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ANONYME – Contes traditionnels africains
La Parole
Dridi est un grand et magnifique jeune homme, à la peau noire et luisante. Sa vie est bien agréable : chaque matin, il lui suffit de se promener le long de la plage, là où les petites vagues s’échouent, en poussant devant lui son épuisette, et ainsi il trouve sa nourriture quotidienne.
Un jour, alors qu’il marchait ainsi, les pieds dans l’écume des vagues, il vit, posé sur le sable mouillé, un crâne ! Dridi , surpris, mais aussi tout ému, se pencha lentement, observa le crâne, puis il murmura :
-Crâne, pauvre crâne, qui donc t’a amené là ?
Soudain, Dridi eut l’impression d’écouter quelque chose, comme une réponse à sa question ! Il s’approcha un peu plus et reposa sa question :
-Crâne, pauvre crâne, qui donc t’a amené là ?
Et cette fois, Dridi est sûr : il a entendu le crâne murmurer : « la parole » !
Alors aussitôt, il pensa au chef du village : « il faut que le chef soit au courant de ce prodige ! » Et il courut de toutes ses longues jambes, jusqu’à la case du chef. Là, il le trouva, comme d’habitude, enfoncé dans des coussins, gros et gras, en train de manger :
-Chef ! chef ! sur la plage il y a un crâne qui parle, venez vite voir !
-Ne vois-tu donc pas que je suis occupé ! Et tu oses me déranger !
-Chef, c’est un prodige ! Vous devez venir voir !
-Ecoute-moi bien, Dridi : je vais effectivement te suivre et aller voir. Mais attention : si tu m’as dérangé pour rien, je te tranche la tête avec mon sabre !
Et le chef souleva son énorme ventre, se mit debout péniblement et sortit, à la suite de Dridi, qui courait déjà sur le sable. Le chef finalement parvint jusqu’à lui, et s’inclina au dessus du crâne. Dridi, accroupi, prit la parole :
-Crâne, pauvre crâne, qui donc t’a amené là ?
Seul le silence suivit la question.
-Crâne, pauvre crâne, dis à mon chef qui t’a amené là.
Même silence ! Dridi aperçut le sabre du chef, qui brillait au soleil. Des gouttes de sueur perlaient sur le front du jeune homme, inquiet. Il renouvela sa question encore une fois. Même silence !
Il s’inclina un peu plus, tout près du crâne, et le supplia de répondre. Mais le chef, exaspéré, saisit son épée et d’un coup vif, il trancha la tête de Dridi ! Et rebroussa chemin.
La tête de Dridi roula un peu dans le sable, puis s’arrêta contre le crâne. Alors, si vous aviez été là, vous auriez bien entendu le crâne dire :
-Crâne, pauvre crâne, qui donc t’amené là ?
Et vous auriez vu les machoires de Dridi s’ouvrir, sa langue remuer, et vous auriez très bien entendu sa réponse : « La parole. »