Répondre à : COLLODI, Carlo – Pinocchio

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#153015
PommePomme
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    Chapitre 3

    La maison de Geppetto était une petite pièce obscure, dont le peu de lumière tombait d’une lucarne. Le mobilier ne pouvait être plus simple : un mauvais lit, une table bancale et une chaise branlante. Sur le mur du fond, on voyait une petite cheminée avec un bon feu. Mais le feu était peint et, au milieu du feu était peinte également une marmite bouillonnante qui dégageait un nuage de vapeur, qui semblait tout à fait réel.

    A peine entré chez lui, Geppetto prit tout de suite ses outils et se mit à tailler et à fabriquer son pantin.

    – Quel nom vais-je lui donner? se disait-il. Je vais l’appeler Pinocchio. C’est un nom qui lui portera bonheur. J’ai connu toute une famille de Pinocchio : Pinocchio le père, Pinocchia la mère et Pinocchi les enfants. Et tous avaient la belle vie ! Le plus riche demandait l’aumône.

    Quand il eut trouvé le nom de son pantin, il commença à travailler pour de bon. Il lui fit d’abord les cheveux, puis le front, puis les yeux.

    Quand les yeux furent finis, imaginez sa surprise quand il s’aperçut que les yeux remuaient et le regardaient.

    Geppetto, en se voyant regardé par ces deux yeux de bois, dit d’un ton irrité :

    – Méchants yeux de bois, pourquoi me regardez-vous ?

     Pas de réponse.

    Alors, après les yeux, il lui fit le nez. Mais le nez, à peine fait, commença à grandir, à grandir, à grandir et, en quelques minutes, il était devenu un nez énorme, qui n’en finissait plus.

    Le pauvre Geppetto s’épuisa à le retailler. Mais plus il le coupait, et plus ce nez impertinent devenait long !

    Après le nez, il lui fit la bouche.

    La bouche n’était pas encore terminée qu’elle commença à rire et à se moquer.

    – Arrête de rigoler ! gronda Geppetto.

    Mais ce fut comme s’il parlait à un mur.

    – Arrête de rigoler, je te dis ! hurla Geppetto d’une voix menaçante.

    Alors, la bouche s’arrêta de rire, mais elle tira la langue.

    Geppetto fit semblant de ne pas s’en apercevoir et continua à travailler. Après la bouche, il fit le menton, puis le cou, les épaules, le torse, les bras et les mains.

    Dès qu’il eut fini les mains, Geppetto sentit s’envoler sa perruque. Il se retourna et que vit-il ? Il vit sa perruque jaune dans les mains du pantin.

    – Pinocchio ! Rends-moi tout immédiatement ma perruque !

    Et Pinocchio, au lieu de rendre la perruque, se la mit sur la tête, sous laquelle il était à moitié étouffé.

    Cette fois, Geppetto devint triste et mélancolique, comme il ne l’avait jamais été. Et, se tournant vers Pinocchio, il lui dit :

    – Coquin de fils ! Tu n’es pas encore terminé, et déjà tu commences à manquer de respect à ton père ! C’est mal, mon garçon, c’est très mal !

    Et il essuya une larme.

    Il ne manquait plus que les jambes et les pieds.

    Quand Geppetto eut fini les pieds, il reçut un coup sur le bout de son nez.

    – Bien fait pour moi ! se dit-il. J’aurais dû y penser avant. Maintenant, c’est trop tard !

    Puis il prit le pantin sous les bras et le posa par terre, sur le sol de sa chambre, pour le faire marcher.

    Pinocchio avait les jambes ankylosées et il ne savait pas les faire bouger. Geppetto le prit par la main pour lui apprendre à mettre un pied devant l’autre.

    Quand les jambes furent un peu dégourdies, Pinocchio commença à marcher tout seul, puis à courir dans toute la chambre. Finalement, il fila par la porte de la maison, sauta dans la rue et s’échappa.

    Le pauvre Geppetto se mit à courir derrière lui, sans pouvoir le rattraper, parce que ce coquin de Pinocchio sautait comme une grenouille et, battant de ses pieds de bois sur la chaussée, faisait un tapage comme vingt paires de sabots de paysans.

    – Arrêtez-le ! Arrêtez-le ! hurlait Geppetto. Mais les gens qui étaient dans la rue, voyant ce pantin de bois qui courait comme un lièvre, s’arrêtaient, stupéfaits, pour le regarder, et riaient, riaient, riaient, comme vous ne pouvez pas l’imaginer.

    A la fin, heureusement, arriva un gendarme qui, entendant tout ce vacarme et croyant que c’était un apprenti qui avait levé la main sur son patron, se planta courageusement au milieu de la rue, les jambes écartées, bien décidé à arrêter et ramener chez lui la cause de tant de bruit.

    Mais Pinocchio, quand il vit de loin le gendarme qui barrait toute la rue, imagina de lui passer entre les jambes. Mais ce fut sa perte. Le gendarme, sans s’émouvoir, l’attrapa tout bonnement par le nez, qui était un nez démesuré, qui semblait fait exactement pour être attrapé par les gendarmes, et il le remit entre les mains de Geppetto, qui, pour lui donner une bonne correction, voulut lui tirer les oreilles. Mais imaginez sa tête quand, en cherchant les oreilles, il ne réussit pas à les trouver. Savez-vous pourquoi ? Parce que, dans sa hâte de terminer, avait oublié de les faire.

    Alors, il le prit par la nuque et, en rentrant à la maison, lui dit :

    – Rentrons tout de suite ! Quand nous serons chez nous, nous ferons nos comptes.

    Pinocchio, entendant cela, se roula par terre et ne voulut plus marcher. Tout de suite, les passants et les curieux s’arrêtèrent et l’entourèrent.

    Les uns disaient : « Pauvre pantin ! Il a raison de ne pas vouloir rentrer chez lui. Qui sait comment le punirait ce méchant homme de Geppetto ? »

    Et les autres continuaient : « Ce Geppetto semble un brave homme ! Mais c’est un vrai tyran avec les enfants. Si on lui laisse ce pauvre pantin entre les mains, il est capable de le réduire en morceaux ! »Ils dirent et firent tant et tant que le gendarme remit en liberté Pinocchio et conduisit en prison ce pauvre homme de Geppetto, qui, ne sachant pas comment se défendre, pleurait comme un veau et, sur la route de la prison, il balbutiait en pleurant :

    – Méchant petit ! Quand je pense que j’ai tant travaillé pour en faire un beau pantin. Mais c’est ma faute ! J’aurais dû y penser avant.

    Ce qui arriva ensuite à Pinocchio est difficile à croire.

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