Répondre à : KELLER, Richard – Le Huitième Soleil

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XXXXVII

À l’issue de quarante-huit heures de garde à vue, Rodrigue fut présenté à un juge d’instruction qui demanda l’avis de deux experts ainsi que la transmission de son dossier médical. Trois journées plus tard, le placement en hôpital psychiatrique fut décidé. Au niveau des enquêteurs, deux thèses s’affrontaient. L’une assimilait le suspect à un comédien de génie ; la seconde reconnaissait sa pathologie mentale. Une incarcération apparaissait donc inadaptée, son cas relevait du milieu hospitalier. Gilles et Sagol balançaient entre doute et certitude, ils éprouvaient quelques difficultés à se forger une opinion bien tranchée. Un évènement impromptu vint déranger la suite de l’enquête et les gendarmes de la cellule spécialisée accusèrent le choc. Ils croyaient avoir mis le coupable hors d’état de récidiver, mais la découverte d’un nouveau cadavre balaya leurs convictions. Au petit matin, une patrouille de policiers remarqua un véhicule garé à contresens dans une petite rue du seizième arrondissement à proximité de la porte Maillot. Tout d’abord, ils pensèrent que la conductrice dormait. Ils frappèrent au carreau et n’obtinrent jamais de réponse. Une jeune femme blonde venait d’allonger la liste de ceux qui ne verraient pas le jour se lever. Les premières constatations établirent qu’il s’agissait d’un individu de sexe féminin, âgé d’environ vingt-cinq ans. Les vitres teintées de la voiture ne leur avaient pas permis de distinguer que la victime était nue. Pour tout vêtement, elle portait un loup noir sur le visage. Ils alertèrent le service spécialisé afin de procéder aux premières investigations. Une ambulance conduisit la dépouille à l’institut médico-légal pendant qu’une équipe s’affairait sur le véhicule. L’automobile figurait depuis deux jours au fichier des disparitions. Son propriétaire résidait dans le département des Yvelines à une quinzaine de kilomètres du lieu de la découverte. L’enquête de voisinage n’apporta rien de particulier, personne n’avait remarqué l’arrivée de la voiture dans la rue. Pourtant, la rigidité cadavérique indiquait que la victime avait dû décéder en début de soirée entre vingt heures et vingt et une heures. Les gens préfèrent souvent se taire plutôt que de subir des interrogatoires et s’exposer à des risques en osant témoigner. Le fichier des empreintes ne révéla rien, aucune trace collectée n’était répertoriée. Quant à la défunte, rien ne permettait d’affirmer qu’elle avait expiré dans ce véhicule. Pas une seule goutte de sang n’avait été retrouvée alors que la jeune femme avait reçu plusieurs coups de couteau. Les conclusions du médecin légiste apportèrent leur lot de révélations, dont une qui abasourdit les policiers et les incita à contacter leurs homologues de la cellule spécialisée de la gendarmerie. Plusieurs hématomes entachaient le corps de la victime à différents endroits, mais ils ne constituaient pas l’aspect le plus singulier de l’affaire. Trois boules de geishas furent découvertes dans son vagin. À la lecture du rapport, et notamment de cette information, ils n’en crurent pas leurs yeux, cela ressemblait à un cauchemar. La première réaction de Sagol fut de vérifier la date du décès par rapport à l’arrestation de Rodrigue. Aucun doute ne subsistait, ce dernier ne pouvait pas être l’auteur du crime de la jeune blonde. Toute une logistique, mise en place par la police, fut complétée et renforcée par Gilles. Aucune femme ne ressemblait à la deuxième geisha, le mystère s’épaississait. La photo diffusée sur Internet apporta son lot de témoignages incongrus. Elle apparaissait aux six coins de l’Hexagone et même dans un hameau reculé du bush australien. La collaboration des deux gendarmes, prévue pour durer le temps d’une escapade professionnelle à Venise, se trouva prolongée. Ils continueraient donc d’oeuvrer ensemble jusqu’à la résolution du dossier, que leur hiérarchie réclamait ardemment. Les deux hommes se rendirent à l’institut médico-légal. Hormis un piercing au nombril, la victime ne possédait aucun signe particulier laissant supposer l’appartenance à un cercle (gothique, satanique, sado-maso, etc.). Les boules de geisha et le loup noir liaient la mort de la défunte du seizième à celle d’Isabelle Rivet. Cependant, le tueur avait procédé de manière différente : rupture des cervicales, pour l’animatrice, et coups de couteau, pour l’inconnue de la porte Maillot. Ces procédés distincts intriguaient les deux hommes. S’agissait-il d’une mise en scène visant à disculper Rodrigue ? Ils décidèrent de réfléchir espérant voir jaillir la lumière au fil de leur raisonnement.

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