Buste romain d'Aristote (vers Ier-IIe s. ap. JC) - Musée d'Histoire de l'art de Vienne

La Métaphysique (Livre 1, Chap. 1 et 2)

Si les hommes aiment particulièrement voir, c’est parce que la vue fournit une infinité de perceptions. Connaissances des distances, profondeurs, formes sont apportées plus par la vue que par l’ouïe. La couleur, en effet, qui excite les sensations de la vue, est une qualité permanente des objets (du moins quand le jour dispense assez de lumière) alors que les objets – qui pourraient tous produire une vibration sonore – sont temporairement audibles (c’est-à-dire de temps à autre seulement) alors même que nous serions capables de percevoir leurs sons à chaque instant. Les couleurs quotidiennes apportent ainsi avec elles plus de richesses que les sons quotidiens (si l’on excepte bien sûr les paroles, qui, du fait de leurs significations, et non de leur seule sonorité, donnent une certaine supériorité à l’ouïe sur la vue). Le monde « visible » qui nous intéresse provient donc du monde de la couleur.
Mais, dans le plaisir de voir, la couleur n’est pas l’essentiel. Car voir vraiment, ce n’est pas voir la couleur seulement, mais voir ce que la couleur révèle : la distinction, la profondeur et l’ordre des choses, un invisible qui ordonne le visible. Ainsi, le plaisir de voir annonce le goût pour la sagesse. Il est signe du désir de savoir métaphysique. Les hommes, en effet, savourent, plus que tout, la connaissance qui ordonne les autres : connaissances du monde et de soi, notamment. Cette connaissance s’appelle la Sophia (Sagesse) et Aristote l’identifie avec, d’une part, la connaissance des causes premières, et, d’autre part, avec la vie même du dieu. Voir vraiment, c’est vivre. Connaître la sagesse, c’est participer à la vie divine.
La Métaphysique d’Aristote propose au lecteur de s’acheminer lentement jusqu’à la connaissance de l’invisible le plus élevé, qui ordonne tout être et tout savoir : l’Acte pur, Dieu. Dans les sujets d’étude, tout ne se vaut pas. On peut – voire on doit – ignorer certaines choses, car le temps pourra manquer.

Traduction : Alexis Pierron (1814-1878) et Charles Zévort (1816-1887).

Consulter la version texte de ce livre audio.
Références musicales :

Claude Debussy, La Mer, 1, De l’aube à midi sur la mer, interprété par l’ensemble US Air force Band (domaine public).

Licence d'utilisation : Réutilisation du livre audio soumise à autorisation préalable.
Livre audio gratuit ajouté le 03/11/2012.

10 Commentaires

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  1. Bonosir ,

    Je viens d écouter la totalié du livre et je tiens de nouveau à vous remercier …

    J ai essayé de deemander à LUDOVIC de bien vouloir terminer la METAPHYSIQUE , mais en VAIN et vous retourner sur les dialogues de cet enregistrement vous comprener mieux que a raison …

    MERCI et je réitère ma demande …

    Cordialement.

    AHMED AUDITEUR De LITTERATURE AUDIO et AUDIOCITE plus LIBRIOVOX.

    Bon début de semaine…

    CE MESSAGE EST ADRESSE à DOMI sur la lecture de la tyrannie …

    END

  2. Merci pour cette lecture ! Les candidats à l’agrégation de philosophie peuvent réviser avec un lecteur MP3.

  3. MR LUDOVIC ,

    Je réitère ma demande pour nous faire écouter la suite s il n y a aucune contrainte . je sais d avance que c est un travail acharné et avoir une disponibilté .

    Cordialement.
    AHMED

  4. Bonjour LUDOVIC ,

    JE viens de lire votre commentaire et je dirais même cours en philosophie dont nous avons toujours besoin pour éclairer nos idées … c est un apercu mais tré s développé … et souhaiterais personnellement de terminer ce MANUSCRIT .la PHILOSOPHIE A MILLE DEFINITIONS — Ne pas philosopher c est philosophier .

    Merci infiniment et je garde ce commentaire comme un COURS §§§.

    AHMED

  5. Merci Shmuel R, Ahmed et Daniel, pour vos messages.
    Les remarques portant sur le fond, formulées par Shmuel R, me poussent à apporter les précisions suivantes. Dans le premier chapitre de son livre, Aristote vise à définir ce qu’est la science en la distinguant de l’art. Les deux connaissent des causes ou des raisons (et non le fait seul comme dans l’expérience) mais l’art “sait” pour produire une œuvre alors que la science vise le savoir pour le principe: savoir pour savoir: c’est ce qu’on appelle, de façon redondante alors, la science spéculative. Or ce qu’on a appelé, bien après Aristote, la métaphysique n’est pas la seule activité intellectuelle spéculative, même si elle occupe la première place ou place éminente. Aristote range aussi sous la catégorie « science spéculative » la Physique et les Mathématiques (attention aussi au fait qu’il s’agit de la Physique au sens des Anciens et non des Modernes depuis Galilée principalement). Physique et Mathématiques sont aussi appelées des philosophies secondes et la métaphysique la philosophie première. En effet si le mathématicien veut connaître pour connaître, ce n’est pourtant connaître ce qui est que sous l’aspect de la quantité. De même, le physicien veut connaître du réel seulement le changement et ses raisons. Mais le métaphysicien étudiera l’être en tant qu’être, et non réduit à l’un de ses aspects.
    Tout cela pour dire que, si Aristote illustre son propos avec l’exemple de l’incommensurabilité de la diagonale, c’est précisément pour prendre un exemple d’activité spéculative: le but d’une démonstration est de faire connaître pour le principe, gratuitement, pour la satisfaction de l’esprit, et non pour obtenir des applications utiles. Or le mathématicien, ici appelé philosophe et rapproché ainsi du métaphysicien, sait que la diagonale est incommensurable (il est vrai que la question « savoir pourquoi » ici ne se pose pas, car le mot d’incommensurable est défini par le mathématicien pour formuler le problème particulier qui est envisagé sous ce nom, et il sait que la racine du carré de surface 8 n’est ni un nombre pair ni un nombre impair, ce qu’en revanche un ingénu ignorant de la géométrie ne saurait concevoir avant d’avoir étudié la géométrie du carré. La démonstration par l’absurde que la racine carrée n’est ni paire ni impaire permet de défendre une vérité évidente, d’en montrer le fait, plus que d’en donner la raison. Aussi l’exemple choisi par Aristote est-il intéressant car le principe d’identité ou de non-contradiction, principe des principes, évidence indémontrable en un sens, et sujet de la métaphysique, est défendable par une forme de démonstration par l’absurde). Dans la fin du ch 2 Aristote prend un exemple tiré de Platon : les marionnettes de la caverne, ce qui est là pour faire réfléchir aux degrés du savoir : cet exemple illustre donc la métaphysique rapprochée ici de la dialectique platonicienne. Ensuite un exemple tiré de l’astronomie, et donc de la Physique : les révolutions du soleil ou solstices. Enfin un exemple tiré des mathématiques : la diagonale et l’incommensurabilité. Tous ces exemples montrent qu’à l’étonnement initial qui caractérise la recherche du savoir s’ajoute un étonnement supplémentaire qui porte sur les idées de ceux qui vivent dans l’ignorance.
    La deuxième remarque de Shmuel R a une certaine ironie. Elle exprime sans doute un légitime souci de justice et joue un peu sur les mots en rapprochant la spéculation au sens philosophique et la spéculation au sens économique. La spéculation boursière touche un gain illégitime la plupart du temps. Ainsi donner, en apparence, raison à Aristote sur ceci que « la spéculation vaut mieux que la pratique » revient à lui dire qu’il est du côté des oppresseurs et des maîtres d’esclaves. Et on sait en effet que les citoyens grecs avaient des esclaves. Bref, la position d’Aristote serait idéologique, au sens marxiste du terme, reflet des intérêts des propriétaires capitalistes et moyen de leur conservation. Cependant, la formulation de cette objection, si elle est légitime, ne doit pas faire oublier qu’elle est tout à fait de nature à nous faire oublier que nous avons nous aussi nos propres systèmes d’exploitation et que des esclaves existent bien aujourd’hui sous de multiples formes en notre début de 21ème siècle, et que nous les cautionnons souvent inconsciemment. Il ne suffit pas de soupçonner un auteur d’erreur en voulant se montrer plus clairvoyant que lui sur ses supposées arrière-pensées. Ce genre de procès d’intention révèle parfois plus les intentions de celui qui l’intente que de celui à qui il est fait. Aussi faudrait-il reprendre la critique idéologique marxiste et se demander si la dénonciation de l’esclavagisme des Anciens n’est pas typiquement le genre de discours par lequel les hommes du 21ème siècle se donneraient bonne conscience et s’aveugleraient sur leurs propres systèmes d’exploitation (on peut penser par exemple à la mansuétude avec laquelle on juge de la pornographie aujourd’hui et des mots dont on use pour parler du marché du sexe ou bien à la situation des ouvriers en de multiples coins du monde guère plus enviable que celle de certains esclaves grecs). Ainsi il est tout à fait possible que la pensée philosophique d’Aristote, malgré ses limites historiques (quelle pensée n’en n’a pas?), puisse au contraire être un moyen de se défaire de l’idéologie cautionnant la spéculation boursière et plus généralement un moyen de démasquer les idéologies. C’est le pari que je fais lorsque je lis Aristote, sans ignorer les conditions historiques et sociales où son œuvre a été produite. Une grande œuvre ne se réduit pas en effet aux conditions historiques et sociales de sa production. J’ajoute qu’Aristote a affranchi ses esclaves et a donné l’exemple dans sa Politique et dans l’Economique d’une critique des moyens d’enrichissement illégitimes. Marx en a d’ailleurs repris l’essentiel dans le livre 1 du Capital. La critique de la philosophie par Marx est malheureusement un élément qui peut être analysé comme une source de l’oppression soviétique ou communiste en général. Voir Simone Weil, dans son livre intitulé Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale.
    Pour résumer, une idéologie contraire à une autre n’est pas le contraire de l’idéologie. Il se pourrait bien que la Métaphysique et plus généralement la réflexion philosophique soient, pour leur part, le contraire de l’idéologie. Ainsi je ne crois pas qu’Aristote se soit moqué de nous. Il s’est efforcé de prendre son lecteur au sérieux et de le respecter. A son lecteur de faire de même.

  6. Bonjour Ludovic ,

    Merci d entamer la lecture des deux volumes s il ya une possibilite ; aujourd hui nous ne saurons jamais la vérité des choses mais devons prender en considération toutes les pensées philosophiques et ainsi les commentaires qui touchent à ces sujets d une telle importance .
    Encore merci de cette volonté et bon courage pour la suite que nous esperons bien se réaliser par vos sois .

    AHMED

  7. Merci Ludovic. Sur le fond du sujet: chapitre 2, c’est vrai que le rapport de la diagonale aux côtés du carré est incommensurable, mais les philosophes, qui prétendent expliquer le pourquoi des choses, sont aussi incapables que vous et moi d’en exprimer la raison profonde. Conclusion, Aristote se fiche de nous. Pour le premier chapitre, d’accord avec son assertion: la spéculation vaut mieux que la pratique. On remarquera, en effet, que les spéculateurs se débrouillent beaucoup mieux que les pauvres types qui vont au boulot.

Lu par Ludovic CoudertVoir plus

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