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#152134

XXXXIV

Les conclusions des investigations tardèrent à venir. Gilles et Sagol piaffaient

d’impatience, ils voulaient confirmer au plus vite leur intime conviction. Tous les

recoupements les ramenaient à Rodrigue Bonifay et son nom revenait comme un

leitmotiv. Toutefois, il leur manquait la preuve indiscutable de sa présence dans la

maison d’Isabelle Mallardeau.

Lorsque les résultats arrivèrent enfin entre leurs mains, ils ne furent pas

déçus. Le laboratoire avait réalisé des prouesses avec les éléments qui lui avaient été

confiés. Sagol cria à la cantonade que la brigade scientifique de la gendarmerie

méritait les félicitations du jury. Il est vrai que les spécialistes, qui travaillent sur des

fragments de tissus ou de matière, accomplissent des prodiges dont ne se doute pas

le commun des mortels. Malgré un langage très technique, les deux hommes,

rompus à ce genre d’exercice, déchiffrèrent les révélations du rapport.

Les empreintes, relevées sur le piano et sur le tableau de bord de la voiture

d’Isabelle Mallardeau, parlèrent. Elles confirmèrent qu’il s’agissait bien de celles de

Rodrigue Bonifay. Le regard qu’échangèrent les deux amis en dit long sur leur

complicité professionnelle ; ces deux-là se comprenaient à demi-mot. Ils savaient

depuis un moment qu’ils allaient dans la bonne direction, mais le plus dur restait à

faire. Il fallait mettre la main sur l’assassin et l’empêcher de continuer son oeuvre

funeste.

Page après page, les révélations corroborèrent la culpabilité probable du

suspect numéro un. En outre, l’ADN prélevé sur les chaussettes constitua l’élément

déterminant. Il était identique à celui qui avait été retrouvé sur le piano ainsi que sur

la boucle d’oreille de la défunte et il appartenait à Rodrigue.

Gilles et Sagol ne se contentèrent pas des conclusions du laboratoire.

Maintenant, ils voulaient comprendre. Dans leur métier, la première mission

consistait à résoudre des enquêtes et à mettre au plus vite les criminels hors d’état

de nuire. Ils l’accomplissaient au mieux de leurs compétences et ils considéraient

que la compréhension du raisonnement de l’assassin s’avérait indispensable.

Appréhender l’univers psychologique des meurtriers permettait d’élucider des

énigmes apparemment insolubles. Cette affaire ne dérogeait pas à cette règle et ils

entreprirent d’endosser le costume de Rodrigue Bonifay.

Désormais, les deux hommes possédaient suffisamment d’éléments pour

affirmer avec certitude que le dernier compagnon d’Isabelle Rivet se trouvait mêlé

aux deux meurtres. Les deux comparses décidèrent de joindre le commandant Licci

afin de l’informer des résultats de l’enquête côté français. Ils espéraient aussi que les

Italiens avaient progressé grâce à des témoignages supplémentaires.

La conversation fut chaleureuse, comme à l’accoutumée, mais le responsable

transalpin ne put apporter de précisions de nature à renforcer la culpabilité du

présumé coupable. Sagol eut le sentiment que ses collègues ne consacraient plus à

ce dossier toute l’énergie des jours précédents. Ils perçurent bien l’état d’esprit de

leur homologue. Le commandant Licci considérait, à juste titre, qu’il s’agissait d’une

affaire franco-française, dont seule l’incursion dans le territoire vénitien avait amené

les policiers italiens à enquêter. Il savait que Sagol et Gilles possédaient toutes les

qualités requises pour mener l’équipage à bon port. Il fallait laisser la main aux

Français et leur venir en aide à leur demande. Tout cela s’exprimait dans des nondits,

l’élégance primait sur toute autre considération.

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