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BLANC, Jean-Noël – Hôtel intérieur nuit (Extraits)
Moi, mes filles, je leur dis…
Maman, elles disent, mes filles, avec tout l’argent qu’on a maintenant tu pourrais bien te payer autre chose comme hôtel. Et comme vêtements. Avec ce qu’on gagne maintenant.
Je les laisse dire. Je sais ce que je pense et ça me suffit. Bien faire et laisser dire, voilà ma devise. Depuis que je suis en âge d’avoir ma petite idée sur ce que c’est que la vie et toutes ses joyeusetés, je n’ai jamais modifié mon opinion. S’amuser à des babioles c’est gaspiller le temps. La vie, je dis, ça se gagne.
Et puis pourquoi est-ce-que j’irais m’installer, moi, dans le luxe, le tralala c’est pour les gens de la haute, grands hôtels, dessous de soie, bijoux, restaurants chics, serveurs en gants blancs, le diable et- son train, la belle jambe que ça me ferait. Sauf qu’ils auraient l’air climatisé les hôtels. Pas comme ici. Mon Dieu la chaleur qu’il y a dans cette chambre. Une touffeur.
Les micmacs et les salamalecs du beau monde, je dis, ça serait seulement plus de dépenses, pas beaucoup plus de bonheur, et moins d’argent en fin de compte pour la carrière de mes filles.
Avec ça que je sue des mains à présent. Les paumes moites, c’est le bouquet. Comme si ça ne suffisait pas des jambes qui me pèsent le poids de la mort quand l’air est aussi lourd que cette nuit. Les grosses, c’est comme ça. Mes filles, maman elles disent, tu devrais essayer un régime. Fais un effort. Suzanne, quand elle me le dit, maman fais un effort, moi je la vois devant moi, si mince, un bijou, quand elle me regarde j’ai presque honte.
L’argent, je leur dis, ça coûte. Les régimes, les petits plats, les remèdes, des produits allégés, c’est jeter l’argent par les fenêtres. Je leur dis, mes petites, vous comprendriez si vous vous rappeliez comment c’était avant. Quand il s’en est allé courir son guilledou, l’autre.
Quand il est parti avec sa donzelle. Une maigrelette, toute pâle, l’air souffreteux, un haricot vert. Lui, pourtant, pas plus tôt vue, pas plus tôt séduit, emballez c’est pesé et salut la compagnie. Lui qui ne savait jamais prendre une décision, il a fallu qu’il tombe sur cette fille maigre comme un portemanteau, et du jour au lendemain adieu, bon voyage, que le vent te pousse petit mousse. Dire qu’à l’époque où je l’ai connu, il n’osait même pas laisser tomber son travail de serveur pour devenir danseur.
Pourtant, des gambilleurs comme lui, je peux le dire, ça ne court pas les rues. Le tango, il fallait voir. Et la valse, le fox-trot, la chaloupée, même le rock à la fin. Un as. Je lui ai dit, pas d’histoire, toi mon vieux le Bon Dieu t’a fabriqué pour la danse et seulement pour ça et tout le reste basta. J’ai téléphoné moi-même au restaurant où il travaillait. Je leur ai annoncé sa démission. Après, j’ai démarché les cours de danse. Les beuglants. Les trémousse-fesses. Je le traînais derrière moi, mon roi du cha-cha-cha. Il suffisait que les tauliers le voient faire une fois son baladin pour l’engager. Un danseur de première.
Bien sûr, au début, le diable, on l’a tiré par la queue. Tant pis. Je savais que ça marcherait. Au téléphone, je laissais mariner les patrons de dancing qui commençaient à le réclamer, je me donnais l’air de gérer son agenda, je disais qu’il n’avait pas une minute pour un nouvel engagement, je faisais monter les prix. Et puis.
Bon dieu, cette bouteille, où est-ce-que je l’ai mise, on dirait qu’elle cherche à m’éviter, viens voir ici ma toute belle.
Lui parti, on est restées toutes seules, les petites et moi. Il a bien fallu que je me décarcasse. Bagarreuse, je l’ai toujours été. Les autres gamines, à l’école déjà, quand on était toutes hautes comme trois pommes à genoux et qu’elles chantaient nananère la pouffiasse, nananère la grosse, ça ne traînait pas, j’embrayais. Un aller-retour gardez la monnaie, ça ne gagne pas ça débarrasse. Ma boîte à calottes, elle n’a jamais chômé. Le directeur convoquait mes parents. Pour ce que ça changeait. Ce n’était pas pour ses beaux yeux de Directeur de la Communale que j’allais me laisser marcher sur les pieds.
Quelle chaleur. L’enfer. Je coule. Je ne bouge pas, je ne fais rien, et je coule. Entre les seins, une rigole. Et mes jambes, mes jambes. Mon Dieu.
Alors l’autre, quand il s’est tiré avec sa demi-portion, j’ai craché dans mes mains et j’ai retroussé mes manches. C’est d’abord ça qu’elles doivent comprendre, mes filles. Suzanne, Maïté, mes petites, c’est ça qu’il faut bien vous mettre dans la tête. Et l’huile de coude, voilà le truc, vous m’entendez. Ecoute-moi Maïté, écoute-moi.
Allo, c’est toi Maïté, ma petite fille, ma toute petite, je suis si contente de t’entendre. Oui, c’est tard, et alors, est-ce qu’il y a maintenant une heure pour appeler sa fille au téléphone, il ferait beau voir ça. Tu sais, je suis allée repérer l’établissement où tu vas passer. Eh bien quoi, oui, l’établissement. Mon Dieu j’étouffe dans cette chambre, tu ne peux pas savoir. J’ai rencontré le directeur, un monsieur très bien, très chic, ne t’en fais pas pour le contrat je pense le signer demain. Non je ne crie pas ma poulette. Je parle comme je parle, c’est tout. Si tu savais la chaleur qu’il y a ici, c’est bien simple je me fais le sauna sans bouger. Dis-moi quand tu viens, le directeur aimerait te voir avant de t’engager définitivement. Oui, c’est samedi que tu commences. En soirée . tu sais, ici, les gens, ce n’est pas une bien grande ville, il n’y a pas matinée ET soirée. Vendredi ce serait bien, j’irai t’attendre à la gare. Ecoute je te rappelle, je t’embrasse, non je ne crie pas, je ne sais pas pourquoi tu dis toujours que je crie. Je t’embrasse.
Même le téléphone qui poisse. Ce n’est pas possible de suer autant. Fenêtre ouverte ou pas. Avec ça que je ne retrouve pas le numéro de téléphone de ce type, je perds tout, bientôt c’est la boule que je vais perdre. Son établissement, comment il s’appelle déjà, un nom anglais, ils portent tous un nom anglais, à la fin je m’y perds. Basta. Pourvu que mes filles dansent. Même si ce n’est que pour un remplacement. Il y a des passes difficiles, demain ça ira mieux. La vie, si jamais vous commencez à baisser les bras, vous êtes sûr de toujours perdre la partie.
Elle n’attend que ça, la vie : que vous renonciez. L’existence, c’est peau de vache et compagnie. Il ne faut jamais lui laisser le volant. Il vaut mieux conduire soi-même, toujours. Et serrer les dents.
Sainte Vierge cette chaleur, j’étouffe, je fonds.
Quand il nous a laissées toutes les trois d’un seul coup, le bec dans l’eau comme des moins que rien, il a fallu déménager. Bonjour les gourbis. La cuisine au butagaz. Les soupentes, les garnis, les chambres miteuses. Cet hôtel, ici, à comparer, c’est le luxe. On a vu tellement pire, toutes les trois. Moi, les ménages. Suzanne et Maïté, l’école d’abord, la danse ensuite.
Moi, mes filles, je leur dis, ce n’est pas parce que vous êtes des femelles que le Bon Dieu vous a destinées au ménage et au repos du guerrier. Mes petites, j’ai dit tout de suite, il vous faut un métier. J’ai dit aussi, on ne sait jamais, des fois que vous auriez hérité quelque chose de votre père. Danseuses, pourquoi pas, il vous devrait bien ça.
J’ai pris des ménages à droite et à gauche, il n’y a pas de sot métier. Suzanne et Maïté, pendant ce temps, l’école, et puis la danse, sérieusement. Pour réussir, je disais, c’est 10% récréation, 90% transpiration. Et du cœur au ventre. J’ai toujours été sûre qu’elles réussiraient.
Suzanne, pourtant, elle renâclait. Pour laisser croire qu’elle avait travaillé à la barre elle se vaporisait de l’eau sur la figure pour avoir l’air d’être en sueur. Un soir je l’ai surprise à ce petit jeu. Je n’ai rien dit, je l’ai regardée dans les yeux, c’est tout. Je l’ai regardée le temps qu’il a fallu. Elle n’a rien dit non plus. Et puis elle a repris ses exercices. Elle n’a plus jamais cherché à tricher. Plus jamais. Suzanne.
La destinée, je dis, plus elle est vache plus on a raison de batailler pour faire son trou. La belle et bonne lumière du soleil, on peut toujours la faire entrer dans le destin si on veut bien. Il suffit de remuer le ciel et a terre.
Allo oui, je veux parler à monsieur Simon. S’il vous plaît. Allons, vous n’allez pas me dire qu’il est fermé cet établissement, un soir de semaine. Ah bon, pourtant il n’est pas si tard que ça. Excusez-moi je n’avais pas regardé l’heure. Excusez-moi, je vous en prie. Ah c’est monsieur Simon, bonjour, c’est madame Guesch, oui, la maman des danseuses, l’engagement pour samedi, vous savez bien, Suzanne, Maïté. Oui, les danseuses. Figurez-vous que je viens de leur téléphoner à toutes les deux, elles confirment, oui, vendredi soir, elles passent vous voir dès qu’elles arrivent. Et pour le contrat, demain matin je, oui on fait comme on a dit, en fin de matinée, très bien, d’accord on verra ça, c’est cela même, bien le bonjour monsieur Simon . Et bonne nuit.
C’est qu’elles ont travaillé, mes filles. Des acharnées : je ne leur ai pas laissé le choix. L’école, la danse, la gymnastique. J’ai insisté pour la gymnastique. C’est que la danse, c’est des foulures, des élongations, des entorses. Le format petit rat, vous repasserez. Il faut du muscle. De la résistance. Sinon rideau.
C’est à cette époque que j’ai pris les ménages dans les bureaux. La nuit. Le jour, mes petites, je pouvais m’en occuper. Gymnase ici, cours de danse là, toujours la course. En plus de l’école. Je les accompagnais. J’ai toujours été là.
Les larmes qu’elles ont pu verser. Je disais, taisez-vous, vous pleurerez après, maintenant on n’a pas le temps.
Maïté, surtout. Celle-là, toujours un bobo, une douleur, maman j’ai mal au genou, maman ma cheville, et quand ce n’étaient pas ses articulations c’étaient ses règles, le ventre, j’ai mal. Suzanne, elle, jamais une plainte. Et jamais plus la moindre tricherie. Jamais.
Les concours, elles les ont gagnés ensemble. Toutes les deux. Les écoles de danse, les cours : toujours les premières. Elèves, seconds quadrilles, premiers quadrilles, coryphées, petits sujets, grands sujets, premières danseuses. Moi, mes filles, je leur ai toujours dit, allez-y j’ai confiance en vous. Je leur ai toujours dit, allez-y, vous gagnerez. Elles ont gagné. Premières. Et pareil pour les engagements, les spectacles, les tout premiers contrats. Je les emmenais aux auditions. Cent concurrentes au bas mot. Je leur disais, ça ne fait rien, il y en aurait deux cents que c’est vous qui l’emporteriez quand même.
C’est comme ça : si quelqu’un a confiance en vous, vous gagnez. Elles gagnaient.
La mouise, c’était fini. Elles ont commencé à travailler vraiment. La danse, c’est un travail. Deux heures pour le spectacle, cinquante semaine par an, et les projecteurs dans la figure, le rythme, la cadence, et un et deux et trois, coup de pied à la lune, grand écart, saut carpé, tous en chœur, on reprend, un peu plus de punch s’il vous plaît mesdemoiselles, souriez, et les changements de costume entre les tableaux, toujours en courant, le petit escalier en colimaçon entre la scène et les loges, monter, descendre, courir, revenir sur scène, pas glissé, entrechats, courses, sauts, pauses, jetés-battus, souriez mesdemoiselles, souriez.
Depuis toujours je leur disais, le sourire mes petites, le sourire-dents-serrées. Le gros cochon du premier rang ne doit pas savoir ce que ça vous coûte. Souriez.
J’ai encore perdu cette bouteille. On devrait faire des bouteilles carrées. Elles ne rouleraient pas partout. On les retrouverait dès qu’on en a besoin.
Si je calcule bien, c’est à cette époque que j’ai pu arrêter les ménages de nuit. Avec les contrats des petites, on s’en sortait à l’aise. Je courais les engagements. Je forçais les bureaux des directeurs : mes deux filles, des beautés, voulez-vous voir les photographies, regardez, vous n’en trouverez pas de plus mignonnes, deux sœurs. Je prenais rendez-vous pour les auditions. Surtout l’hiver. La belle saison, c’est novembre et décembre : les matinées en plus des soirées, trois ou quatre fois par semaine.
C’est en décembre, dans le petit escalier en colimaçon qui monte aux loges, que Suzanne.
Je devrais prendre une douche froide. Glacée.
Ce qu’elle passait bien, sur scène, Suzanne. C’était de la lumière. Elle éblouissait. Avec Maïté, toutes les deux, le public se levait pour les applaudir.
Et maintenant c’est ce sacré bouchon que j’ai perdu. On devrait inventer des bouteilles qui se bouchent toutes seules.
L’escalier en colimaçon. En tire-bouchons. Dépêchez-vous mesdemoiselles. En décembre. Suzanne. Une marche ratée. La culbute. Et puis.
Sur la scène, toutes les deux, le ravissement que c’était. Un pétillement. Et hop, hop, ça tournait, une fête, il fallait voir. Hop-là, et encore un tour, encore un, mesdemoiselles, souriez, souriez, hop-là, et les lumières par là-dessus, la musique, un bonheur, cette beauté, il fallait voir ça.
Qu’est-ce que c’est, oui, entrez donc, bonsoir monsieur, c’est pourquoi, je n’ai rien demandé. Vous avez la chambre à côté, et alors, comment ça, je fais du bruit, je chante au milieu de la nuit, alors dites donc c’est la meilleure. Moi, chanter toute seule au milieu de la nuit, j’ai bien trop chaud pour chanter. Et quand bien même je chanterais, hein, c’est que je suis joyeuse, moi, monsieur. Oui monsieur, joyeuse. J’ai la joie de vivre. Tenez, si vous voulez savoir pourquoi, regardez donc. Vous voyez, là, sur la photo, c’est mes filles. Regardez comme elles sont mignonnes. Suzanne, voyez, c’est celle-là, et Maïté. Elles vont danser dans une revue à partir de samedi. Au Blue Lagoon, un cabaret bien tenu, je vous prie de le croire. Danseuses nues, eh oui monsieur, il en faut. Danseuses nues ou pas, mes filles, je ne permets pas qu’elles se commettent n’importe où. La classe, monsieur, la classe ; Tenez, faites-moi plaisir, buvez-moi ça. Bon, c’est un verre en plastique, il n’y a plus que ça dans les hôtels, ils doivent avoir peur qu’on les vole. En tout cas, ça, on ne l’aura pas volé, ce petit verre de derrière les fagots. A la bonne vôtre. Oui, promis, je ne chanterai plus. Promis juré. Vous devriez venir voir mes filles samedi, je ne sais plus où j’ai mis les cartes du Blue Lagoon, regardez-moi ce chantier, quelle chambre, n’ayez pas peur je vais ranger, tant pis pour les cartes, rappelez-vous, le Blue Lagoon, non je vous assure que je ne chanterai plus, bonne nuit monsieur, je ne chante plus, bonne nuit. Bonne nuit.
Je ne chanterai plus. Tu ne chanteras plus. Elle ne dansera plus.
Personne ne pourrait danser avec cette chaleur. Les grosses, avec la chaleur, elles suent plus que les autres. Il faut se méfier, ça sent vite, les grosses. Moi, les gens qui m’appelaient La Grosse, ils prenaient un aller-retour vite fait bien fait. Ca les calmait. Ils ne riaient plus.
Ils ne riaient plus. Elle ne dansera plus.
Elle courait. C’était entre deux tableaux, il fallait changer de costume, elle courait dans le petit escalier en colimaçon du Paradis Latin, bas résilles, talons hauts, le costume avec ces grandes plumes d’autruche, dépêchez-vous mesdemoiselles, souriez, pressons-nous. La chute.
C’est drôle, je ne me rappelle absolument rien de la cérémonie, après.
Seulement toutes ces fleurs dans l’église. Et l’orgue.
Il m’a fini la bouteille, ce salaud.
Souriez mesdemoiselles.
Bonté divine, où est-ce que j’ai mis ce numéro de téléphone. Avec tous ces papiers renversés sur le lit. Mon sac vidé.
Il faudrait faire le ménage dans tout ça. Ca me connaît, ça, les ménages.
Le numéro de ta fille, tu pourrais te le rappeler. Je n’ai plus de tête. Plus la tête à moi. Trop de choses à oublier. Je veux dire, à me souvenir. Les adresses. Les auditions. Les rendez-vous. Pour ma fille Maïté.
Suzanne.
Les rendez-vous pour Maïté. Les contrats. Fini le Paradis Latin. Finis les grands cabarets. En avant pour la course au cachet. Les télés. La RAI, surtout. Pour mettre derrière les chanteurs ils cherchent des filles. Et les défilés de mode en province. Les magazines aussi. Les boîtes de nuit. Les tournées dans les Vosges. French-cancan, revues osées, demoiselles de Paris. Et les photos. Ca, la photo, ça marche. Photo de charme, papier glacé. Quelques sous. Toujours ça de pris.
Ce n’est qu’un mauvais passage. On va repartir.
Quelques jours ici, quelques semaines peut-être. Pour la suite, j’ai des projets. Le Japon. L’Asie du Sud-Est. Il y a de l’argent là-bas pour des filles qui font du cabaret. On nous attend. Et l’Amérique du Sud. Il faut tenter sa chance partout. Maintenant ou jamais. Une carrière de danseuse, après trente-cinq ans maximum, fini. En attendant, il s’agit d’engranger.
Allo, Maïté, ma petite chérie, ça y est, je viens de l’avoir au bout du fil. Le patron du Blue Machin. Celui qui vous engage à partir de samedi. A Neaulieu, que veux-tu que j’y fasse, ne t’inquiète pas, on trouvera quelque chose de mieux la prochaine fois. J’ai des projets. On a déjà connu pire ma petite chérie, cette fois-ci je sens que ça repart. Tu vois, déjà il vous attend vendredi soir, vous commencez samedi. Eh bien oui, je dis « vous », allons bon, pourquoi je ne dirai pas « vous », j’aimerais bien savoir.
Comment ça, qu’est-ce que tu veux dire, tu veux donc faire passer ta mère pour folle.
C’est ça, dis que je suis folle. Tu devrais avoir honte de dire ça à ta mère.
Tu dis n’importe quoi. Arrête de dire ça. Et ne pleure pas. Ta sœur ne pleurait pas, elle. Tu devrais prendre exemple sur Suzanne. Bats-toi, ma petite Maïté, bats-toi. Pleurer, ça n’a jamais changé la gueule du malheur, tu le sais bien.
Ne pleure pas je te dis. Je t’interdis de pleurer.
Maïté, ma petite. Ma toute petite. Tu as donc tout oublié.
Ecoute, il fait trop chaud pour que je discute. Tu dis n’importe quoi. Vous danserez samedi toutes les deux, je vais signer votre contrat demain, un point c’est tout.
S’il te plait ne pleure pas.
Je vous attends vendredi. Je compte sur toi pour t’occuper de ta sœur. Viens avec Suzanne.
Ma toute petite fille, s’il te plait, ne pleure pas. Vous serez tellement belles, toutes les deux sur la scène, vous serez tellement belles