Répondre à : (O) MARTIN, Julien – Karak le haut-roi nain

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ssaulot
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    Chapitre XXVIII : Les sceptiques

     

              Les sceptiques sont un groupe composé d’elfes, d’humains et de nains, qui non seulement ne croient pas aux esprits et aux dieux. Mais en plus ils affirment que l’au-delà n’existe pas, qu’après la mort il n’y a que le néant. Karak est partagé par l’envie de sévir contre les sceptiques, et celle de les laisser tranquilles, car ils véhiculent des idées tristes, mais ils ne violent aucune loi. Finalement, il a décidé de laisser le Haut-Conseil trancher sur le dossier des sceptiques. Les patriciens veulent retirer aux sceptiques le droit de propager leur doctrine, tandis que les plébéiens souhaitent les laisser en paix. Le terme sceptiques est un surnom péjoratif, ils préfèrent qu’on les appelle les réalistes.

     

    Glinus : Refuser d’adhérer au mythe des dieux n’a rien de répréhensible. Cette déclaration déclenche dans l’assemblée des murmures indignés.

    Druzak : L’athéisme n’est pas une croyance que je combats, par contre tolérer les discours selon lesquels, il n’y a rien après la mort, est inacceptable, car ils minent les nains les plus optimistes.

    Glinus : Ce n’est pas parce qu’une idée vous dérange que vous avez le droit de l’interdire, à moins de vouloir agir comme un tyran.

    Druzak : Prohiber la propagande des sceptiques, c’est agir comme un protecteur, la croyance du néant après la mort suscite le désespoir, elle cause une immense tristesse.

    Glinus : Vous portez atteinte à une liberté fondamentale, la liberté de croyance.

    Druzak : Diminuer un peu la liberté du peuple, pour lui apporter beaucoup de bien-être s’avère une décision normale à prendre, quand on est un dirigeant soucieux de l’intérêt général.

    Glinus : Vous délirez ou bien vous mentez, libérer les gens du dogme de la vie après la mort, les pousse à profiter pleinement de leur existence sur Gerboisia.

    Druzak : En propageant vos idées pernicieuses, vous servez la cause du Néant, et du dieu du désespoir Rabal.

    Glinus : C’est n’importe quoi, si les dieux existent pourquoi ne punissent-ils pas les réalistes ? Nous controns les desseins de la majorité d’entre eux.

    Druzak : Les dieux respectent le libre arbitre, ils laissent chacun croire en eux en leur âme et conscience. Ce n’est pas le cas des sceptiques vis-à-vis de leur famille et leurs proches, ils n’hésitent pas à imposer par la force leurs idées.

    Glinus : Eprouvez-vous de la haine contre les réalistes ?

    Druzak : Non, mais il n’empêche qu’il faut considérer les sceptiques comme de la vermine, leurs agissements n’amènent que de la nuisance.

    Glinus : Soutenez-vous l’idée détestable d’obliger les réalistes à croire en l’au-delà grâce à la magie ?

    Druzak : En effet.

    Glinus : Vous cautionnez un acte inqualifiable digne des plus terribles despotes, chercher à contrôler les pensées de ses concitoyens, s’avère une préoccupation d’infâme ou de fanatique.

    Druzak : Je désire surtout éviter des tragédies, les vieillards et les personnes gravement malades sombrent facilement dans la dépression et l’apathie, s’ils n’ont pas la consolation de croire dans une vie après la mort.

    Glinus : Pourquoi ne pas mettre carrément en place une police de la pensée, qui sanctionnerait ceux dont les idées dérangent ?

    Druzak : La police de la pensée existe déjà. Les psychiatres peuvent priver de leur liberté certaines personnes. Avec comme justification que les pensées tourmentées de leur patient en font un danger pour autrui, ou peuvent les amener au suicide. Les procureurs  ont le pouvoir de prolonger la détention d’un meurtrier, ou d’un violeur, au motif que les pensées du condamné l’inquiète.

    Glinus : A vous entendre on dirait que ceux qui n’ont pas la foi, doivent être considérés comme de dangereux déviants. Alors que se libérer de la croyance religieuse, s’avère un moyen d’éviter de sombrer dans la démence. La foi a généré quantité de guerres, en se débarrassant de ce fardeau, les nains connaîtront une ère de paix.

    Druzak : Ce n’est pas la foi mais la cupidité qui provoque la majorité des guerres.

    Glinus : Les croisades, des guerres menées au nom des dieux, s’avèrent le type de guerre le plus répandu dans l’histoire de Gerboisia.

    Druzak : Il arrive que des soldats fassent la guerre avec comme motivation principale, la foi en un dieu. Mais la plupart des chefs militaires entre l’appel de la foi, et la soif de butin, préfèrent le pillage. Ainsi lors des croisades menées par les humains, les elfes et les nains, les lieux sacrés comme Béthem n’étaient pas le premier objectif. Des villes opulentes telles que Babylona qui n’avaient pas une importance majeure sur le plan religieux, furent parmi les premières à être conquises.

    Glinus : Même en admettant que vous ayez raison pour les croisades, il n’empêche que se débarrasser du carcan de la foi, libère de dangereuses illusions. Les dieux ne sont que des chimères destinées à engraisser les prêtres et leurs courtisans.

    Druzak : La foi n’est pas une erreur, elle sert à différencier le nain de l’animal. La foi n’apporte pas seulement de la piété, elle génère de l’altruisme et de la compassion, sans elle Gerboisia serait un monde impitoyable.

    Glinus : Les adeptes des dieux de la destruction sont motivés par la foi, et ils génèrent le carnage et le chaos autour d’eux pourtant.

    Druzak : Les motivations profondes des suivants des forces de la déchéance, ne s’avèrent pas la foi, mais l’envie de nuire ou la soif de pouvoir.

     

              Les membres du Haut-Conseil a 300 voix pour et 100 contre, validèrent la prohibition du droit pour les sceptiques de diffuser leurs idées. Si refuser de croire dans les dieux resta autorisé, par contre affirmer qu’il n’y avait pas d’au-delà, devint un crime passible de six mois de prison ferme.

     

    Chapitre XXIX : Retraite

     

              Karak a décidé de prendre sa retraite car il est lassé des péripéties du pouvoir et, rassuré par le fait qu’Agnar le fils qu’il a désigné comme successeur, ne cherchera pas à dévier de sa politique qui consiste à entretenir des liens les plus cordiaux possibles avec les elfes ; œuvrer pour que Broka demeure le centre économique et politique des royaumes nains ; continuer lentement mais sûrement à dépouiller le Haut-Conseil nain de son influence, afin de renforcer celle des rois nains et surtout du haut-roi. Karak malgré le fait qu’il soit bien conservé pour son âge avancé, commence à sentir les ravages du temps. Son endurance décroît chaque mois, ses cheveux noirs sont remplacés peu à peu par des cheveux blancs. Les rides sur son visage s’avèrent de plus en plus prononcées. A 750 ans, il veut pouvoir se consacrer pleinement à son loisir favori, le jardinage. Karak est le premier haut-roi nain à se retirer du pouvoir sans y être contraint. Le peuple l’admire parce qu’il a renforcé ses acquis sociaux, notamment ceux des mineurs et des paysans. La majorité des haut-conseillers lui est dévouée, bien qu’ils n’apprécient pas beaucoup certaines réformes que Karak a mises en place ; telles que le fait d’avoir rendu plus difficile la révocabilité du haut-roi par le Haut-Conseil. Ainsi il faut que les deux tiers de ses membres tombent d’accord au lieu d’un tiers, pour provoquer l’abdication d’un haut-roi nain. Le clergé nain apprécie Karak qui a empêché que ses sources de revenu soient amoindries, en maintenant la dime sur les revenus des gros exploitants possédant plus de 100 hectares de terre. Les brokiens qui ne sont pas des nains l’adorent, il a considérablement augmenté leur liberté, par exemple en rendant légal le concubinage entre un nain et un non nain. Karak tout en réduisant le déficit laissé par son prédécesseur Anderson, n’a pas contraint ses semblables à se serrer la ceinture. Le haut-roi s’est arrangé pour que 99% de l’argent collecté par les percepteurs servent au bien public. Avant qu’il ne mette son grain de sel, 50% de l’argent récupéré par le fisc était détourné au profit des collecteurs d’impôts et des gens qu’ils corrompaient. Le haut-roi avec des châtiments exemplaires sur des gens réputés intouchables comme le duc Sarras, qui a été décapité, a poussé les percepteurs à renoncer à dilapider l’argent public. En outre le haut-roi avec sa réforme de la justice, a considérablement augmenté le nombre d’innocents acquittés, et de coupables punis. Avant que Karak n’agisse, la justice était gérée par les ducs, certains faisaient consciencieusement leur travail, mais une partie d’entre eux négligeaient gravement leurs devoirs par fainéantise ou corruption. Alors le haut-roi a ôté aux ducs le droit d’interférer dans les affaires judiciaires, et créé la fonction de juge royal. Des magistrats qu’un jury choisi parmi les lettrés du peuple pouvaient révoquer. Ce système n’était pas parfait, mais il n’empêche qu’il s’avérait beaucoup plus efficace que le précédent. Les ducs protestèrent, mais ils durent s’incliner devant le soutien qu’apportèrent aux juges royaux le peuple et le reste de la noblesse. En plus Karak a contribué à donner un sérieux coup de pouce à l’économie des royaumes nains, en finançant un développement du réseau routier, et du transport maritime. Ainsi le nombre de bateaux construits chaque année par des brokiens a doublé, et le nombre de routes pavées à Broka a triplé. Avant la cérémonie devant le Haut-Conseil marquant son départ à la retraite, le premier ministre Ercan eut une discussion avec Karak.

     

    Ercan : Sire, si vous voulez continuer à régner, il est encore temps de vous rétracter. Sans vous Broka, va perdre un souverain très efficace.

    Karak : Ta sollicitude me touche Ercan mais il est temps que je m’en aille, la semaine dernière, je me suis endormi deux fois lors de réunions importantes. Je décline peu à peu.

    Ercan : Vous pouvez alléger votre travail et continuer à diriger Broka, en faisant équipe avec votre fils Agnar.

    Karak : Agnar est un adulte qui a fait ses preuves, il a réussi brillamment ses études, s’est illustré dans sa gestion du duché de Helcar, et a triomphé de ses adversaires lors des concours de rhétorique de Junar.

    Ercan : Agnar possède des qualités indéniables, mais il a une grosse faiblesse, il est sensible à la flatterie. Avec tous les courtisans qui gravitent autour de celui qui assure la charge de haut-roi, il y a un risque élevé qu’il soit la victime de manipulateurs qui ne pensent qu’à leur petite personne.

    Karak : Agnar manque un peu de discernement, mais il apprend très vite, et puis il n’est pas seul, il peut compter sur les conseillers que j’ai choisis. En outre par mesure de précaution je me suis arrangé pour qu’ils ne soient pas révocables par simple caprice du haut-roi, il faut pour les destituer un vote majoritaire du Haut-Conseil.

    Ercan : Il existe un moyen de vous redonner les forces qui vous manquent, le sang vampirique. Sire Arthur a mené des expériences sur des nains qui voulaient devenir des vampires. S’il n’a pas réussi à les transformer en vampire par contre il a modifié les effets du sang vampirique sur les nains. Ainsi le sang de vampire est devenu un tonique aux effets surnaturels sur les nains, en le prenant vous redeviendrez aussi vigoureux que lorsque vous aviez 150 ans.

    Karak : Si les gens s’aperçoivent que je prends du sang de vampire cela va créer un scandale retentissant. Ton idée est séduisante Ercan, mais je n’ai pas envie de prendre le risque d’entacher mon règne d’une initiative qui ruinerait ma réputation.

     

              La cérémonie de passation des pouvoirs de Karak à son fils Agnar fut émouvante, plusieurs haut-conseillers ne purent se retenir de verser une larme. A la fin de son règne Karak ne manqua pas de majesté. L’ancien haut-roi après la cérémonie consacra l’essentiel de son temps à jardiner. En outre il passait beaucoup plus de temps à dormir, au lieu de nuit durant entre cinq à six heures, il s’offrait un sommeil de huit à neuf heures. Les seules fois où il faisait de la politique, c’était quand son fils Agnar venait lui demander conseil, une fois par semaine. Karak menait une vie modeste comparé à ses prédécesseurs qui avaient abandonné le pouvoir. Il se contentait d’une dizaine de serviteurs, qu’il payait avec sa fortune personnelle et non avec les deniers publics. Hakri qui avait été déchu de sa fonction de haut-roi par un vote du Haut-Conseil, s’était entouré de 200 serviteurs.

     

     

     

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