Répondre à : RACINE, Jean – Sur les vaines occupations des gens du siècle (Poème)

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VictoriaVictoria
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    RACINE, Jean – Sur les vaines occupations des gens du siècle (Poème)




    Quel charme vainqueur du monde
    Vers Dieu m’élève aujourd’hui ?
    Malheureux l’homme qui fonde
    Sur les hommes son appui!
    Leur gloire fuit et s’efface
    En moins de temps que la trace
    Du vaisseau qui fend les mers,
    Ou de la flèche rapide
    Qui, loin de l’œil qui la guide,
    Cherche l’oiseau dans les airs.

    De la Sagesse immortelle
    La voix tonne et nous instruit:
    “Enfants des hommes, dit-elle,
    De vos soins quel est le fruit ?
    Par quelle erreur, âmes vaines,
    Du plus pur sang de vos veines,
    Achetez-vous si souvent,
    Non un pain qui vous repaisse,
    Mais une ombre qui vous laisse
    Plus affamés que d’avant ?”

    “Le pain que je vous propose
    Sert aux anges d’aliment;
    Dieu lui-même le compose
    De la fleur de son froment.
    C’est ce pain si délectable
    Que ne sert point à sa table
    Le monde que vous suivez.
    Je l’offre à qui veut me suivre:
    Approchez. Voulez-vous vivre ?
    Prenez, mangez, et vivez.”

    O Sagesse! ta parole
    Fit éclore l’univers,
    Posa sur un double pôle
    La terre au milieu des airs.
    Tu dis; et les cieux parurent,
    Et tous les astres coururent,
    Dans leur ordre se placer.
    Avant les siècles tu règnes;
    Et qui suis-je, que tu daignes
    Jusqu’à moi te rabaisser ?

    Le Verbe, image du Père,
    Laissa son trône éternel,
    Et d’une mortelle mère
    Voulut naître homme et mortel.
    Comme l’orgueil fut le crime
    Dont il naissait la victime,
    Il dépouilla sa splendeur,
    Et vint pauvre et misérable,
    Apprendre à l’homme coupable
    Sa véritable grandeur.

    L’âme heureusement captive
    Sous ton joug trouve la paix,
    Et s’abreuve d’une eau vive
    Qui ne s’épuise jamais.
    Chacun peut boire en cette onde,
    Elle invite tout le monde;
    Mais nous courons follement
    Chercher des sources bourbeuses,
    Ou des citernes trompeuses
    D’où l’eau fuit à tout moment.

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