Accueil › Forums › Discussion générale › Farenheit 451 › Répondre à : Farenheit 451
Entre Maître et Esclaves
A cet instant, un raclement sur la roche se fit entendre. Le Maître se retourna et dévisagea avec une certaine cruauté dans le regard le petit être qui venait vers lui, les chevilles entravées par une chaîne qui produisait le bruit qui l’avait fait se retourner.
– Bien, bien, tu n’as pas oublié mon thé, cette fois ! Tu as bien fait, et pourtant j’en ai presque du regret. Le spectacle de ta misérable carcasse servant de pâture à mes chiens m’aurait procuré, je dois l’admettre, un certain plaisir !
Un frisson parcouru le corps de la pauvre créature. Il gardait la tête baissée, en signe de soumission. Et n’offrait à la vue de son Maître que la misérable touffe de cheveux roux qui pendouillait lamentablement sur le dessus de sa tête. Il n’était pas plus grand qu’un enfant humain âgé de deux ans, sa peau , qui transparaissait sous une sorte de tunique déchirée, trouée, était de couleur sombre. Ses membres étaient grêles et osseux, il semblait avoir monté trop vite en graine. Et il avait de grands pieds, de vraiment grands pieds pour sa petite taille.
– J’espère que tu l’as préparé correctement ! Je déteste le thé trop fort, tu le sais ! Et j’imagine que tu n’as pas rajouté l’une de tes décoctions du pays des fées !
La seule réponse fut un frémissement.
Le Maître, d’une main aux doigts maigres et scrofuleux, releva le menton de l’esclave. Celui-ci avait un visage allongé, dont les joues creuses tombaient en plis de chaque côté d’un menton en galoche et révélaient qu’elles avaient été pleines et rebondies un jour.
Les paupières couvraient presque les yeux qui étaient emplis d’une profonde tristesse et semblaient avoir perdu toute couleur définissable. La bouche, grande, se perdait en des plis amers en partie cachés par une barbe mangée aux mites, dont les poils se mêlaient à ceux jaillissant d’oreilles longues et pointues dont l’une était ornée d’un anneau d’or. Quand à son nez, il évoquait assez une vieille pomme de terre.
Le Malveillant plongea son regard dans les yeux chassieux du Korrigan.
– Huuu, huuu ! Non, tu n’as pas osé ! n’est-il pas Artémus ? Tu as compris que tes petits sorts sur la terre ne sont pour moi rien d’autre que farces grotesques !
Le Korrigan ne répondait pas, ne cillait pas. Figé par la peur ou le désespoir, il était totalement soumis.
Et le Maître se délectait de la terreur qu’il imposait. Il prit sa tasse de thé, la but à petites goulées, surveillant son esclave qui s’était recroquevillé et attendait les ordres.
Un instant plus tard, la tasse vide posée sur le plateau, le petit être s’en allait sur un mouvement impérieux de la main du Maître qui le congédiait.
Il suivit une galerie qui menait dans une autre vaste caverne dans laquelle avaient été creusées plusieurs grottes. L’une servait de garde-manger et avait une trouée qui menait dans celle qui servait de cuisine. C’est là qu’Artémus ramena le plateau et la tasse.
Dans chaque grotte, des êtres du petit peuple travaillaient entravés. Certains s’occupaient de la nourriture, d’autres creusaient de nouvelles galeries, d’autres encore lavaient les amples robes du Maître, ou taillaient des pierres précieuses, forgeaient des bijoux.
Un groupe avait été chargés de la taille des piliers qui s’élançaient jusqu’aux voûtes des diverses cavernes et sculptaient des entrelacs de feuilles, de notes et de partitions pour satisfaire leur cruel Maître.
Et l’air résonnait des coups de marteaux, du crissement des ciseaux sur la pierre et était amplifié par l’écho de toutes ces grottes, revenait et irritait les oreilles des malheureux, dont certains finissaient par se jeter tête la première contre la roche, tant leur douleur était grande.
– Artémus ! chuchota une petite voix, combien de temps encore ? Quand serons-nous enfin libres ? Nous n’en pouvons plus ! Il faut rompre le charme qui nous tient sous sa coupe !
– Chuut , Fina ! Tu sais bien qu’il entend tout ! Sois patiente, le moment arrive…..
– Tu me dis cela depuis bien longtemps, et rien ne change, sanglota la jolie Fina.
– Je sais bien, mais Gwendal tente d’entrer en communication avec ceux qui sont restés cachés sur terre. Mais tais-toi maintenant, nous en reparlerons quand Il se concentrera sur les Donneurs de Voix.