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#149665
Augustin BrunaultAugustin Brunault
Maître des clés

    Iarive

    Salut, terre royale où mes aïeux reposent,
    grands tombeaux écroulés sous l'injure du temps:
    et vous, coteaux fleuris, que des fleuves arrosent
    avec leurs ondes d'or aux reflets éclatants !

    Salut, village rouge aux tuiles primitives
    sur lesquelles, parfois, bondit le beau levant;
    vieux murs que, le matin, de leurs chansons plaintives,
    les filles d'Imerne animent en rêvant !

    Je vous salue aussi, montagnes éternelles,
    immuables témoins de notre âge aboli,
    où l'on cherche à savoir ce que cachent en elles
    les pierres-des-anciens au fronton démoli !

    Je voudrais divertir mes pensées et mes rêves
    parmi vos grands débris et vos charmes mourants,
    et jouir près de vous de mes heures de trêves,
    ô Pays d'Inconnus, de Héros et de Grands !

    Au lever du soleil, les pâtres, les bergères
    chanteront au-dehors, précédant leurs troupeaux;
    les gammes de leurs chants, naïves et légères,
    berceront mollement mon somme et mon repos/

    Et lorsque soufflera la brise matinale
    à travers ma fenêtre en bois minces et bleus,
    je sortirai humer de la fleur vaginale
    l'encens doux et naissant et le parfum frileux;

    puis vers d'autres plaisirs s'en iront mes délices,
    et je viendrai bientôt, parmi les paysans,
    acclamer la moisson et fêter les prémices,
    en agitant dans l'air nos épis mûrissants.

    Mais soudain, me viendront les grandes faims mystiques,
    car vos ombres, mes morts, émigreront en moi,
    et, près de nos tombeaux aux murailles antiques,
    je courrai murmurer ces mots remplis d'émoi:

    “Ô mon vain coeur, c'est là, sous ces vastes ruines
    sur lesquelles s'abat un essaim de corbeaux,
    c'est là qu'enveloppé d'un manteau de bruines,
    un jour tu pourriras ! C'est là, dans ces tombeaux !”

    Vainement je tairai les sanglots de mon âme,
    ô Pays de repos, de trêve et de loisirs;
    trouverai-je jamais le magique dictame
    qui puisse, un long moment, combler mes déplaisirs ?

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