Femme devant un miroir

Annotation sentimentale

« J’écrivis un soir ces pages pour une jeune femme très blonde qui collectionne des échantillons d’écriture, mais j’ai préféré les donner à un ami – parce que nous avons tous un peu les mêmes peines. »

Jean de Tinan, mort à 24 ans en 1898, est l’auteur d’Érythrée que nous avons accompagné d’une courte biographie. Jeune Casanova, passionné par les problèmes touchant à l’amour et à l’érotisme, il philosophe avec élégance :

« Bien des jeunes gens – Madame – ont aujourd’hui cette habitude fâcheuse de disserter sans précision sur la métaphysique d’amour : combien souvent ils se contredisent eux-mêmes. »

« Nous ne savons pas penser à l’amour, il y faut d’extraordinaires musiques, des fugues envolées et des arpèges lents. Nous comprenons presque, aux heures de demi-inconscience où nous échappons un peu à la tyrannie des sensations, lorsque le passé et le présent nous gênent moins, – alors seulement se précisent des représentations pieusement enfantines : murmurer son nom, écarter doucement ses mains pour adorer son regard, recevoir d’elle, d’elle ! – nous imaginons mal l’éblouissant mélange de la volupté et de l’amour. »

« Devrons-nous ainsi ricocher de cœur en cœur et de chair en chair jusqu’à l’apaisement d’un néant ou l’effarement d’un au-delà ! – l’effarement : car peut-être ne songeons-nous si souvent à la possibilité d’un ineffable devenir d’amour que parce que nous parvenons mal à y croire, et nous ne parvenons pas non plus à croire en l’anéantissement simple des personnalités ; nos souffrances d’amour sont comme des reflets de nos girations métaphysiques, seulement cela ne nous apparaît pas très nettement, parce qu’il y a rarement simultanéité. »

« Flirt ! – jeune dieu souriant, ceux-là seul médiront de toi qui ont mal connu ces joies factices et véritables ; tu marches indulgent appuyant doucement tes belles mains contre les lèvres qui les implorent – et tu sais que dans nos cœurs nous t’avons élevé des autels. Ce soir, il te plaira que nous allions en longues théories lentes sous les péristyles fleuris de tes temples en faisant semblant de nous aimer… »

Écoutons en souriant l’Annotation sentimentale (1921, posthume).

Dans Penses-tu réussir !!, le premier roman de Tinan, Mallarmé avait salué une nouvelle Éducation sentimentale.


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Femme devant un miroir.

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Livre audio gratuit ajouté le 24/03/2017.

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