulvérisé. C'est appelé ici l'effet Seny[11]. Etait-ce le hasard ? Jamais je ne saurai. Quant à moi, j'emportais le beau “kakémono”.
            En montant à bord de l'avion qui nous ramenait en Europe, Mitsuko ouvrit le cadeau de mariage que l'Empereur lui faisait, et je fus confondu d'y trouver mon jeu d'échecs, duquel on avait prélevé un pion. Le roi blanc!
             

            Kowka, 15/03/2011


              [1] Kakemono, kakémono. Désigne une peinture ou une calligraphie sur soie ou sur papier, qui se déroule verticalement
             [2] Tokonoma. Petite alcôve au plancher surélévé en tatami où l'on expose des calligraphies, des plantes…
             [3] Amida. Mouvement philosophique axé sur le Bouddha Amida aussi appelé amidisme, essentiellement au Japon.
             [4] Kamakura. Période Kamakura, 1185 à 1333, mouvement artistique
            [5] Ikebana. Art floral traditionnel, basé sur l'asymétrie en base trois, ces bouquets sont présentés dans le tokonoma.
             [6] Bushido. Code des principes moraux que les samouraïs japonais étaient tenus d'observer;(Wikipédia)
            [7] Un des mythes de la science-fiction est l'état de stase absolu, où la stase est une sorte de suspension du temps.
             [8] Excentriques. Cas particulier de stalactites souvent horizontales de formes tordues.
              [9] Tenno. L'Empereur, littéralement souverain céleste, appelé aussi Mikado du Japon. Plus haute autorité de la religion Shinto.
             [10] Tancho. Grue de Mandchourie, symbole de longévité et de fidélité.
               [11] De l'ingénieur Seny qui étudia les micro épi phénomènes d'ordre tellurique.


            #158614
            CocotteCocotte
            Participant

              EVA ou le temps qui coule

              Eva avait fini par aboutir, après de multiples péripéties, dans un institut psychiatrique. Eva trouvait cet endroit magique, pour elle c'était comme un hôtel luxueux : quelque bosquets l'isolaient de l'environnement agressif et perturbateur de l'extérieur.

              Oui, j'étais allée à cette claire fontaine, l'eau y était si douce, si claire, si parfumée que je m'y étais noyée. L'ivresse m'avait pris au-delà de toute raison, je m'y suis perdue. J'aurais aimé que la rose fût encore au rosier et que tu fus encore à m'aimer. C'est certain, il avait été ma plus belle histoire d'amour. Je sens encore au bout de mes doigts toutes les callosités de sa main qu’il savait rendre si douce, paradoxalement une douceur soyeuse qui me faisait perdre la raison, qui me rend à nouveau folle rien que de l'évoquer.
              Le parfum pénétrant, un peu citronné, de la fontaine emplit encore aujourd'hui tout mon esprit. J'en avais bu et la punition fut terrible, c'est comme si j'avais été une agave qui attendait tant d'année pour fleurir et finalement en mourir.
              J'avais définitivement perdu cette innocence qui nous caractérisait à l'époque. Je crois même en être devenue méchante; atteinte d'un cynisme malséant. je n'ai jamais réussi à me guérir de cette histoire envahissante. Aujourd'hui, je sais que seule la mort me libérera de cette trop lourde tristesse qui, avec les années, devient un véritable fardeau. On pourrait dire d'une certaine façon que le suicide est une recherche d'équilibre entre une personne vivante extérieurement mais morte intérieurement. Ce déséquilibre provoque une douleur physique tellement intense qu'il rend fou. Dans certains cas, c'est une fuite devant des responsabilités insurmontables de la vie, un refus de grandir peut-être. De toute façon c'est l'impossibilité de gérer une douleur qui finit par remplir tout l'espace vital.

              Ce matin, la chatte est sur l'appui de fenêtre extérieur de la chambre à coucher. C'est la garde de nuit qui a dû la laisser sortir. Elle est assise, hiératique tel Bastet l'Egyptienne. Elle observe le jardin, mine de rien, et surtout le vieux pommier qui pousse sur la façade du home. Elle l'observe du coin de l'œil sans le regarder vraiment, mais chaque fois que les mésanges viennent manger aux boules de graisse par leurs dieux déposés, ses moustaches frémissent. Et, inconsciemment, ses babines se retroussent sur un sourire soit disant cruel. J'ouvre la fenêtre de l'étage où se trouve ma chambre, elle entre, dédaigneuse, passe sous le lit et va m'attendre au-dessus de l'escalier où là, enfin, avant de descendre, elle quémande sa caresse matinale. Alors, impatiente, elle se dresse sur ses pattes de derrière et envoie sa tête à la rencontre de ma main. Cette nouvelle journée commence paradoxalement sous les meilleurs auspices.
              A mon arrivée au réfectoire, Gaillette est à sa place habituelle, dans le fauteuil. Elle fait sa toilette, couchée, et m'ignore totalement. Pourtant comme tous les matins je me suis assise à la table pour déjeuner. Ah ! Je ne sais pas si je vous l'ai dit, mais la chatte est une belle chatte toute noire, d'où son nom de Gaillette, morceau de charbon dans notre vieille langue d'oïl. Elle s'assied, lèche une patte, puis lève la tête et jette un regard distrait dehors, puis lèche l'autre patte, méticuleusement. Elle continue de m'ignorer. Maintenant elle est passée à une patte arrière et tel une acrobate elle la lève à la verticale, bien tendue vers le haut. Elle tourne en rond, une fois, deux fois et se recouche, pose sa tête entre ses pattes avant et s’endort ou fait semblant de s’endormir. Pas de bonjour, la journée commence mal. Non, elle relève la tête et me lance un long regard jaune et complice comme pour dire,” je t'ai bien eu”. Puis après un petit miaulement silencieux, cette fois elle s'endort.

              Chaque début d'après-midi Eva venait à la fenêtre avec une régularité de métronome et dans un rituel répété chaque jour, elle venait admirer la grande pelouse qui barrait son horizon. Cette pelouse avait la particularité d'être bordée, au lieu de buissons ardents ou d'épines vinettes, d'une enceinte magique d'horloges.
              Il y en avait des hautes, des basses, des rondes, des droites, plein de gentilles horloges.
              Une tout particulièrement attirait son attention chaque fois qu'elle la voyait, c'était celle suspendue à une branche de gui, une montre de gousset jointe à sa châtelaine, identique à celle du lapin blanc de Carroll. Ce lapin terrorisé par le temps qui s'écoule goutte à goutte et contre lequel il ne peut rien, par ce temps qui met tant de temps pour mourir.
              Il y avait des horloges à régules comme chez mère-grand, une comtoise comme chez tante Yvette, quelle merveille avec son énorme balancier qui passe et repasse devant la vitre qui permet de voir le temps compter les secondes. C'est celle dont on arrête le balancier lors du décès de son propriétaire, il n'a plus besoin de compter. Le coucou de la Forêt Noire avec leurs fameuses pommes de pin, elles égrènent les heures. Il y a la vicieuse qui sonne même les demies. Dans ce domaine la plus pernicieuse est la Westminster qui égrène même les quarts.
              Il y avait aussi un ou deux gnomons et un grand clepsydre antique aux liquides colorés pour faire savant, eux étaient de véritable bijoux temporels. Eva aurait aimé se procurer un beau crayon gras, et pas ce vieux crayon qu'elle trouvait tout au fond de sa poche, Puisqu'elle ne pouvait pas écrire, elle rêvait, elle écoutait les tic-tac, les ancres qui basculaient au lieu de couler, les coqs qui s'échappaient au lieu de chanter…
              Elle se rappelait Marc ou André, elle ne savait plus, mais elle rêvait.

              « Emmène-moi marcher ce soir… »
              Descendre dans un toboggan fermé. Une sorte de tube dont l'embouchure est trop étroite pour que mon corps y passe sans se sentir compressé. Une sensation de rapidité, puis d'engouffrement, d'étirements et enfin d'expulsion.
              Je suis très mal : sudation à son comble, le cœur dans la gorge…et je le vois. Il est là devant moi…
              “Emmènes moi, marcher…loin de tout. De tout…”
              Ouf, Marc est quand même là, il m'attendait avec une patience infinie, Marc n'était que douceur. J'étais, je dois l'avouer, soulagée de le voir là où je l'attendais. Il était debout dans sa salopette et la glaise qui le recouvrait lui faisait une véritable gangue. C'est en le voyant que je devinais l'aspect que je devais avoir moi-même. Seuls nos visages avaient gardé notre couleur d'origine, blanc pour moi, café au lait pour lui, protégés par le casque orange fluorescent, ce qui d'ailleurs ne servait à rien au vu de sa couleur actuelle. C'était mon premier chantoir, je venais de passer la célèbre chatière dite la “boite aux lettres”. Je comprenais maintenant pourquoi Marc avait exigé que l'on mette une corde, laquelle ne devait pas servir à la descente mais bien pour le retour où elle sera bien utile. Il me prit la main, déposa un bref baiser sur mes lèvres puis se retourna et alluma la torche. Devant mes yeux émerveillés un spectacle grandiose apparut, il changeait à chaque mouvement de son bras.
              Comment expliquer le religieux silence de ces profondeurs, souligné par le doux murmure de l'eau sur les glacis de calcaire. Je n'oublierai jamais la froideur de cette eau limpide et transparente qui coule comme du pur cristal. Je me souviendrai toujours des éclairs blancs qui la traversaient, des gammares#, effrayés par nos lampes, qui s'enfuyaient et relevaient de leur vivacité toute l'immortelle immobilité des pisolithes# qui tapissaient le fonds des gours#. Comment expliquer le recueillement qui me saisissait devant ces fragiles fistuleuses# qui répondaient avec harmonie aux excentriques# qui tapissaient les parois. Comment oublier les stalagmites qui en pose d'orant génèrent de véritables piliers de cathédrales gothiques. Et les stalactites qui larme après larme pleurent avec une éternité de déraison. Comment expliquer le bonheur qui subitement vous étreignait lorsque la frontale éteinte, on se recueillait religieusement. Comment expliquer ces moments qui laissent en soi une trace sans fin hors du temps. Je savais déjà que le retour outre les difficultés physiques serait un déchirement, comme une seconde naissance, comme une nouvelle rupture du cordon ombilical. Quitter cette matrice minérale et silencieuse où seule l'eau, perlant, mesure le lent égouttement du temps.
              Ah, le temps, il y a longtemps, le temps s'écoulait lentement, beaucoup plus lentement qu'aujourd'hui. A l'époque les gens vivaient très vieux, même très très vieux. Mathusalem a vécu jusqu'a l'âge vénérable de 972 ans, dit-on. Vous vous rendez compte 972 ans, et il ne s'est jamais ennuyé, il n'est jamais parti en vacances. Il s'occupait de sa famille, de ses enfants, de ses petits-enfants, et de ses nombreux petits-petits-enfants. On dit même que parmi ces descendants certains ne savaient plus qu'il était leur arrière-arrière-arrière-grand-père. Mat, c'est comme ça que l'appelait ses amis, s'occupait de son troupeau et des récoltes, il vivait le temps présent. Toute sa famille mangeait tous les jours à sa faim. On entassait les récoltes surnuméraires dans des greniers, pour la mauvaise saison. Mat ne connaissait pas les banques, il n'en avait pas besoin puisque à cette époque il ne connaissait pas non plus l'argent. Regardez les corneilles, elles n'ont pas oublié ce temps là, le temps de l'Eden, et, encore aujourd'hui, malgré le mauvais temps, elles vivent heureuses et très longtemps, cent à cent-vingt ans m'a t'on raconté. Pour vivre longtemps, il suffit d'oublier l'écoulement du temps, d'arrêter de mesurer le temps qui passe et subitement il passe lentement et dure longtemps. Les petits-enfants de Mathusalem ont oublié cette loi, et ils ont commencé à compter le temps qui passe…et voilà où nous en sommes.
              Oubliez l'imparfait, le passé simple, le futur, le futur antérieur, le futur du passé, et de même le passé du futur, et surtout le futur du futur comme le passé du passé. Vivez maintenant au temps présent.
              Le temps s'effondre dans un gouffre et s'échappe de la mémoire pour prendre une sorte d'indépendance. Regardez les bébés et les touts petits enfants, le temps qui passe est différent. Seul compte l'écart entre deux repas ils n'ont pas la même unité de temps que nous. Les bambins qui fêtent leur premier anniversaire ont une année entière derrière eux, et cette année a duré toute une vie pour eux. L'anniversaire futur est dans une autre vie entière, donc hors mesure pour eux. Ils doivent nous croire sur paroles lorsqu'on leur dit qu'ils ont deux ans. L'enfant qui entre à l'école primaire, une année scolaire dure un sixième de sa vie c'est à dire une éternité plus courte que l'éternité précédente mais toujours très difficile d'appréhender. Mon petit voisin disait à sa mère c'est dans longtemps, mais non lui dit sa mère c'est bientôt, oui maman, mais c'est dans longtemps bientôt.
              L'être humain en mesurant le passage du temps en accélère l'écoulement, lorsqu'il aura soixante ans …chaque année passe de plus en plus vite dans la cas de notre sexagénaire, une année est égale à un soixantième de sa vie. Un instant en quelque sorte. Et il ne vaut mieux pas s'arrêter sur le paradoxe de Langevin, car il donne le tournis et mal à la tête. Les temps différent selon que l'on soit dans le train ou sur le quai….Ne parlons pas non plus du temps des arbres car certains sont plus que millénaires, rendez-vous compte certains ont connu Charlemagne. Ne parlons surtout pas du temps des cailloux et des pierres, pensez que certains d'entre eux ont servi de nid aux dinosaures. Ah le temps, ça c'est quelque chose.

              Eva est dans le grand hall où elle casse les noisettes de la dernière saison. Excellent exercice d’ergothérapie lui a dit Jean l’animateur. Elle est assise à la grande table en bois, celle avec la nappe cirée provençale jaune. Un agréable rayon de soleil s'invite par la porte grande ouverte sur le calme du jardin. Les arbres sont encore pour la plupart en tenue estivale, ce qui en soi est peu courant dans la dernière semaine d'octobre. Cette période qui dure huit à dix jours est appelée chez nous l'été de la Saint Martin et dans le nord des Etats-Unis l'été indien ou l'été des Indiens rendu célèbre par Joe Dassin et l'aquarelle de Marie Laurencin. Le soleil vient de la gauche ce qui est parfait pour Eva qui est droitière. Le dernier chaton (7 semaines) est assis sur un coin de la table et regarde avec attention son travail. Il aimerait jouer avec les noisettes, il ronronne pour l'amadouer, car il sait que la table lui est interdite. Il règne un silence fantastique seulement troublé par le petit craquement répétitif du casse-noix lors de chaque éclatement de noisettes. Le ronronnement s'arrête, le chaton tend une patte vers une noisette qui roule jusque “chez” lui. Je fais : Psssttt, il recule et le ronronnement reprend de plus belle. Après elle les ouvrirai et en retirera l'amande. Il n'y avait pas beaucoup d'avelines cette année, ni beaucoup de fruits d'ailleurs, mais elles sont très sucrées.
              Terminer les noisettes, un peu d’écriture maintenant, il fait si calme, le temps est tellement lent et épais. Aie, le crayon a attiré l'attention du chaton, il vient voir de plus près les mots créés sur le papier. Je crois qu'il devine que certains mots parlent de lui. Une corneille passe, rentrant au nid dans le grand chêne de chez Alexandre. Ils ne sont pas tout à fait seuls, le chaton et Eva. Son croassement, loin d'être désagréable souligne la beauté de la journée, même si c'est l'oiseau des morts, selon Adamek. Pour elle, aujourd'hui, par cette splendide journée ensoleillée c'est l'appel de la vie qui passe. Comme elle a repris le crayon, il vient s'installer sur son bras gauche, celui exposé au soleil, il observe avec beaucoup de curiosité le mouvement du crayon. A nouveau son ronron s'arrête et d'un coup il s'endort. Le soleil, le chaton endormi, les noisettes étalées sur la table, tout est présent pour cet instant de plénitude. L’infirmière dans son horrible tablier blanc crie du perron : Eva il est temps de rentrer, c’est l’heure de la sieste ! Zut et rezut, le temps tout doucement sombrait c’était chaud, sucré et doux, c'est fini, la vie normale reprend ses droits.
              Une horrible cacophonie de bruit brisa son silence , un homme en bleu de travail assis sur un monstre rouge sang commençait la tonte de la pelouse, c'était l'heure disait-il. Pourtant elles étaient toutes là, bien alignées, bien visibles tels des poteaux télégraphiques, pas moyen de les manquer… et puis, soudain, toutes les aiguilles de ces horloges se mirent à danser, avancer, reculer. Plus moyen de lire l'heure, plus moyen de savoir quand on est, plus moyen de savoir si on vit encore…. Eva fut prise de panique, elle cria vers l'homme, mais l'entendait-il seulement avec ses oreillettes. Elle sortit de sa chambre en pyjama, se précipita vers l'homme. Celui-ci fit un geste et soudain Eva se retrouva dans la chambre close avec une infirmière et sa seringue.
              — Allez madame de toute façon c'est l'heure, vous êtes un peu trop excitée.
              Et pour Eva ce fut à nouveau l'heure du repos, l'heure du sommeil, l'heure du temps immobile.

              La pluie tambourinait contre les carreaux poussiéreux. Au dehors, il faisait sombre. Depuis le début du jour, le temps était suspendu à cette chape noire avec cette nuance violine qui accentue le côté tragique des nues. Le bleu du ciel se dérobait comme l'amante qui joue, cachée sous la couverture. Il était lisse, uniformément gris comme l'eau d'un lac mort. L'eau d'un de ces lacs préhistoriques que l'on aimait à imaginer perdu dans un paysage vert ébène, spongieux et terrible. Un lac sans âme, aux eaux sans fond où rien ne se reflétait si ce n'était l'ombre de la mort. Un lac que l'on s'empressait d'oublier, que l'on chassait le plus vite possible de son esprit.
              Il devait être presque cinq heures quand la pluie d'un coup cessa, comme un dernier râle. Le soleil, tout aussitôt, prit possession de tout l'espace. Il était partout; sur les cimes des hauts arbres qui tendaient leurs branches aux feuilles meurtries, sur le lac qui soudain prenait vie, s'éclairait et, double parfait, reflétait avec émerveillement ce qu'il voyait aux alentours. D'abord les murs du centre psychiatrique, dont le blanc, jusqu'alors invisible, éclatait comme la joie d'une jeune communiante. Jamais, je n'avais vu blanc aussi lumineux. Ensuite, sur les carreaux tout griffé encore de lignes mouillées constituées de centaines de minuscules gouttes de pluies évoquant mille arc-en ciel, qui envahirent soudain la chambre. Un rideau de dentelle transforma ces mille éclats de lumière en dix mille étoiles multicolores. Elles explosèrent alors en millions de constellations scintillantes réchauffant la blondeur du bois clair de la fenêtre, se reflétant comme un immense univers à travers la psyché de la coiffeuse et faisant vibrer le couvre-lit au crochet, l'animant de tressaillements joyeux.
              Seules, dans un coin, sur l'appui de fenêtre, sept montres anciennes restaient suspendues au temps qui n'existait plus, reflets fidèles de ces choses du passé que mon âme de collectionneur chérit. Souvenirs arrêtés d'êtres depuis longtemps disparus, objets devenus dérisoires figés à l'heure de l'éternité. Dans la chambre calme et silencieuse, seul le tic tac du réveil emplissait tout l'espace; lui aussi comptait le temps qui s'écoule et si on l'écoutait suffisamment longtemps, le temps s'écroulait et disparaissait très lentement. Le carillon de Saint Paul, au loin, annonçait vêpres. Le soleil dans un dernier sursaut d'orgueil lança ses rayons, subitement rougeoyants, au travers de la chambre, épousant une dernière fois l'argenté du miroir, le blond du bois de la fenêtre, le blanc du lit et même ce visage calme posé sur l'oreiller.
              Puis, le soleil disparu, le tic tac du réveil s'arrêta, le souffle léger aussi. Eva, mon amie était partie. Seule l'image de son sourire restait dans le miroir. Je n'osais pas aller voir de l'autre côté. Une larme coula le long de ma joue. C'est le début de la fin du premier cercle.






              #158615
              CocotteCocotte
              Participant

                Chère Pomme

                Décidément, je n'ai pas de chance avec mes envois. Je viens de faire un copier-collé, plus facile! Mais je m'aperçois qu'Eva a été enregistré 2 fois. Chers modérateurs, au secours!

                Vous avez raison, la disparition du personnage est frustrante. Je vais demander à Kowka de modifier son texte en tenant compte de vos observations. L'enregistrement suivra la modification.

                Merci

                Cocotte

                #158618
                Augustin BrunaultAugustin Brunault
                Maître des clés

                  Voilà chère Cocotte c'est corrigé 🙂

                  Je n'ai à vrai dire pas le temps de lire en détail mais l'inspiration semble bel et bien là ! Pressentiment positif.

                  bonne soirée à tous !

                  Augustin

                  #158620
                  Christiane-JehanneChristiane-Jehanne
                  Participant

                              O

                    j' ai lu entre ces horribles pubs…= N !

                     et  OUI pour vos textes !

                    amitiés.Bouche cousue.Chr.-J.

                    #158624
                    BruissementBruissement
                    Participant

                      O

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