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#153014
PommePomme
Participant

    Chapitre 2

    A ce moment-là, on frappa à la porte.

    – Passez votre chemin ! dit le menuisier, sans avoir la force de se relever.

    Alors entra dans la boutique un petit vieux tout sémillant, dont le nom était Geppetto, mais que les gamins du voisinage, quand ils voulaient le mettre en rage, l’appelaient « Polendina » parce que sa perruque jaune ressemblait tout à fait à la polendina, au turban du Grand Turc.

    Geppetto était très bizarre. Gare à celui qui l’appelait « Polendina ». Il devenait comme une bête et il n’y avait plus moyen de le retenir.

    -Bonjour, maître Antoine, dit Geppetto. Que faites-vous par terre ?

    – J’apprends à lire aux fourmis.

    – Grand bien vous fasse !

    -Quel bon vent vous amène, ami Geppetto ?

    – Mes jambes ! Savez-vous, maître Antoine, que je suis venu pour vous demander une faveur.

    – Me voilà prêt à vous l’accorder, répliqua le menuisier en se relevant sur les genoux.

    – Il m’est venu une idée.

    – Laquelle ?

    – J’ai envie de me fabriquer un beau pantin de bois, mais un pantin merveilleux, qui sache danser, tirer l’épée et faire des sauts périlleux. Avec ce pantin, je ferai le tour du monde, pour m’acheter un morceau de pain et un verre de vin. Qu’en dites-vous ?

    – Bravo, Polendina ! cria une petite voix, qui sortait d’on ne sait où.

    A s’entendre appeler « Polendina », l’ami Geppetto devint rouge comme une tomate et, se tournant vers le menuisier, il lui dit, furieux :

    – Pourquoi vous moquez-vous de moi ?

    – Qui se moque de vous ?

    – Vous m’avez appelé « Polendina »

    – Mais ce n’est pas moi !

    – Nous ne sommes que tous les deux ici. Je vous dis que c’est vous !

    – Non !

    – Si !

    – Non !

    – Si !

    Et, s’échauffant de plus en plus, ils en vinrent des paroles aux gestes, ils s’empoignèrent, se griffèrent, se mordirent et se battirent comme des chiffonniers.

    Finalement, maître Antoine se retrouva avec la perruque jaune de Geppetto dans les mains, et Geppetto avait dans la bouche la perruque grisonnante du menuisier.

    – Rends-moi ma perruque ! cria Maître Antoine

    *-Et toi, rends-moi la mienne ! Et faisons la paix !

    Les deux petits vieux, après avoir repris chacun sa perruque, se serrèrent la main et jurèrent de rester amis pour la vie.

    – Donc, ami Geppetto, dit le menuisier en signe de paix, qu’est-ce que je peux faire pour vous ?

    – Je voudrais un peu de bois pour faire mon pantin. Vous m’en donnez un morceau ?

    Maître Antoine, tout content, alla prendre sur le banc le morceau de bois qui lui avait fait si peur. Mais, quand il le tendit à son ami, le morceau de bois donna une secousse et, s’échappant violemment de ses mains il tomba de toute sa force sur le tibia du pauvre Geppetto.

    – Aïe ! Vous m’avez fait mal !

    – Je vous jure que ce n’est pas moi !

    – Alors, c’est moi !

    – C’est la faute de ce bout de bois !

    – Je le sais, que c’est ce bout de bois ! Mais vous me l’avez jeté dans les jambes !

    – Non, je ne vous l’ai pas jeté !

    – Menteur !

    – Geppetto, ne vous moquez pas de moi, sinon, je vous appelle Polendina !

    – Âne !

    – Polendina !

    – Imbécile !

    – Polendina !

    – Brute épaisse !

    – Polendina !

    A s’entendre appeler Polendina pour la troisième fois, Geppetto poussa un rugissement et tomba à bras raccourcis sur le menuisier et ils recommencèrent à se taper dessus.

    La bataille finie, Maître Antoine se retrouva avec deux estafilades de plus sur le nez et l’autre deux boutons de moins à son gilet. Ayant fini de régler leurs comptes, ils se serrèrent la main et jurèrent de rester bons amis pour la vie entière.

    Geppetto prit avec lui son brave morceau de bois et, remerciant maître Antoine, il rentra chez lui en boitillant.

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