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Satires, I, 9 : Le casse-pieds.
Traduction : Jacques Faulx, professeur à l’A.R. d’Esnaux.
Je m’en allais, d’aventure, par la Voie Sacrée pensant, selon mon habitude, à je ne sais quelles bagatelles et tout à elles.
Vient à moi un personnage que je connaissais seulement de nom, et, me saisissant la main :
– “Comment te portes-tu, toi, ce que j’ai de plus cher au monde ?”
– “Fort bien, pour l’instant du moins, dis-je, et tous tes désirs sont les miens.”
Comme il s’attachait à mes pas, je prends les devants :
– “Y a-t-il quelque chose pour ton service ?”
Mais lui :
– Tu dois me connaître, je suis un lettré.”
Moi alors :
– “Tu m’en seras d’autant plus précieux.”
Cherchant éperdument à m’en aller, tantôt je marchais plus rapidement, tantôt je m’arrêtais, je disais n’importe quoi à l’oreille de mon esclave, alors que la sueur me coulait jusqu’aux talons.
– “O Bolanus, que tu es heureux à cause de ton esprit ! ”
disais-je à part moi, pendant que l’autre racontait n’importe quoi et louait les rues et la ville.
Comme je ne lui répondais rien :
– “Tu as une furieuse envie, dit-il, de t’en aller ; il y a longtemps déjà que je le vois ; mais tu perds ta peine ; je te tiendrai jusqu’au bout, je te suivrai sans répit. D’ici, vers où va donc ton chemin ?”
– “A quoi bon t’imposer tous ces tours et détours ? Je vais rendre visite à quelqu’un que tu ne connais pas ; il est alité loin d’ici, de l’autre côté du Tibre, près des jardins de César.”
– “Je n’ai rien à faire et je ne suis point paresseux ; je te suivrai jusqu’au bout.”
Je baisse l’oreille comme un petit âne de méchante humeur quand il vient de recevoir sur le dos une charge trop pesante.
L’autre recommence :
– “Si je me connais bien, tu ne feras plus de cas de tes amis Viscus et Varius ; car qui pourrait écrire plus de vers que moi, ou plus vite ? danser avec plus de grâce ? et je chante de manière à rendre Hermogène jaloux.”
C’était le moment de lui couper la parole :
– “As-tu une mère, des parents pour qui tu doives rester bien portant ?”
– “Absolument personne, je les ai tous mis au tombeau.”
– “Heureux sont-ils ! moi, maintenant je reste.