(O) DEBUCOURT, Jean – Correspondance Mars 1947

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    Pauline PuccianoPauline Pucciano
    Maître des clés
      #163607
      Pauline PuccianoPauline Pucciano
      Maître des clés

        Bonjour à tous Sourire

        En mars 1947, Jean Debucourt, Sociétaire de la Comédie Française de 1937 à 1958, écrit à sa femme, dont il est séparé pour raison de santé, des lettres d'amour passionnées.

        Son fils, Jean-Claude Pelisse Debucourt, par l'intermédiaire de Natalia Fintzel à qui nous devons les belles oeuvres d'Yvonne Gaudeau, souhaite aujourd'hui que ces lettres touchantes soient diffusées sur notre site. 

        Je vous remercie de prendre un moment pour feuilleter les extraits que je vous dépose ici (j'ai mis les deux premières lettres et la dernière; le fichier texte fait une trentaine de pages). 

        À très bientôt

         

        Extraits : 

         

        Vendredi 28 février

        Si on se ligue contre moi pour me prendre mon temps… tout est gagné ou perdu. Gagné car ce me sera moins long d’Egrener mon chapelet d’heures. Mais perdu si on ne me laisse pas le temps de venir te dire ma prière quotidienne.

        Prière, mon amour, faîte de tendresse infinie pour toi, de reconnaissance pour le bonheur  que tu m’as donné.

        Je t’aime tellement, tellement cela ne peut te surprendre ni t’étonner… Donc Michel vient d’arriver dans ma loge pour passer la soirée avec moi. C’est très gentil mais il te prend à moi. Il me prend à toi et j’aurais voulu ce soir te parler plus longuement d’amour. J’ai passé ma journée à faire du courrier. Mais surtout à penser à toi.

        J’ai répondu à Berthe. Je dine avec eux dimanche et je les ai invités à venir voir le Secret. Dimanche prochain c’est tante Marie-Paule qui viendra en matinée

        Au théâtre on me demande de tes nouvelles.

        Derniers renseignements on finirait « le Secret » vers le 15 mai.

        Ne m’en veux pas de te donner au hasard de mes pensées ou de mes réflexes  tout ce qui me passe par la tête et que je veux te dire. Bien souvent hélas ça ne sera pas très intéressant mais ce besoin de partager ma vie avec toi, de penser avec toi, de vivre pour toi est devenu physique. C’est un besoin absolu.

                          Encore 634 heures.

        Retour hier sans incident  6°,  pluie battante.

        Chambre démesurément grande et vide  mal dormi. Cauchemars.

        Réveil inondé de joie. J. Paul vient me glisser tes 2 lettres. ….

        Et la vie reprend, mon cœur va de nouveau battre à son rythme. L’inflation de sang vient de recommencer avec l’arrivée de tes lettres.

        Et disons-le, n’en rougissons pas. J’ai pleuré le cœur si gonflé d’amour…Je n’arrivais pas à ouvrir les enveloppes.

        Enfin… te voilà « un peu revenue » près de moi. 

        La véritable absence fut pendant ces 3 jours.

        Ah ! Mon Amour quel bonheur de lire Ton écriture, d’avoir un papier que tu as touché.

        Donc ce matin vendredi 28 février je me sens ragaillardi.

        Un mal derrière la tête très violent. Si violent qu’il m’a empêché d’écrire hier soir en rentrant le justifie pleinement    

        5 centimètres de neige au réveil ce matin

        Catel est dans la maison pour l’installation électrique. J. Paul va de lui à moi en ce moment  Je l’entends qui veut montrer quelque chose sans doute fort intéressant à Catel et sans arrêt il lui dit sur un ton implorant « Môchieu Môchieu ». Quel amour.

        Rien d’extraordinaire, à part cela, les bruits et les va et vient que tu connais.

         

         

        Samedi 1er Mars

        Mon Adorée  ma chérie  mon amour

        Tout ce que j’aime. Tout ce que j’adore, tout mon bonheur, Tout le but de ma vie : je t’aime

        J’écris ces mots d’amour avec un nouveau stylo, à toi destiné. Je suis allé chez Marsau. Le seul Parker était énorme et avec une plume… de ronde… presque. Par contre j’ai trouvé celui-ci. C’est un beau petit Waterman, transparent, qu’on charge avec des cartouches. Plus de mains sales, plus d’encrier…. !  Une très belle plume en or 18 carats très souple et très fine mais capable comme tu le vois de faire des pleins et des déliés… ! Je le trouve très gentil. Si le débit de l’encre ne correspond pas exactement à ce que tu désires, on te le réglera par la suite. La transparence est très amusante. Il est noir.  Comme le marché qui l’a vendu. Et comme l’encre est dans un petit tube de verre, elle ne salit pas l’intérieur du stylo de sorte qu’on voit toujours très bien la transparence.

        Une recommandation quand tu changeras les cartouches : tu dévisses le bas, tu retires la vieille cartouche, et sans la déboucher tu introduis l’autre doucement avec précaution, et tu revisses Bien bien droit. C’est là le petit point délicat. Revisser bien droit et doucement cela perfore le haut de la cartouche et il est prêt à fonctionner.

        Tout ceci dit tu vas avoir hâte de le recevoir. Je vais le mettre dans un  paquet très vite mon amour Car je pense que tu seras contente de le recevoir – mais en tout cas surement pas plus contente que j’ai été heureux de l’acheter

        -Il est bien dommage que je ne sois pas très riche en ce moment… qu’est-ce que tu recevrais comme cadeau… C’est bien ta veine mon adorée chérie… !

        Le Budget est en effet assez juste car l’affaire Cayatte ne donnant guère de résultat…. ! Cela compromet les remboursements que j’aurais pu faire et ainsi emprunter pour les contributions.

        Mais ne parlons pas de cela. Parlons de toi, de nous deux. Je pense que J. J. est sage… Je vous imagine très bien jouant à la Bataille dans votre chambre d’Hôtel plus ou moins gaie… mon pauvre amour.

        Je rentre du théâtre. Rien à signaler  J. Paul ou Philippe a du tousser un peu car la porte de Simone était ouverte. J’y suis allé… rien d’anormal

        J’ai eu tes cartes au 21. Si j’ai bien compris madame G. n’a pu obtenir la suralimentation pour J. J.  Si c’est nécessaire j’irai à la mairie avec la note de la clinique… et on m’entendra… !

        J’ai eu une proposition pour aller à Nice tourner avec Mathot. Mr Proux   Plusieurs semaines à partir du 17 mars… !  Le théâtre hélas… ! Car sans cela vous redescendiez… par Grenoble  C’était très facile.

        Amour, mon Amour … que c’est long une journée… une heure même sans toi…  Je savais bien que j’aurais de la peine, mon instinct ne me trompait pas à la gare de Lyon. Mais je ne pouvais pas m’imaginer que cela pouvait être une souffrance de tous les instants à ce point.

        Mais n’aggravons pas les choses. Je me suis promis d’être raisonnable… nous sommes encore trop loin de la fin. A demain les petites notes horaires… !

        Et voilà demain venu, encore 610 heures.

        Réveillé par un soleil qui ne va pas durer mais éclatant sur la neige d’hier soir. Au soleil il fait 9°. Et voici l’heure merveilleuse : l’heure du courrier, je pense à la peine que j’aurai, lorsqu’il y aura un manque dans la régularité des lettres. Je ne peux et ne veux espérer une lettre par jour. Mais quel bonheur profond cela procure. C’est vivifiant. Cela vous donne un tour de clef à la mécanique. C’est merveilleux. Et puis la chose indéfinie de voir cette enveloppe qui te devient personnelle. Ton écriture adorée, car elle est le reflet de 12 années de souvenirs.

        N’importe ce qui vient de toi, qui a pu t’approcher prend avec cette absence une valeur inouïe. Et cependant je ne peux pas passer une journée dans ton placard ou enfermé dans la grande armoire. … …. Et cependant…..

        Enfin ta lettre est là  relue déjà 3 fois. Tu t’ennuies mon pauvre amour car tu n’as même pas la distraction d’esprit de jouer tous les soirs. Dès hier je suis parti au théâtre avec moins de mauvaise humeur. C’est tout de même un petit Entracte.                            

        Ta consolation comme la mienne vient se retrouver dans le contentement de voir la bonne mine que prend Jean-Jacques  Il faut d’ailleurs bénir pour toi cette nécessité de partir, exigée par le Docteur

        Je crois que nous n’aurions pas eu ce courage, si tu avais dû partir seule pour toi, Et au fond c’eut été très égoïste pour le 3ème enfant et surtout pour toi, mon adorée chérie, qui donne une partie de ta vie, de ta santé, de ton sang. (Pauvre sang perdu).

         C’est donc un bien. Car cela te consolidera. Te fortifiera. Cela te repose et Dieu sait si tu en avais besoin. Ce manque de domestiques stylés, réguliers ou attentifs, font que malgré tout, malgré ta sœur, malgré Nicole, tu te fatiguais beaucoup trop.

        On ne peut pas se séparer 3 mois, mais je crains qu’au retour, te sentant mieux tu reperdes très vite tout le bien de ce « martyr » (pour moi).

        Cette lettre reçue ce matin 1° mars à 10h37  est datée du 27 février, elle n’a donc mis que 2 jours car je pense que tu as du la poster le 27 de bonne heure

        J’espère donc que la jointure est faite pour toi aussi, déjà depuis 2 jours. Le flux régulier et le reflux de nouvelles va donc entretenir le mouvement de nos cœurs. Je suis sauvé

        Quelles nouvelles ici. Pas grand-chose. Jean Paul continue à être un rayon de soleil pour tout le monde.

        Et il parle, et il parle… et il zozote et il accroche tout. C’est adorable. En ce moment c’est la joie il est avec le « Môchieu » et il s’efforce d’enfoncer des clous… ! Et je suis lâche. Je lui passe tout…. Qu’est-ce qu’il va prendre lorsque tu vas m’être rendue.

        J’attends 2 tonnes de bois coupé. La teinturière vient de rapporter des affaires pour Simone

        La vieille que Maria veillait la nuit vient de mourir. Maria va donc pouvoir dormir

        Tout le monde m’a dit : quand vous Ecrirez à madame…. Etc… etc…. .

        Simone déjeune chez Lulu avec André de sorte qu’aujourd’hui je déjeune en cabinet particulier… avec Nicole. !

        Ah ! On m’a bien laissé Tomber… !

        Par même courrier j’envoie le stylo.

        A part cela – Rien.-

        Sinon que je t’embrasse de Tout Tout mon être

        Comme je t’aime follement.

         

        Mercredi 19 / 3                                        Mercredi soir

         

        Mon petit Amour chéri.

        Je t’aime. Je t’aime de tout mon Etre…

        Et ma lettre pourrait s’arrêter là. Je n’ai rien d’autre à te dire que mon Amour. Je vis des heures inouïes d’attente. C’est merveilleux.

         

        J’ai pu obtenir une place pour Lulu. Donc elle vient avec nous au « 6 jours »…  Elle en était malade…Actuellement elle est au cinéma avec Claude et elle sort de chez Tante Louise…complétement ronde.

        Elle est arrivée n’ayant pas faim… !!

        Elle a pris             H. d’œuvre.

                                   Tête de veau.

                 Sole Tante Louise

                 Fromage….

        Elle est inouïe ! Tout le monde se réjouit dans ma loge à minuit. Et comme un fait exprès la voiture était bancale sur 3 cylindres.

        Georges est venu… mais je l’entends.  Essayant de la mettre en route et cela n’a pas l’air d’aller.

        C’est gai. Si à 2 Heures  du matin tout le monde est en panne…. !

         

        A part cela rien de neuf.

        Poursuivi sans arrêt par Vissonge,  j’ai eu l’idée de lui dire que le manuscrit était au Français… ! Qu’elle le réclame… !!!!

         

        Je te raconte tout cela. … mais au fond qu’est-ce qu’il y a dans ma vie.

                          TON RETOUR.

        Tout le reste importe peu.

                 Ah ! Que je t’aime. !

        Demain jeudi je t’écrirai pour les dernières nouvelles avec projets etc… Si tu n’avais pas assez d’argent. Dis à Camon que j’en apporterai, ne te démunies pas. Mon Amour.

        Profites des derniers jours. Sors le plus possible, autant que ton beau petit ventre tout gros te le permet.

        Mon amour, ma petite maman de mes deux, puis 3 Enfants que c’est beau Tout cela que c’est bon.  Que je t’Aime.

                          Vite, vite Lundi

                          Je deviens fou.

        Tu te rends compte dans quel Etat je vais être Dimanche.

                                           

                          Je t’embrasse de Tout mon Etre.

        Ah ! Te retrouver ! Te revoir !

        #163610
        CocotteCocotte
        Participant

          O

          #163614
          Christiane-JehanneChristiane-Jehanne
          Participant

            OUI.



            amitiés

            Christiane 

            #163617
            Alice LymAlice Lym
            Participant

              Oui, je suis curieuse de cette correspondance

              AMitiés

              Carole

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