Répondre à : KELLER, Richard – Les Deux Bouts de la corde

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#151734
Richard KellerRichard Keller
Participant

    Chapitre 19

    Mercredi cinq juin, les quatre gendarmes continuaient leurs investigations auprès des gens du village. Comme à leur habitude, Liard et le nordiste opéraient ensemble, le chef Sagol et Gilles formaient l’autre doublette.

    Antoine Catano leur avait insufflé une nouvelle énergie, les propos du juge d’instruction avaient fait mouche. C’est toujours un énorme plaisir d’entendre le patron vous dire qu’il vous accorde un crédit illimité. L’envie de se dépenser sans compter pour aboutir galvanisait l’équipe . Ils interviewèrent sans relâche, mais leurs investigations n’avait débouché sur aucune révélation croustillante, ni piste nouvelle.

    Liard et le nordiste s’apprêtaient à aller déjeuner. Sur le chemin du retour, ils firent une halte dans un hameau proche de la maison de Toinette et Germain. Ils voulaient rencontrer les habitants de ce secteur proche du lieu du crime.

    Madame Josette Michal les reçut sur le pas de sa porte. C’était une petite femme aux cheveux blancs, elle devait avoir un peu plus de soixante-dix ans. Ancienne directrice d’école, elle était veuve depuis cinq ans. Au cours de la conversation, les gendarmes eurent droit à un inventaire complet de ses activités. Josette était très volubile, elle leur raconta qu’elle cultivait son jardin de manière biologique et fabriquait son compost pour enrichir la terre de manière naturelle. Du jardin à la marmite, il n’y a qu’un pas et Josette Michal était intarissable. Elle leur fit un cours de cuisine. Elle cuisait ses légumes dans des casseroles et des faitouts sans matière grasse. Josette prétendait conserver ainsi toute la saveur des légumes.

    – J’ai acheté une panoplie, il y a une dizaine d’années, et je l’ai complétée par la suite. C’est une marque allemande, synonyme de qualité. D’ailleurs, c’est moi qui ai fait connaître ce produit à Toinette. Un jour, le facteur m’a distribué un prospectus  « Cuisine Saine » et je l’ai rempli à son nom. Toinette m’a parlé de la visite d’un représentant de cette société. Je lui ai proposé de faire une démonstration chez moi. Elle est venue avec monsieur Rigaud, c’est lui qui s’est occupé de fournir les ingrédients et de les cuire. Il avait acheté de la noix de veau avec un assortiment de légumes. Il a mis tous les ingrédients, légumes et viande, dans la même cocotte, sans matière grasse. Monsieur Rigaud soignait beaucoup la mise en scène. Les plats et les casseroles étaient dissimulés sous un rideau rouge, un chapeau claque était déposé à côté. C’était un clin d’œil au magicien, le discours ménageait le suspense. Chaque ingrédient gardait sa saveur, Toinette était convaincue. Avec les soucis liés au diabète de Germain, c’était ce qu’il lui fallait. Toinette a passé commande d’une série complète à monsieur Rigaud.

    – Madame Michal, avez-vous eu connaissance de la date de livraison des ustensiles ?

    – Oh ! Je crois qu’il devait revenir lui apporter le tout, la semaine suivante. Je ne suis malheureusement pas allée chez eux après la démonstration. La mort est passée avant moi.

    – Avez-vous une idée du montant de la commande passée par madame Drochard, demanda Liard ?

    – Autour de mille sept cents euros, mais c’était de la qualité et la série était complète.

    Le nordiste remercia son interlocutrice et mit fin à l’entretien.

    Les deux hommes étaient satisfaits, conscients d’avoir récolté des informations  très intéressantes.

    A la gendarmerie, Sagol et Gilles faisaient grise mine,

    – Rien de positif pour nous ce matin, asséna Sagol, et vous ?

    – Je crois que vous et le cinquième homme (allusion à Antoine Catano) allez apprécier le talent de vos subordonnés, répondit le nordiste.

    – Si je vous comprends bien, vous avez résolu l’énigme ?

    – Pas tout à fait chef, mais vous allez en juger, dit Liard.

    Le nordiste prit la parole. Il relata la rencontre avec la bavarde madame Josette Michal.

    – Très instructif, messieurs. En effet, nous pouvons établir des hypothèses sur certaines de nos questions. Je préfère les réponses aux hypothèses, mais je ne vais pas faire la fine bouche. Vous avez réalisé du bon boulot.

    – Merci chef, s’écrièrent les deux hommes.

    – Nous reprendrons tout ça après le repas, il faut organiser la suite des réjouissances autour de vos informations. Les quatre hommes déjeunèrent ensemble dans un  restaurant du bourg.

     

    Les gendarmes, de retour au bureau, se concertèrent, Sagol alla au paper board:

    « Nous savons, depuis tout à l’heure, que Toinette a acheté des ustensiles de cuisine à monsieur Rigaud.

    Questions : ont-ils été livrés ? Ont-ils été payés ?

    Hypothèses : s’ils ont été livrés, ils ont disparu, ce qui explique que notamment Nicolas Favant, le facteur, et Régis Drochard ont remarqué quelque chose de différent dans la cuisine. Les ustensiles étant récents, ce serait la raison pour laquelle ils n’arrivaient pas à dire ce qui avait changé.

    S’ils ont été payés, c’est peut-être en argent liquide. Le retrait de deux mille euros par Germain aurait servi au paiement des casseroles. Il est possible que Toinette et Germain aient rédigé un chèque qui ne soit pas passé à l’encaissement à ce jour, Il faut quand même regarder les talons. »

    Gilles prit la parole :

    – Chef, j’ai vérifié dès que les listings de la banque nous ont été communiqués. Il n’y a aucune souche d’un montant aussi élevé.

    – Messieurs, nous passons la vitesse supérieure, j’appelle Antoine Catano afin qu’il nous délivre un mandat de perquisition. Nous allons enquêter dans les locaux de la société « Cuisine Saine ».

    – Antoine Catano, Sagol à l’appareil, comment allez-vous ?

    – Chaudement, cher ami et votre équipe ?

    – Ça va bien, justement il y a du nouveau, j’aurais besoin d’un mandat de perquisition concernant la société « Cuisine Saine ».

    – C’est d’accord Sagol, vous me mettrez au parfum en venant chercher le mandat.

    – En fin d’après-midi vous serez à votre bureau, Antoine ?

    – Je vous attends, je suis heureux pour vous et pour moi, à tout à l’heure Sagol.

    – A tout à l’heure Antoine.

    Antoine Catano suait à grosses gouttes. La justice est un parent pauvre de  l’Etat, elle  n’a pas les moyens de climatiser les locaux du palais de justice. Sa chemise blanche était trempée, il attendait le chef Sagol.

    Il était dix-huit heures quinze, Sagol pénétra dans le palais de justice par une porte latérale. Il connaissait parfaitement les usages de la maison. Après dix-huit heures, l’accès au public était fermé. Seuls pouvaient pénétrer les habitués ayant le numéro du digicode. La porte était verrouillée par le gardien lorsque les locaux étaient vides. Bien entendu, une ronde était effectuée afin de n’enfermer aucun personnel de justice ou visiteur.

    Sagol arriva jusqu’au bureau du juge, celui-ci bavardait dans le couloir avec un jeune homme. Il s’agissait de maître Gaël Raynaud. Le jeune avocat avait plaidé une affaire et, maintenant, il discutait équitation avec le juge Catano.

    Arrivé à leur hauteur, Sagol salua les deux hommes.

    – Monsieur Raynaud, je vous présente l’adjudant-chef Sagol.

    Les deux hommes sourirent.

    Catano demanda s’il avait dit une bêtise.

    – Pas du tout, répliqua Sagol, nous nous connaissons . Maître Raynaud assurait la défense de monsieur Youssef Bekrane, le suspect initial. Il a été libéré grâce à l’ardeur et au grand professionnalisme de son avocat.

    – Je comprends mieux messieurs.

    Sagol demanda des nouvelles à Gaël :

    – Votre client Youssef, qu’est-il devenu, ?

    – Je vous remercie, il va aussi bien que possible. Il suit une cure de sevrage à Hauteville, je l’ai eu au téléphone en début d’après-midi. Ce n’est pas facile, mais avec le moral qu’il a retrouvé, je pense qu’il peut gagner sa partie. Et vous, toujours la même affaire ?

    Sagol répondit par l’affirmative, mais ne donna aucun détail sur le but de sa visite au juge, secret professionnel oblige.

    – Heureux de vous avoir revu monsieur Sagol, à bientôt ; à bientôt monsieur Catano.

    – Au revoir monsieur Raynaud et bonne soirée.

    Sagol et Catano serrèrent la main du jeune avocat. Antoine Catano emmena le chef Sagol dans son bureau.

    Gaël Raynaud, quant à lui, sortit du palais de justice et appela sa chère Jane au téléphone. Ils avaient passé un week-end merveilleux. Après une soirée en tête-à-tête devant une pizza, ils avaient fait l’amour une grande partie de la nuit. Au petit matin Gaël était sorti acheter des croissants, pendant que Jane, les cheveux noirs ébouriffés sur les draps blancs, dormait à poings fermés.

     Le samedi après-midi, il lui présenta sa jument Ardoise  et Jane l’avait montée. Après un petit tour de manège, pour une prise en main, la cavalière et sa monture avaient pris un chemin forestier. La bête avait adopté Jane. Gaël avait emprunté un mâle noir à son ami éleveur. Le cheval était et il dut s’employer pour l’empêcher de détaler au milieu de la forêt.

    De retour à l’appartement, les deux amoureux avaient pris une douche après avoir passé un bon moment sous les draps. Le soir, ils dînèrent à « L’Ame du Palais ». Gaël avait organisé un week-end de rêve et Jane appréciait le bon goût et la délicatesse de son compagnon. Ils passèrent le dimanche à visiter la région et à faire une longue balade à pied dans la montagne. Il raccompagna Jane au TGV. Ils promirent de se téléphoner tous les soirs et de passer le week-end suivant ensemble. Jane organiserait sa venue à Dijon.

    Antoine Catano était sur la même longueur d’onde que les gendarmes. Il pensait qu’il fallait agir vite et ne pas s’embarrasser de précautions superflues. Les soupçons étaient suffisants pour déclencher une perquisition au siège de la société « Cuisine Saine ».

    – L’effet de surprise est notre meilleur allié, Sagol. Je suppose que vous intervenez demain matin ?

    – Oui, il n’est pas nécessaire d’y aller trop tôt. Entre neuf et dix heures, je pense.

    – Si vous souhaitez un coup de main, ne vous gênez pas, vous le savez.

    – Merci Antoine, nous serons quatre, à mon avis ce sera suffisant. Ce qui nous intéresse, c’est de prendre connaissance des plannings et de la comptabilité de l’entreprise.

    – Vous avez raison, votre monsieur Rigaud sera sûrement sur le terrain, un commercial au bureau n’est pas un vendeur productif.

    – L’interpellation de Rigaud se fera dans un deuxième temps, en fonction de ce que nous allons trouver chez « Cuisine Saine ».

    – Voilà l’ordre de perquisition, Sagol, demain matin je serai au bureau, je n’ai pas d’audience.

    – Merci Antoine, je vous appelle dès que nous aurons fini.

    – Je vous raccompagne, nous sommes probablement les derniers à sortir du palais.

    – Je vous suis, je ne souhaite pas dormir ici.

    – Sagol, je vous soupçonne d’être claustrophobe !

    – En quelque sorte, les esprits de tous ces assassins, violeurs et autres viendraient me chatouiller les pieds pendant mon sommeil.

    – Voilà cher ami, nous sommes dehors, bonne soirée, Sagol et à demain.

    – Bonne soirée, Antoine, à demain.

    Le juge Antoine Catano, la chemise trempée, rentra chez lui. Il se disait que le chef Sagol était un enquêteur énergique et un bon meneur d’hommes. Il lui tardait de connaître les résultats de la visite des gendarmes au siège de la société qui employait monsieur Rigaud.

     

    Le jeudi six juin à neuf heures trente, le chef Sagol, accompagné de ses hommes, se présenta devant les locaux de la société « Cuisine Saine ». Ils pénétrèrent dans le hall d’accueil, le décor ressemblait à un bateau. Des cordages pendaient çà et là et une ancre de marine occupait un angle de la pièce. Des instruments de navigation étaient accrochés aux murs. Une musique d’ambiance était diffusée par des haut-parleurs encastrés dans le faux plafond.

    La réceptionniste trônait dans un bocal vitré, son bureau en plexiglas était légèrement surélevé. Lorsqu’elle vit quatre gendarmes pénétrer dans le bâtiment, elle appela immédiatement monsieur Grégoire Prieur, PDG  de l’entreprise « Cuisine Saine ».

    Le chef Sagol s’apprêtait à demander à rencontrer le patron. Celui-ci arriva par une porte sur laquelle une pancarte « visiteurs » était accrochée.

    – Bonjour messieurs, vous désirez ?

    – Bonjour monsieur, je suis l’adjudant-chef Sagol, nous souhaitons parler à monsieur Grégoire Prieur.

    – C’est moi-même, que puis-je pour vous ?

    – Nous sommes ici, ce matin, dans le cadre d’une enquête judiciaire. Nous venons pour perquisitionner dans votre société.

    – Une perquisition, vous plaisantez j’espère ?

    – Pas du tout monsieur Prieur, d’ailleurs voici l’ordre de réquisition signé du juge d’instruction Antoine Catano.

    – Qu’avons-nous fait, monsieur….?

    – Sagol. Nous enquêtons sur un double meurtre et, dans le cadre de vos activités, un membre de votre société pourrait être un témoin précieux dans cette affaire.

    – Je comprends, par où souhaitez-vous commencer, monsieur Sagol ?

    – Avez-vous un logiciel de gestion des rendez-vous ?

    – Absolument, c’est le poumon de notre activité.

    – Qui s’occupe de la gestion des données ?

    – C’est madame Elisabeth Lefranc, elle s’occupe uniquement de l’activité des commerciaux. Je vous mène jusqu’à son bureau.

    Grégoire Prieur était un homme rompu aux techniques de communication. Il savait rester courtois avec ses interlocuteurs, alors qu’au fond de lui-même, il était courroucé par l’intervention des gendarmes. Il savait qu’en faisant de l’obstruction il irait au devant d’un conflit dont il ne sortirait en aucun cas vainqueur. Il coopérait donc du mieux qu’il pouvait.

    – Nous y voilà. Madame Lefranc, ces messieurs désirent accéder à toutes les données concernant la clientèle et les commerciaux. Je vous demande de vous mettre à leur disposition le temps nécessaire à leurs recherches.

    – Bien, monsieur Prieur.

    Le chef Sagol remercia le P.D.G.

    – Vous pouvez nous laisser monsieur Prieur, nous nous reverrons dans un moment.

    – Je suis à mon bureau toute la journée monsieur Sagol, à plus tard.

    Gilles était le spécialiste en informatique, il prit place devant le clavier et l’écran d’ordinateur. La société « Cuisine Saine » employait trente commerciaux. Ils se partageaient une grande partie du territoire français, seuls quelques départements n’étaient pas couverts. Madame Lefranc expliqua le fonctionnement du système aux enquêteurs:

    « Le processus s’enclenche avec la distribution, par la poste,  d’une carte similaire à celle-ci : une jolie reproduction en couleur de nos produits, avec un slogan accrocheur «  maîtrisez votre santé, cuisinez sain ».

    Les prospects, intéressés par une documentation plus détaillée, inscrivent leurs coordonnées au dos du document. Nous appelons cela la première étape. Bien sûr, le taux de retour est mesuré, cela nous permet de détecter une anomalie due, dans la majorité des cas, à une défaillance au niveau de la distribution. Il peut y avoir d’autres raisons, par exemple : le passage d’un concurrent à la même période ou bien une opération commerciale du type « foire exposition » qui peut plomber l’action.. Le commercial pilote la démarche, c’est lui qui décide des dates de distribution sur son secteur. Cela permet d’éliminer les avatars que je viens de vous citer, surtout si le commercial est expérimenté.

    La deuxième phase se passe dans une autre pièce. Les cartes, retournées chez nous, sont triées par secteur et remises à nos télé-actrices. Je leur communique aussi les plannings des commerciaux, comme je vous l’ai dit, ce sont eux qui décident de la date de prise de rendez-vous. En réalité, nous n’envoyons pas de documentation, c’est le commercial qui l’apporte à domicile. Nous avons un taux de concrétisation de soixante à soixante- dix pour cent.

    C’est à ce moment-là que commence la troisième phase. Chaque prospect, qui accepte un rendez-vous, devient un client potentiel. Nous changeons de vocabulaire. Les cartes, avec une suite positive, sont rentrées dans notre système informatique et le client sera suivi jusqu’au bout de l’action commerciale.

    La quatrième phase est la prise de commande. Nos commerciaux concrétisent une vente plus de deux fois sur trois. Le panier moyen est aujourd’hui de mille trois cent cinquante-huit euros.

    La cinquième et dernière phase est le paiement, comptant ou à crédit. Nous sommes en partenariat avec une maison de crédit. Quand le paiement est effectué ou le crédit accepté, nous procédons à l’envoi des marchandises, selon les instructions du commercial.

    Messieurs, en cinq phases je vous ai résumé l’activité de l’entreprise. »

    – Merci  madame. Nous souhaitons voir si vous avez dans votre base de clientèle, madame Drochard Antoinette ou monsieur Drochard Germain.

    – Je regarde, oui j’ai trouvé madame Antoinette Drochard, c’est sur le secteur de Robert Rigaud. Un rendez-vous était prévu le mercredi quinze mai.

    Le chef Sagol fronça le sourcil :

    – Vous êtes sûre de la date, madame Lefranc ?

    – J’en suis certaine, mais ce rendez-vous du quinze mai n’a pas été honoré.

    – Ah oui ! fit Sagol.

    – Robert a eu un accident et depuis il est en congé de maladie.

    – Madame Lefranc, peut-on modifier la date d’un rendez-vous sur votre système ?

    – Bien entendu, il arrive que le client ou le commercial fasse rectifier une date, ce n’est pas un problème.

    Sagol voulait des précisions .

    – Est-il possible de garder dans votre système informatique la trace des changements de date ?

    – Non, ça ne présente aucun intérêt pour nous.

    – Comment procède une télé-actrice lorsqu’elle a décroché un rendez-vous, demanda Gilles ?

    – Elle le note sur la carte renvoyée par le client et elle rentre la date et l’heure du rendez-vous sur le planning informatique du commercial.

    Sagol percuta sur la réponse de madame Lefranc ;

    – Pourrions-nous voir la carte de madame Drochard ?

    – Nous archivons par secteur de vente, veuillez me suivre dans la salle d’archives.

    Le chef Sagol suivit madame Lefranc. Il passa devant le local des télé-actrices. Une douzaine de jeunes femmes travaillaient dans des box vitrés. La salle des archives était un bureau contenant des rayonnages sur lesquels étaient rangés des caissettes en plastique. Le numéro du secteur commercial était étiqueté sur chacune d’elles.

    Madame Lefranc tira la caissette, il y avait un paquet par mois.

    – Le mois de mai doit vous intéresser, je crois ?

    – Merci madame.

    Sagol prit celui qui contenait une cinquantaine de cartes. Il les examina une à une. Le nom d’Antoinette Drochard apparut devant les yeux du chef. Il prit la carte et replaça les autres.

    – Nous pouvons rejoindre mes collègues, madame Lefranc.

    – Messieurs, nous pouvons rentrer, nous avons trouvé ce que nous cherchions, déclara Sagol. Madame Lefranc, je vous remercie.

    – Je n’ai fait qu’obéir aux consignes de monsieur Prieur.

    – Nous voudrions voir votre patron. Avant de nous quitter, pouvez-vous nous conduire jusqu’à lui ?

    – Suivez-moi messieurs.

    Le bureau de monsieur Prieur était immense. De nombreux graphiques recouvraient les murs. Le PDG de la société « Cuisine Saine » suivait l’activité et les ventes au jour  le jour.

    Le chef Sagol prit la parole :

    – Monsieur Prieur, je tenais à vous saluer avant notre départ. Madame Lefranc connaît parfaitement les rouages de votre entreprise, elle nous a été d’une aide précieuse.

    – Monsieur Sagol, avez-vous trouvé ce que vous cherchiez ?

    – Je ne vous répondrai  pas comme cela, monsieur Prieur. Je dirais que nous avons les réponses à certaines de nos questions. J’ai encore deux choses à vous demander .

    – Je vous écoute.

    – Nous avons besoin de l’adresse du domicile de monsieur Rigaud Robert .

    – Je vous la note sur un post-it. Vous m’avez dit deux choses ?

    – Oui, je voudrais savoir si vos commerciaux sont dotés d’une ou plusieurs panoplies d’ustensiles d’avance ?

    – Non, ils ont une dotation pour les démonstrations. En revanche, certains commerciaux ont acheté une ou deux séries, ça leur permet parfois de procéder à des ventes immédiates. Sachez que je réprouve ce mode de fonctionnement. Les vendeurs qui opèrent de cette manière le font à notre insu.

    – Je vous remercie de votre coopération monsieur Prieur. J’oubliais de vous préciser que nous emportons une carte, madame Lefranc a fait une photocopie.

    – C’est bien messieurs. Je ne vous dis pas à bientôt, mais je vous souhaite de réussir dans votre enquête et de trouver votre coupable.

    – Merci monsieur Prieur et bonne journée, ajouta Sagol.

    Dans la voiture qui ramenait les gendarmes, le chef Sagol faisait le point sur la perquisition dans la société « Cuisine Saine » .

    – Nous allons rencontrer monsieur Rigaud chez lui. Il y a pas mal d’anomalies dans la manière de travailler de ce monsieur. Le premier point, qu’il conviendra d’éclaircir, est la prise de rendez-vous par la télé-actrice, le jour du meurtre, et la saisie dans le logiciel de la société pour le lendemain.

    – Ce qui est dommage, dit Gilles, c’est que nous ne puissions établir s’il s’agit d’une erreur de la télé-actrice ou d’une rectification à la demande de monsieur Rigaud.

    – Absolument Gilles. Le deuxième point, c’est la vente des casseroles. Si monsieur Rigaud les a vendues, c’est de sa propre initiative.

    Le nordiste insista sur le panier moyen.

    – Madame Josette Michal parlait d’un montant de plus de mille sept cents euros, alors que la moyenne de l’entreprise était de mille trois cent cinquante-huit euros.

    – Vous avez raison il faut aussi creuser aussi de ce côté, dit le chef.

    De retour à la gendarmerie, Sagol appela Antoine Catano. Il lui fit brièvement le bilan de la visite dans les locaux de l’entreprise « Cuisine Saine ». Antoine lui confirma qu’il fallait travailler dans la direction de Robert Rigaud.

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