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rrapsode95
Participant

    Bonjour

    Faut donc se présenter. Faut-il faire court, ou détailler. Si je fais long, ça va devenir ; euh … on va dire « chiant ! », et si j’fais court ça n’a plus d’intérêt… Je vais donc faire le plus court possible, même si c’est un peu long ; tant pis….. Donc mon prénom est Jacques et j’ai 57 ans. Une tumeur au poumon gauche, mais ça c’est un détail et tout le monde s’en fout !

    Je suis né dyslexique. C’est grâce à cette ; comment dit-on ? Pathologie ? Donc grâce à cette pathologie, que dès l’enfance, ou plutôt ma scolarité, un problème se pose ; Tout texte écrit, soit à la craie sur le grand tableau noir de l’école primaire, soit dans un livre est incompréhensible. Personne ne s’en aperçoit, ni le maître, ni les copains de classe, pas même beaucoup plus tard, les supers professeurs du C.I.N. de Brest, (célèbre Ecole Navale et dont les murs seulement, sont le prestige). Faut dire ; Á cette époque, cet handicap est très très mal connu, mal soigné. D’ailleurs le monde en général s’en fout, il semblait l’ignorer. Pour moi, qui ne dit mots, je pense être le seul, l’unique ; en tous les cas très convaincu d’être un idiot, comme séparé du monde qui l’entoure, le seul meilleur copain d’un radiateur et que l’on n’entend pas, tout au fond de sa peine et de son désespoir, un incapable qu’ils disaient « Mais putain ! Mais t’es con, c’est écrit là ! ». Un incapable d’obtenir le moindre diplôme, même pas son fichu C.E.P. (certificat d’étude primaire). Aucune citation de Friedrich Nietzsche, et pourtant il en a, fait allusion à la mienne d’aujourd’hui « Nul ne peut prétendre savoir, ce que son futur réserve à son passé » (c’est de moi J Gourvennec). Ce Jacques de l’époque est donc en 1971, quand même devenu mousse ; et dés l’année suivante démissionnaire. Décision prise entre les déceptions de ce métier qu’on lui impose et qui ne lui plait pas, et les vapeurs d’alcool d’un Adjudant et puis d’un Seconds Maître de l’école des Fourriers* de Rochefort. On est donc en décembre de l’année 1972, et l’ancien mouse, le con, le sans moindre galon, à la fois dyslexique et daltonien, est aussi incapable de devenir commis aux vivres. Le 057122237 du C.I.N.de Brest, l’idiot au pompon rouge, est moins d’un an plus tard devenue plombier ; un CAP d’plombier-zingueur exactement. Puis à la force du temps, il devient enfin, un peu plus que ce « pas grand-chose », il devient chauffagiste. Jusque-là rien de vraiment exceptionnel, il n’est qu’ouvrier qualifié ; mais pour lui son métier c’est de l’art, c’est un perfectionniste, il fait partie des rares, de ceux qui sont capables de façonner un coude sur du tube en acier, et rien qu’avec la flamme de son chalumeau, au millimètre près, « s’il vous plait ! », et sans cintreuse, sans autre outils, que son cerveau , le feu du chalumeau, son double mètre, son crayon et ses mains . Dans ses moments de solitude, il peint des tableaux sans valeur, il peint la mer, il peint le sable, il ne peint rien ; il peint ses autres « pas grand-chose », il peint la solitude, il peint tout les silences d’une incapacité aveugle, il peint la dépression, ses camisoles d’inutiles. Il a tout essayé, Proust, Céline, même Descartes, et puis un jour il est Ferré, un autre jour il est Brassens ou Barbara, et puis un autre jour, quand il a un peu bu, il se prend pour Rimbaud ou Baudelaire, il vient même planter ses larmes, jusque dans la douleur de Sabine Sicaud, (http://poete.sale.type.perso.neuf.fr/parolier/Sabine.htm) . Et puis à forcer le destin, il fallait bien qu’un jour on les redistribue, ces foutues cartes de la vie. Jacques aujourd’hui, est professeur en génie climatique dans un lycée professionnel de la région nord de Paris.

    *fourrier : dans l’armée, sous-officier chargé de l’approvisionnement

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