Leslie Duarte Castro - Livre

Conte du chevalier fol qui voulait faire le bonheur d’autrui

« Mesdames les fées, dit le roi, soyez les bienvenues !… Voici mon fils dernier-né. Je voudrais qu’il devînt un prince digne de ses ancêtres. Or, faites bien attention, car son cas ne laisse pas d’être singulier et je le soupçonne d’avoir déjà du vice dans la peau : son premier geste, en arrivant ici-bas, n’a-t-il point été de nous montrer son derrière !

Quelques fées se mirent à rire aux éclats, sans paraître se soucier autrement de la gravité de la situation.

Les autres n’avaient rien écouté, occupées qu’elles étaient à examiner le mobilier et les tentures ; à présent, elles se faisaient part de leurs impressions.

Le roi perdit patience.

– Mesdames, reprit-il sèchement, remettez à plus tard ces bavardages. Vous êtes payées pour faire, aux lardons, des dons : donc, faites des dons !

Puis, craignant de les voir se mettre en grève, en un moment où il avait si grand besoin de leurs services, il crut sage d’ajouter :

– Pour vous récompenser de vos peines, vous trouverez, au buffet, du champagne, des sandwiches et des cigarettes.

À ces mots, les fées battirent des mains et se pressèrent, toutes à la fois, autour du berceau.

Ayant hâte d’en finir, elles jetaient leurs dons au petit bonheur, comme on se débarrasse d’un paquet inutile.

Les jeunes offraient les plus ordinaires vertus, sous prétexte que c’est toujours assez bon pour un prince ; et les vieilles, avec la même légèreté coupable, laissaient tomber les médiocres défauts correspondants, de sorte que le total donnait zéro.

Quant aux fées spécialistes, chargées de faire ces dons saugrenus qui sont d’une si grande utilité dans les contes, elles se contentaient également de ce qu’elles avaient sous la main : vieux dons si usagés qu’ils étaient devenus tout à fait inefficaces. Elles brouillaient tout, par surcroît, disant, par exemple, que le nouveau-né filerait à la quenouille pendant cent ans, que le Prince charmant désirerait l’épouser et le réveillerait en dansant avec des souliers de verre, qu’il allaiterait une licorne ou un ogre, dans une grotte, au bord de la mer…

Elles vous lâchaient tout ça pêle-mêle, hardi petit ! car elles ne songeaient qu’au champagne et aux cigarettes. »

Que va-t-il advenir de ce jeune prince né sous de si curieux auspices ?

Ernest Pérochon nous fait sourire et réfléchir… mais ce n’est pas un conte pour les enfants.


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Livre audio gratuit ajouté le 17/08/2020.

7 Commentaires

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  1. Merci à toutes les deux pour vos gentils commentaires.
    J’ai beaucoup aimé lire ce texte que j’ai découvert il y a peu de temps.
    Je suis heureuse qu’il vous plaise.

  2. Tout à fait d’accord avec le commentaire de Lïat!
    C’est charmant et plein de Sagesse!
    Bravo Madame pour la lecture et merci

  3. Quelle belle surprise, madame Domi ! Voici quelque chose de très original.
    Je n’ai pas terminé l’écoute, mais cet écrivain me fait un peu penser à Voltaire…Merci donc pour cette nouvelle:
    c’est toujours un plaisir de vous écouter !

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