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Cher Aegidius,
merci encore pour vos commentaires et suggestions. Pour la nouvelle, ce qui devient clair,c’est une sorte d’avertissement précédent celle-ci, pour la mettre dans son contexte culturel. L’exemple de Balzac est, en effet, pertinent.
Je me propose d’ajouter ce prologue à la nouvelle :
« Voici une histoire qui semblera totalement invraisemblable à une personne non familière avec la réalité culturelle de la société où se déroulent les événements. Malheureusement, ils reflètent des faits vrais, encore actuels. Le drame relaté souhaite contribuer à ce qu’un rite s’humanise, par le renoncement à la souffrance qui le caractérise. »
Qu’en pensez-vous ?
Je me suis rappelé un autre éclaircissement à vous fournir. À propos de « tourner autour du pot », voici le contenu du pot. La nouvelle pose clairement, me semble-t-il, la question, par la bouche même de l’enfant : Pourquoi un Dieu de Bonté et Miséricordieux aurait besoin de sang pour être honoré ?… Allez poser cette question à des personnes très pieuses, et vous constaterez la réaction. Voilà pourquoi la nouvelle a pu paraître uniquement dans un journal algérien laïc et démocratique.
Là est, non pas le « militantisme » littéraire, mais ce que disait Kafka (je cite de mémoire) : « Si la littérature n’est pas un marteau pour éclairer le crane du lecteur, à quoi sert-elle ? » Je suis parfaitement conscient que cette conception littéraire ne mène nullement au succès, mais elle me porte à me regarder dans le miroir de ma conscience de manière sereine.
Au sujet de contestation algérienne, une voix, comme les hirondelles, ne fait pas le printemps. Ne constatons-pas l’existence de Français qui affirment qu’au temps de l’occupation nazie, les Français étaient heureux ? Il en est de même en Algérie : vous trouverez toujours quelques uns pour vous affirmer que les femmes battues par leurs maris, ça n’existe pas, ou qu’un Français altruiste, pendant la colonisation de l’Algérie, ça n’existait pas.
Quant au texte à proposer, oh non, je n’y songe pas. Trop polémique. Et je ne suis pas Zola avec son “J’accuse !”, car mon texte en a la veine. Dans mon texte, la victime n’est pas un capitaine, de religion juive, mais plus de la moitié de l’humanité, qui a le tort d’exister sur cette planète. En outre, je ne dispose pas d’un Maupassant pour défendre mon texte. Je pense également que LA se caractérise par un certain équilibre qui ne permet pas l’insertion d’un texte trop polémique, pamphlétaire et “politique”.
Encore merci pour cette amicale et utile discussion !
Kadour
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Ali Boussouel
Merci de m’avoir répondu mais cela ne change rien à ma position.
Je cite votre histoire :
« Le père ne sut pas résister. Il voulait contrebalancer sa vie, tellement pénible, par un plaisir à offrir à son enfant. Alors, il répondit, sans trop s’attarder à réfléchir :
– D’accord, mon trésor ! Pour fêter tes cinq ans, j’achèterai un tout joli petit agneau.
Un beau matin de ciel bleu, ensoleillé et doux, l’enfant vit arriver ce qu’il attendait avec impatience : un tout jeune agneau !
Le père et la mère furent très contents de constater la joie de leur petit. « Tu as bien fait d’acheter cet agneau ! », reconnut l’épouse. « Oui ! » admet le mari. »
Et au bout d’une semaine les parents tombent des nues quand le petit Karim se met à pleurer quand ils lui annoncent qu’ils vont le sacrifier. « Qu’est-ce qu’il a notre enfant ? Il n’est pas normal ? »
J’espère que vous comprendrez enfin ce qui ne va pas dans votre histoire. Monsieur Kadour Naimi, vous n’êtes vraiment pas psychologue si vous ne voyez pas ce qui ne va pas. Comme vous aimez donner des exemples en voici un : un patient va chez le médecin. On lui annonce qu’il a un cancer et qu’il va mourir. Le patient se met à pleurer. Le médecin dit : Pourquoi vous pleurez ? c’est normal de mourir. On meurt tous un jour ! Il n’est vraiment pas normal ce patient !
Cordialement,
Ali Boussouel
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Cher Monsieur Boussouel,
en effet, l’enfant n’est pas “normal”, et voici pourquoi.
Contrairement à ses parents, qui sont totalement pris dans leurs préjugés religieux (ils trouvent normal d’offrir un agneau à leur enfant, pour, une semaine après, sacrifier cet animal – ce qui m’est arrivé et arrive à tous les enfants de parents de ce genre), contrairement donc à ses parents, l’enfant n’a AUCUN préjugé religieux, mais réagit UNIQUEMENT motivé par sa sensibilité qui n’admet pas de causer de souffrance à un animal, en plus devenu un ami.
Donc, en fait, ce n’est pas l’enfant qui n’est pas “normal” (lui est normal parce qu’il n’admet pas de violence sur une créature vivante), mais ses parents qui ne sont pas “normaux”, dans le sens où leur préjugé religieux les porte à un comportement contradictoire.
Néanmoins, ils ne le comprennent pas, parce que prisonniers de leur préjugé religieux (à savoir honorer Dieu par un sacrifice rituel traditionnel), ils croient se comporter de manière normale, tout en considérant que c’est leur enfant qui n’est pas normal.
En d’autre terme, et pour employer une comparaison, la situation est celle du fou qui prend les sains mentaux pour des fous. Cela a un nom : aliénation. Dans le cas de la nouvelle, elle est d’ordre religieuse.
Cordialement,
Kadour