Répondre à : COLLODI, Carlo – Pinocchio

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#153016
PommePomme
Participant

    Chapitre 4

    Pendant que le pauvre Geppetto était conduit à la prison, sans qu’il n’ait rien fait, ce coquin de Pinocchio, dès qu’il fut délivré des griffes du gendarme, partit à toutes jambes à travers les champs, pour rentrer plus vite à sa maison. Il passait par-dessus les fourrés, franchissait les haies, sautait dans les fossés pleins d’eau, comme aurait pu le faire un chevreau ou un lièvre poursuivi par les chasseurs.

    Arrivé à la maison, il trouva la porte entr’ouverte. Il la poussa, entra, ferma le loquet, puis se laissa tomber par terre, avec un grand soupir de bonheur.

    Mais ce bonheur ne dura pas longtemps, parce qu’il entendit une petite voix qui faisait :

    – Cri, cri, cri

    – Qui m’appelle ? dit Pinocchio, tout effrayé

    – C’est moi !

    Pinocchio se retourna et vit un gros grillon qui grimpait lentement sur le mur.

    – Dis-moi, Grillon, qui es-tu ?

    – Je suis le Grillon-qui-parle, et j’habite dans cette pièce depuis plus de cent ans.

    – Aujourd’hui, cette pièce est à moi, dit le pantin, et si tu veux me faire plaisir, tu t’en vas immédiatement, sans te retourner.

    – Je ne partirai pas d’ici sans t’avoir dit une grande vérité.

    – Dis-la moi et va-t-en

    – Malheur aux enfants qui se rebellent contre leurs parents et qui abandonnent leur maison. Ils n’auront jamais de bonheur dans ce monde, et, tôt ou tard, ils s’en repentiront.

    – Parle toujours, Grillon mon ami, si ça te plait. Mais moi, je sais que demain, à l’aube, je veux m’en aller d’ici parce que, si je reste, il m’arrivera ce qui arrive à tous les autres enfants, on m’enverra à l’école, et, de gré ou de force, je serai obligé d’étudier. Et moi, je te le dis en secret, je n’ai pas envie d’étudier, et je préfère courir après les papillons, grimper aux arbres et prendre des petits oiseaux dans leur nid.

    – Pauvre idiot ! Mais tu ne sais pas qu’en faisant ça, tu deviendras un âne et tout le monde se moquera de toi ?

    – Tais-toi, Grillon de malheur, cria Pinocchio.

    Mais le Grillon, qui était patient et philosophe, au lieu de se fâcher de cette impertinence, continua :

    – Et si tu ne veux pas aller à l’école, pourquoi ne veux-tu pas apprendre un métier, qui te permettrait de gagner honnêtement ta vie ?

    – Tu veux que je te dise ? dit Pinocchio qui commençait à s’énerver. Parmi tous les métiers du monde, il n’y en a qu’un qui me conviendrait.

    – Et quel serait ce métier ?

    – Celui de manger, boire, dormir, m’amuser et mener du matin au soir la vie de vagabond.

    – Pour ta gouverne, dit le Grillon de sa même voix calme, tous ceux qui font ce métier finissent toujours à l’hôpital ou en prison.

    – Assez, Grillon de malheur ! Si je me mets en colère, gare à toi !

    – Pauvre Pinocchio ! Tu me fais pitié !

    – Et pourquoi je te fais pitié ?

    – Parce que tu es un pantin, et, le pire, parce que tu as une tête de bois.

    Entendant ces paroles, Pinocchio fou de rage, attrapa un marteau et le lança contre le Grillon.

    Peut-être ne croyait-il pas le toucher. Mais malheureusement, le marteau lui tomba sur la tête, et le pauvre Grillon eut à peine le temps de dire « Cri-cri-cri, qu’il resta là, écrasé contre le mur.

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