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Augustin BrunaultAugustin Brunault
Maître des clés

    Dans l’abri-caverne

    (Extrait du recueil Calligrammes, 1918)




    Je me jette vers toi et il me semble aussi que tu te jettes vers moi
    Une force part de nous qui est un feu solide qui nous soude
    Et puis il y a aussi une contradiction qui fait que nous ne pouvons nous apercevoir
    En face de moi la paroi de craie s’effrite
    Il y a des cassures
    De longues traces d’outils traces lisses et qui semblent être faites dans de la stéarine
    Des coins de cassures sont arrachés par le passage des types de ma pièce
    Moi j’ai ce soir une âme qui s’est creusée qui est vide
    On dirait qu’on y tombe sans cesse et sans trouver de fond
    Et qu’il n’y a rien pour se raccrocher
    Ce qui y tombe et qui y vit c’est une sorte d’êtres laids qui me font mal et qui viennent de je ne sais où
    Oui je crois qu’ils viennent de la vie d’une sorte de vie qui est dans l’avenir dans l’avenir brut qu’on n’a pu encore cultiver ou élever ou humaniser
    Dans ce grand vide de mon âme il manque un soleil il manque ce qui éclaire
    C’est aujourd’hui c’est ce soir et non toujours
    Heureusement que ce n’est que ce soir
    Les autres jours je me rattache à toi
    Les autres jours je me console de la solitude et de toutes les horreurs
    En imaginant ta beauté
    Pour l’élever au-dessus de l’univers extasié
    Puis je pense que je l’imagine en vain
    Je ne la connais par aucun sens
    Ni même par les mots
    Et mon goût de la beauté est-il donc aussi vain
    Existes-tu mon amour
    Ou n’es-tu qu’une entité que j’ai créée sans le vouloir
    Pour peupler la solitude
    Es-tu une de ces déesses comme celles que les Grecs avaient douées pour moins s’ennuyer
    Je t’adore ô ma déesse exquise même si tu n’es que dans mon imagination

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