Accueil › Forums › Textes contemporains › (O) DEGANDT, Alain – Et si l’on chantait ? (6 chansons) › Répondre à : (O) DEGANDT, Alain – Et si l’on chantait ? (6 chansons)
Bonjour à tous,
Je soumets à vos suffrages six chansons. J'espère qu'elles vous plairont.
La première, je l'offrirai en cadeau aux enfants confinés (et à leurs parents sans doute très occupés mais qui sauront bien trouver quelques petites minutes de répit pour se détendre en y prêtant l'oreille…) :
Sais-tu c'que j'ai vu ?
Les cinq autres, sous forme de main offerte (plutôt aux adultes) :
La romance de Lolita
J'ai cassé ma pipe
La péniche
Pas la frite
Sérénade
SAIS-TU C’QUE J’AI VU ? (Chanson pour les enfants)
1 – Sais-tu c’que j’ai vu,
C’que j’ai vu,
C’que j’ai vu, en sautant d’mon lit ?
J’ai vu dans le matin gris
Un loup de Transylvanie
Poursuivant à l’aveuglette
La queue d’une souricette
En nuisette.
2 – Sais-tu c’que j’ai vu,
C’que j’ai vu,
C’que j’ai vu, au coin de ma rue ?
J’ai vu un renard joufflu
Se sauvant d’un poulailler
L’oeil hagard, les traits tirés
Comme il avait l’air fourbu !
Pauvre bête !
3 – Sais-tu c’que j’ai vu,
C’que j’ai vu,
C’que j’ai vu,
au fond d’mon jardin ?
J’ai vu sous une salade
Une limace malade
D’avoir couru l’marathon
Autour d’un gros potiron
Sans gonflette.
4 – Sais-tu c’que j’ai vu,
C’que j’ai vu,
C’que j’ai vu, derrièr’ mon armoire ?
J’ai vu, les mains dans les poches
Une band’ de pauvres mioches
Qui sifflaient un air ancien
C’était “Tiens, v’là du boudin !”
À tue-tête.
5 – Sais-tu c’que j’ai vu,
C’que j’ai vu,
C’que j’ai vu, dans le ciel de pluie ?
J’ai vu voler un facteur
L’air jovial et sympathique
Chargé de porte-bonheur
Pour les enfants d'Amérique
Quel athlète !
6 – Sais-tu c’que j’ai vu,
C’que j’ai vu,
C’que j’ai vu, un dimanch’ matin ?
J’ai vu à l’arrêt du bus
Une tique et une puce
S’disputer le dos d’un chien
Qui allait prendre le train
Gar’ de l’Est.
7 – Sais-tu c’que j’ai vu,
C’que j’ai vu,
C’que j’ai vu, l’quatorze juillet ?
J’ai vu un porte-drapeau
L’oeil luisant et le coeur gros
Ecouter la Marseillaise
Du match de rugby à treize
Tarbes-Sète.
8 – Sais-tu c’que j’ai vu,
C’que j’ai vu,
C’que j’ai vu, au bal des pompiers ?
J’ai vu un saxophoniste
Jouer les équilibristes
Il cherchait un Si bémol
Juché sur les deux épaules
D’la Préfète.
Fin : Sais-tu c’que j’ai vu, c’que j’ai vu ? …
LA ROMANCE DE LOLITA
1 – Solange est une Lolita
Qui jamais ne lit au lit
Ell’ rêve de Dolce Vita
Baby Doll en Italie
2 – Un jour ell’ quitt’ra la Mayenne
Prendra le train pour Paris
Marr’ de rester dans la moyenne
Peut plus survivre à l’ennui
3 – Les aut’ fill’ ont des roploplos
Des gros nibards, des nénés
Des roberts, des loch', des lolos
Dont les point’ vous saut’ au nez
4 – Solange a de petits nichons
Un’ pair’ de seins virtuels
Qui affolent tous les garçons
Tous les yeux se port’ sur elle
5 – Dimanche au concours de plongeon
Dans son maillot à bretelles
Elle égala les grands champions
En torpille sexuelle
6 – Ell’ mit le jury dans sa poche
En se trémoussant des hanches
Ses copin’ étaient plutôt moches
La coupe était dans la manche
7 – Un jour un vague impresario
Que connaissait un d’ses potes
La fit venir dans ses studios
Ell’ crut gagner le jackpot
8 – Ell’ s’mit à singer Rachel Welsh
Brigitt’ Bardot, Marilyn
Ell’ s’badigeonnait de crèm’ fraîche
Dévalisait les vitrines
9 – Cet italien libidineux
En âge d’être son père
Profita de son corps grâcieux
Et d’son fougueux caractère
10 – Ell’ tourna des rôles de niaise
Dans des feuill’tons pour mémères
Elle essayait de mettre à l’aise
Ses grands dadets d’partenaires
11 – Le soir ell’ rentrait dans sa piaule
Un’ chambr’ de bonn’ sous les toits
L’néon du Crédit Agricole
Rythmait l’blues, le désarroi
12 – Ell’ regrettait d’avoir quitté
Sans même avoir crié gare
Ses vieux parents, sa bell’ cité
Et foutu l’camp à la gare
13 – Oubliant dans sa foll’ cavale
Rachid, Ahmed, son lycée
L’odeur d’moisi des rues d’Laval
Les flirts, la band’, les baisers
14 – L’hystérie d’sa mère abîmée
Par trente ans d’conservatoire
Et son père en gauchiste athée
L’Télérama dans l’tiroir
15 – Mais p’têt’ qu’un beau jour aura lieu
Au détour d’une réplique
Un évèn’ment miraculeux
Un trouble_ un souffle_ un déclic
16 – Devant l’équipe médusée
Par son ton si véridique
Ell’ f’ra connaître au monde entier
Ses dons d’actrice tragique
17 – Finis les seconds rôl’ miteux
Les hôtels borgn’, les cafards
L’avenir s’ouvre, radieux :
SOLANGE EST DEVENUE STA-A-AAAAR !!!!
J’AI CASSÉ MA PIPE
REFRAIN :
J’ai cassé ma pipe
Ma vieill’ pipe en bois
Et en écume de mer
Qui me venait d’oncle Omer
1 – Il m’avait fait devant notaire
L’héritier d’cet objet de choix
Et quand il a cassé sa pipe
Qui en hérita ? – C’est bien moi !
REFRAIN
2 – Zoé, ma tant’ de Saint-Nazaire
Faillit avaler son bréviaire
De jalousie, quand elle apprit
Qu’d’Omer j’étais le légataire !
REFRAIN
3 – Dans son bon gros fourneau bien chaud
Je fumais du foin d’artichaut
Et d’la crott’ séchée de chameau
Coupée de gazon d’Angleterre
REFRAIN
4 – Il sortait d’ma locomotive
Un nuage en forme d’endive
Qui m’donnait pas l’allur’ sportive :
Auprès des fill’, c’était zéro !
REFRAIN
5 – C’est pourquoi de manièr’ furtive
J’allais m’cacher dans les coursives
Pour me détruire la salive
En aspirant l’jus du tuyau …
Loin du r’gard des badauds !
Tout en bas, tout en bas
Tout en bas, tout en bas
Tout en bas, tout en bas
Tout en bas du bateau !
LA PÉNICHE
Depuis vingt ans qu’ell’ fait l’tapin
Entre Clichy et Caumartin
Elle a acquis de l’expérience
De l’amour ell’ connaît la science
Trois nœuds à l’heur’, c’est sa cadence
C’est sa cadence
Depuis vingt ans qu’ell’ fait l’trottoir
Levée très tôt, couchée très tard
Y’a pas d’plac’ pour la vie d’famille
Ell’ qui rêvait d’avoir un’ fille
D’y croire encor', ça la béquille
Ça la béquille
Depuis vingt ans qu’ell’ fait c’boulot
Faut fair’ l’amour sans fair’ d’marmots
Sinon ton mac perd du pognon
Ça l’rend nerveux, y t’fil’ des gnons
Et vid’ tes cales au ceinturon
Au ceinturon
Ça fait vingt ans qu’ell’ fait la pute
Qu’ell’ vend son corps aux mâl(e)s en rut
Vingt ans d’amour sans sentiments
Gestes brutaux, mots dégradants
Un drôl’ de fret dans ton chaland
Dans ton chaland
Vingt ans ça tir’ sur les guibolles
On s’alanguit, on devient molle
On n’a plus d’chien, on perd la foi
Parfois c’est mêm’ n’importe quoi
On reste à quai pendant des mois
Pendant des mois
En vingt ans on tomb’ sur des dingues
Qui piqu’ leur cris(e), qui vous déglinguent
D’un coup d’surin vous défigurent
Vous brûl’ un sein ou vous torturent
Y’a d’la rouill’ dans tout’ la structure
Tout’ la structure
L’artisanat, c’est passé d’mode
On vous fil’ vos congés sans solde
Les jeun’ commenc’ sans avoir l’âge
Le top, c’est l’usin’ d’abattage
Faut s’bouger du ch’min de halage
Ch’min de halage
Alors à l’heur’ de la retraite
On s’retrouv’ tout’ seul’ comme un’ bête
Sans vraie amie, sans compagnon
Le corps meurtri, l’cœur en haillons
Sous la ligne de flottaison
De flottaison
© Alain DEGANDT – Guéret, mars 2000 – Tous droits réservés
PAS LA FRITE
Journée maussade
Le cœur en rade
Mon goéland est en cal’ sèche
Mon canari bouff’ l’os de seiche
Dans sa cage
Jour de lenteur
Traînent les heures
J’égrèn’ le temps sur mon piano
J’me lav’ les mains au lavabo
J’n’ai plus d’âge
Oh ! pas la frite ! non,non,non,non … je n’ai pas la frite …
Molles ivresses
Pâles caresses
J’erre entre plaisir et ennui
Puni, banni du Paradis
Et j’enrage
Paroles plates
Fruits qui se gâtent
Jamais je n’atteindrai la rive
Le bois où naît la source vive
Une plage
Oh ! pas la frite ! non,non,non,non … je n’ai pas la frite …
Les corps humides
Les nuits torrides
Je danse avec le grand troupeau
Le sam’di soir après l’boulot
J’suis en nage
Car de touristes
Perdue la piste
J’photographie le monument
De ma bêtis’ dans le ciment
Je voyage
Hou, hou, hou …
Être tout seul
Jusqu’au linceul
Que peut m’apporter l’avenir
Hiéroglyph’ j’arriv’ pas à lire
J’tourn’ la page
Car …
Oh, là,là,là,là,là,là … oh ! pas la frite !
Non, non,non,non … je n’ai pas la frite.
© Alain DEGANDT – Guéret, février 2000 – Tous droits réservés
SÉRÉNADE
Un couple d’amants enlacés
De retour du bal,
Raviva notre cher passé
Comme un vieux fanal :
Ensemble nous nous promenions
Le long du canal.
Une péniche et nous rêvions
À d’autres escales.
Un rameur glissait en silence,
Passait un vélo.
Le garçonnet de l’Assistance
Rentrait son troupeau.
Au loin le ciel était en sang
Par-dessus les monts,
Il étalait ses pansements
Et nous nous serrions.
Nous croisions l’idiot du village
Qui sifflait un air,
Suivant le chemin de halage
Ses souliers ouverts.
Il faisait bon, tu avais froid :
« – Il est déjà tard ! »
Et je t’abritais sous mon bras,
J’aimais ton regard.
Des jardiniers faisaient brûler
Des fanes de pois.
Des chasseurs, le fusil cassé,
Donnaient de la voix.
Se hâtant, un vol de ramiers
Faisait siffler l’air.
Liz, la femme de l’éclusier,
Fermait sa barrière.
Quand arrivés chez tes parents,
Dessous la marquise,
Nous nous embrassions goulûment,
C’était l’heure exquise.
Collé contre toi me disant :
« – J’ai mal à pleurer.
Fais bien attention, sois prudent ! »
Je te rassurais.
Tu me tendais alors tes lèvres,
L’air désespéré.
Tu tremblais, tu avais la fièvre.
Un chien aboyait.
« – Mon bel amour je dois partir,
Va, ne prends pas froid. »
Tu esquissais un doux sourire :
« – Téléphone-moi ». (bis)
© Alain DEGANDT – Guéret, janvier 2000 – Tous droits réservés
Et voilà, c'est tout pour aujourd'hui.
Bonne fin de journée à tous !
Alain D.