Tchouang-tseu par Hua Zuli (actif au XIVe siècle, dynastie Yuan)

Chevaux dressés

Tchouang-tseu 莊子 (Zhuāngzǐ en pinyin), dont les dates sont incertaines, naquit vers 369 avant notre ère et mourut vers 286. C’est l’un des plus grands philosophes de la Chine.

Dans ce texte, il y a quelque chose d’étonnamment moderne. Tchouang-tseu y fait la critique de la civilisation en tant qu’asservissement de la nature. De plus, il s’agit sans doute du premier écrit où apparaît une prise de conscience de la souffrance animale.

Comme l’œuvre de Tocqueville peut être vue comme une réaction face aux excès du pouvoir absolu de la monarchie, l’œuvre de Tchouang-tseu peut être vue comme une réaction face à une société qui étouffe sous les rites. Tchouang-tseu est avant tout un homme libre qui s’emploie à briser toutes les chaînes.

Le grand historien Sima Qian ne s’y était d’ailleurs pas trompé, qui écrivait :
« Tchouang-tseu fut un auteur remarquable, d’une intelligence aiguë, aussi prompt dans ses traits que dans ses raisonnements. Il se servit de ces avantages pour attaquer les confucianistes et les mohistes ; aucun de ses contemporains ne put lui résister, même parmi les plus savants. Son langage déborde d’imagination, il ne suit que sa propre inspiration, de sorte que les puissants n’ont jamais pu faire de lui leur instrument. » (Mémoires historiques, chapitre LXIII)

On raconte d’ailleurs que le roi Wei de Chu envoya deux messagers, porteur d’une somme d’argent importante, accompagnée d’une invitation à venir diriger les affaires de l’état. Tchouang-tseu répondit : « N’y a-t-il pas au pays de Chu une tortue sacrée, morte il y a plus de trois mille ans, dont le roi conserve précieusement la carapace, entourée d’une pièce de tissu et serrée dans un panier d’osier, dans le temple ancestral de son palais ? Croyez-vous que la tortue soit plus heureuse, maintenant qu’elle est vénérée comme une relique, que lorsqu’elle était vivante et traînait sa queue dans la boue ? – Elle était plus heureuse vivante à traîner sa queue dans la boue ! », répondirent en chœur les envoyés. Tchouang-tseu dit alors : – Eh bien ! partez. Je préfère moi aussi traîner ma queue dans la boue ! »

Traduction : Léon Wieger (1856-1933), légèrement retouchée.

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Références musicales :

Dizi (flûte traversière chinoise en bambou), interprété par CarlosCarty (licence Cc-By-3.0).

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Livre audio gratuit ajouté le 30/10/2021.

3 Commentaires

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  1. Merci Mohammed et Alex pour vos commentaires.

    Alex, un extrait du chapitre X du livre de Tchouang-tseu, qui pourrait peut-être vous être utile. C’est étonnant de voir que ces propos ont été écrits il y a 2300 ans !

    « C’est la science artificielle, contre nature, qui a causé tous les maux de ce monde, et le malheur de tous ceux qui l’habitent. L’invention des arcs, des arbalètes, des flèches captives, des pièges à ressort, a fait le malheur des oiseaux de l’air. L’invention des hameçons, des appâts, des filets, des nasses, a fait le malheur des poissons dans les eaux. L’invention des rets, des lacs, des trappes, a fait le malheur des quadrupèdes dans leurs halliers. Oui, l’amour de la science, des inventions et des innovations, est responsable de tous les maux de ce monde.
    En résumé, l’excès d’intelligence met du désordre dans le rayonnement de la lune et du soleil, effrite les montagnes, dessèche les fleuves et perturbe la succession des quatre saisons. Ces maux vont déranger même les vers craintifs et les insectes minuscules dans leurs habitudes propres. Quel désordre l’amour de l’ingéniosité n’apporte-t-il pas dans l’univers ? Et il en est ainsi depuis les trois dynasties. Le peuple a perdu sa simplicité et s’est tourné vers les discoureurs. Il a délaissé le non-agir et perdu sa tranquillité pour s’être trop instruit. Les excès de l’intelligence et de l’action ont perturbé le monde. »

    Traduction Léon Wieger et Liou Kia-Hway (Œuvre complète, Chapitre X)

  2. J’ai ce texte au programme de terminal cette année mais pas dans la même traduction. Contexte historique et environnement intellectuel éloignés des traditions classiques gréco-latines et judéo-chrétiennes. Déboussolant mais passionnant pour quelqu’un curieux de découvrir comme moi. On nous a conseillé de lire Anne Cheng, Histoire de la pensée chinoise. Merci à toi pour ta lecture.

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