LAMARTINE, Alphonse (de) – Poésies

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  • #145829
    VictoriaVictoria
    Participant

      LAMARTINE, Alphonse (de) – Poésies

      Le Lac


      Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
      Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
      Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âges
      Jeter l’ancre un seul jour ?

      Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière,
      Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,
      Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierre
      Où tu la vis s’asseoir !

      Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
      Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
      Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondes
      Sur ses pieds adorés.

      Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence ;
      On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux,
      Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
      Tes flots harmonieux.

      Tout à coup des accents inconnus à la terre
      Du rivage charmé frappèrent les échos ;
      Le flot fut attentif, et la voix qui m’est chère
      Laissa tomber ces mots :

      ” Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
      Suspendez votre cours :
      Laissez-nous savourer les rapides délices
      Des plus beaux de nos jours !

      ” Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
      Coulez, coulez pour eux ;
      Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
      Oubliez les heureux.

      ” Mais je demande en vain quelques moments encore,
      Le temps m’échappe et fuit ;
      Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l’aurore
      Va dissiper la nuit.

      ” Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive,
      Hâtons-nous, jouissons !
      L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;
      Il coule, et nous passons ! “

      Temps jaloux, se peut-il que ces moments d’ivresse,
      Où l’amour à longs flots nous verse le bonheur,
      S’envolent loin de nous de la même vitesse
      Que les jours de malheur ?

      Eh quoi ! n’en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
      Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
      Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
      Ne nous les rendra plus !

      Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
      Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
      Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
      Que vous nous ravissez ?

      Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
      Vous, que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir,
      Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
      Au moins le souvenir !

      Qu’il soit dans ton repos, qu’il soit dans tes orages,
      Beau lac, et dans l’aspect de tes riants coteaux,
      Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
      Qui pendent sur tes eaux.

      Qu’il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
      Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
      Dans l’astre au front d’argent qui blanchit ta surface
      De ses molles clartés.

      Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
      Que les parfums légers de ton air embaumé,
      Que tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on respire,
      Tout dise : Ils ont aimé !

      #145830
      VictoriaVictoria
      Participant

        L’Automne

        Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure !
        Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
        Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
        Convient à la douleur et plaît à mes regards !

        Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire,
        J’aime à revoir encor, pour la dernière fois,
        Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
        Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois !

        Oui, dans ces jours d’automne où la nature expire,
        A ses regards voilés, je trouve plus d’attraits,
        C’est l’adieu d’un ami, c’est le dernier sourire
        Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !

        Ainsi, prêt à quitter l’horizon de la vie,
        Pleurant de mes longs jours l’espoir évanoui,
        Je me retourne encore, et d’un regard d’envie
        Je contemple ses biens dont je n’ai pas joui !

        Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
        Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ;
        L’air est si parfumé ! la lumière est si pure !
        Aux regards d’un mourant le soleil est si beau !

        Je voudrais maintenant vider jusqu’à la lie
        Ce calice mêlé de nectar et de fiel !
        Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
        Peut-être restait-il une goutte de miel ?

        Peut-être l’avenir me gardait-il encore
        Un retour de bonheur dont l’espoir est perdu ?
        Peut-être dans la foule, une âme que j’ignore
        Aurait compris mon âme, et m’aurait répondu ? …

        La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ;
        A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ;
        Moi, je meurs; et mon âme, au moment qu’elle expire,
        S’exhale comme un son triste et mélodieux.

        #145831
        VictoriaVictoria
        Participant

          L’ Isolement

          Souvent sur la montagne, à l’ombre du vieux chêne,
          Au coucher du soleil, tristement je m’assieds ;
          Je promène au hasard mes regards sur la plaine,
          Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.

          Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ;
          Il serpente, et s’enfonce en un lointain obscur ;
          Là le lac immobile étend ses eaux dormantes
          Où l’étoile du soir se lève dans l’azur.

          Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,
          Le crépuscule encor jette un dernier rayon ;
          Et le char vaporeux de la reine des ombres
          Monte, et blanchit déjà les bords de l’horizon.

          Cependant, s’élançant de la flèche gothique,
          Un son religieux se répand dans les airs :
          Le voyageur s’arrête, et la cloche rustique
          Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.

          Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente
          N’éprouve devant eux ni charme ni transports ;
          Je contemple la terre ainsi qu’une ombre errante
          Le soleil des vivants n’échauffe plus les morts.

          De colline en colline en vain portant ma vue,
          Du sud à l’aquilon, de l’aurore au couchant,
          Je parcours tous les points de l’immense étendue,
          Et je dis : ” Nulle part le bonheur ne m’attend. “

          Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
          Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
          Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
          Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !

          Que le tour du soleil ou commence ou s’achève,
          D’un oeil indifférent je le suis dans son cours ;
          En un ciel sombre ou pur qu’il se couche ou se lève,
          Qu’importe le soleil ? je n’attends rien des jours.

          Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,
          Mes yeux verraient partout le vide et les déserts :
          Je ne désire rien de tout ce qu’il éclaire;
          Je ne demande rien à l’immense univers.

          Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère,
          Lieux où le vrai soleil éclaire d’autres cieux,
          Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,
          Ce que j’ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux !

          Là, je m’enivrerais à la source où j’aspire ;
          Là, je retrouverais et l’espoir et l’amour,
          Et ce bien idéal que toute âme désire,
          Et qui n’a pas de nom au terrestre séjour !

          Que ne puîs-je, porté sur le char de l’Aurore,
          Vague objet de mes voeux, m’élancer jusqu’à toi !
          Sur la terre d’exil pourquoi resté-je encore ?
          Il n’est rien de commun entre la terre et moi.

          Quand là feuille des bois tombe dans la prairie,
          Le vent du soir s’élève et l’arrache aux vallons ;
          Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie :
          Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !

          #145832
          VictoriaVictoria
          Participant

            Le Soir

            Le soir ramène le silence.
            Assis sur ces rochers déserts,
            Je suis dans le vague des airs
            Le char de la nuit qui s’avance.

            Vénus se lève à l’horizon ;
            A mes pieds l’étoile amoureuse.
            De sa lueur mystérieuse
            Blanchit les tapis de gazon.

            De ce hêtre au feuillage sombre
            J’entends frissonner les rameaux :
            On dirait autour des tombeaux
            Qu’on entend voltiger une ombre.

            Tout à coup détaché des cieux,
            Un rayon de l’astre nocturne,
            Glissant sur mon front taciturne,
            Vient mollement toucher mes yeux.

            Doux reflet d’un globe de flamme,
            Charmant rayon, que me veux-tu ?
            Viens-tu dans mon sein abattu
            Porter la lumière à mon âme ?

            Descends-tu pour me révéler
            Des mondes le divin mystère?
            Les secrets cachés dans la sphère
            Où le jour va te rappeler?

            Une secrète intelligence
            T’adresse-t-elle aux malheureux ?
            Viens-tu la nuit briller sur eux
            Comme un rayon de l’espérance ?

            Viens-tu dévoiler l’avenir
            Au coeur fatigué qui t’implore ?
            Rayon divin, es-tu l’aurore
            Du jour qui ne doit pas finir ?

            Mon coeur à ta clarté s’enflamme,
            Je sens des transports inconnus,
            Je songe à ceux qui ne sont plus
            Douce lumière, es-tu leur âme ?

            Peut-être ces mânes heureux
            Glissent ainsi sur le bocage ?
            Enveloppé de leur image,
            Je crois me sentir plus près d’eux !

            Ah ! si c’est vous, ombres chéries !
            Loin de la foule et loin du bruit,
            Revenez ainsi chaque nuit
            Vous mêler à mes rêveries.
            Ramenez la paix et l’amour
            Au sein de mon âme épuisée,
            Comme la nocturne rosée
            Qui tombe après les feux du jour.

            Venez !… mais des vapeurs funèbres
            Montent des bords de l’horizon :
            Elles voilent le doux rayon,
            Et tout rentre dans les ténèbres.

            #142093
            VictoriaVictoria
            Participant
              #145833
              VictoriaVictoria
              Participant

                Milly ou la terre natale (I) – (Extrait)

                Montagnes que voilait le brouillard de l’automne,
                Vallons que tapissait le givre du matin,
                Saules dont l’émondeur effeuillait la couronne,
                Vieilles tours que le soir dorait dans le lointain,

                Murs noircis par les ans, coteaux, sentier rapide,
                Fontaine où les pasteurs accroupis tour à tour
                Attendaient goutte à goutte une eau rare et limpide,
                Et, leur urne à la main, s’entretenaient du jour,

                Chaumière où du foyer étincelait la flamme,
                Toit que le pèlerin aimait à voir fumer,
                Objets inanimés, avez-vous donc une âme
                Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ?…

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