RONSARD, Pierre (de) – Poésies

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  • #146199
    VictoriaVictoria
    Participant

      RONSARD, Pierre (de) – Poésies

      Ciel, air et vents, plains et monts découverts



      Ciel, air et vents, plains et monts découverts,
      Tertres vineux et forêts verdoyantes,
      Rivages torts et sources ondoyantes,
      Taillis rasés et vous bocages verts,

      Antres moussus à demi-front ouverts,
      Prés, boutons, fleurs et herbes roussoyantes,
      Vallons bossus et plages blondoyantes,
      Et vous rochers, les hôtes de mes vers,

      Puis qu’au partir, rongé de soin et d’ire,
      A ce bel oeil Adieu je n’ai su dire,
      Qui près et loin me détient en émoi,

      Je vous supplie, Ciel, air, vents, monts et plaines,
      Taillis, forêts, rivages et fontaines,
      Antres, prés, fleurs, dites-le-lui pour moi.

      #146200
      VictoriaVictoria
      Participant

        Comme on voit sur la branche au mois de may la rose


        Comme on voit sur la branche au mois de may la rose,
        En sa belle jeunesse, en sa premiere fleur,
        Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
        Quand l’Aube de ses pleurs au poinct du jour l’arrose ;

        La grace dans sa feuille, et l’amour se repose,
        Embasmant les jardins et les arbres d’odeur ;
        Mais batue ou de pluye, ou d’excessive ardeur,
        Languissante elle meurt, fueille à fueille déclose.

        Ainsi en ta premiere et jeune nouveauté,
        Quand la Terre et le Ciel honoraient ta beauté,
        La Parque t’a tuee, et cendre tu reposes.

        Pour obseques reçoy mes larmes et mes pleurs,
        Ce vase pleine de laict, ce panier plein de fleurs,
        Afin que vif et mort ton corps ne soit que roses.

        #146201
        VictoriaVictoria
        Participant

          Je n’ay plus que les os, un Schelette je semble


          Je n’ay plus que les os, un Schelette je semble,
          Decharné, denervé, demusclé, depoulpé,
          Que le trait de la mort sans pardon a frappé,
          Je n’ose voir mes bras que de peur je ne tremble.

          Apollon et son filZ deux grans maistres ensemble,
          Ne me sçauroient guerir, leur mestier m’a trompé,
          Adieu plaisant soleil, mon oeil est estoupé,
          Mon corps s’en va descendre où tout se desassemble.

          Quel amy me voyant en ce point despouillé
          Ne remporte au logis un oeil triste et mouillé,
          Me consolant au lict et me baisant la face,

          En essuiant mes yeux par la mort endormis ?
          Adieu chers compaignons, adieu mes chers amis,
          Je m’en vay le premier vous preparer la place.

          #146202
          VictoriaVictoria
          Participant

            Je vous envoye un bouquet que ma main


            Je vous envoye un bouquet que ma main
            Vient de trier de ces fleurs épanies,
            Qui ne les eust à ce vespre cuillies,
            Cheutes à terre elles fussent demain.

            Cela vous soit un exemple certain
            Que vos beautés, bien qu’elles soient fleuries,
            En peu de tems cherront toutes flétries,
            Et comme fleurs, periront tout soudain.

            Le tems s’en va, le tems s’en va, ma Dame,
            Las ! le tems non, mais nous nous en allons,
            Et tost serons estendus sous la lame :

            Et des amours desquelles nous parlons,
            Quand serons morts, n’en sera plus nouvelle :
            Pour-ce aimés moy, ce-pendant qu’estes belle.

            #146203
            VictoriaVictoria
            Participant

              L’An se rajeunissait en sa verte jouvence


              L’an se rajeunissait en sa verte jouvence
              Quand je m’épris de vous, ma Sinope cruelle ;
              Seize ans étaient la fleur de votre âge nouvelle,
              Et votre teint sentait encore son enfance.

              Vous aviez d’une infante encor la contenance,
              La parole, et les pas ; votre bouche était belle,
              Votre front et vos mains dignes d’une Imrnortelle,
              Et votre oeil, qui me fait trépasser quand j’y pense.

              Amour, qui ce jour-là si grandes beautés vit,
              Dans un marbre, en mon coeur d’un trait les écrivit ;
              Et si pour le jourd’hui vos beautés si parfaites

              Ne sont comme autrefois, je n’en suis moins ravi,
              Car je n’ai pas égard à cela que vous êtes,
              Mais au doux souvenir des beautés que je vis.

              #146204
              VictoriaVictoria
              Participant

                Marie, qui voudrait votre beau nom tourner


                Marie, qui voudrait votre beau nom tourner,
                Il trouverait Aimer : aimez-moi donc, Marie,
                Faites cela vers moi dont votre nom vous prie,
                Votre amour ne se peut en meilleur lieu donner.

                S’il vous plaît pour jamais un plaisir demener,
                Aimez-moi, nous prendrons les plaisirs de la vie,
                Pendus l’un l’autre au col, et jamais nulle envie
                D’aimer en autre lieu ne nous pourra mener.

                Si faut-il bien aimer au monde quelque chose :
                Celui qui n’aime point, celui-là se propose
                Une vie d’un Scythe, et ses jours veut passer

                Sans goûter la douceur des douceurs la meilleure.
                Eh, qu’est-il rien de doux sans Vénus ? las ! à l’heure
                Que je n’aimerai point, puissé-je trépasser !

                #146205
                VictoriaVictoria
                Participant

                  Ode à Cassandre


                  En vous donnant ce pourtraict mien
                  Dame, je ne vous donne rien
                  Car tout le bien qui estoit nostre
                  Amour dès le jour le fit vostre
                  Que vous me fistes prisonnier,
                  Mais tout ainsi qu’un jardinier
                  Envoye des presens au maistre
                  De son jardin loüé, pour estre
                  Toujours la grace desservant
                  De l’heritier, qu’il va servant
                  Ainsi tous mes presens j’adresse
                  A vous Cassandre ma maistresse,
                  Corne à mon tout, et maintenant
                  Mon portrait je vous vois donnant :
                  Car la chose est bien raisonnable
                  Que la peinture ressemblable,
                  Au cors qui languist en souci
                  Pour vostre amour, soit vostre aussi.
                  Mais voyez come elle me semble
                  Pensive, triste et pasle ensemble,
                  Portraite de mesme couleur
                  Qu’amour a portrait son seigneur.
                  Que pleust à Dieu que la Nature
                  M’eust fait au coeur une ouverture,
                  Afin que vous eussiez pouvoir
                  De me cognoistre et de me voir !
                  Car ce n’est rien de voir, Maistresse,
                  La face qui est tromperesse,
                  Et le front bien souvent moqueur,
                  C’est le tout que de voir le coeur.
                  Vous voyriés du mien la constance,
                  La foi, l’amour, l’obeissance,
                  Et les voyant, peut estre aussi
                  Qu’auriés de lui quelque merci,
                  Et des angoisses qu’il endure :
                  Voire quand vous seriés plus dure
                  Que les rochers Caucaseans
                  Ou les cruels flos Aegeans
                  Qui sourds n’entendent les prieres
                  Des pauvres barques marinieres.

                  #146206
                  VictoriaVictoria
                  Participant

                    Ode à la Fontaine Bellerie

                    Ô Fontaine Bellerie,
                    Belle fontaine chérie
                    De nos Nymphes, quand ton eau
                    Les cache au creux de ta source,
                    Fuyantes le Satyreau,
                    Qui les pourchasse à la course
                    Jusqu’au bord de ton ruisseau,

                    Tu es la Nymphe éternelle
                    De ma terre paternelle :
                    Pource en ce pré verdelet
                    Vois ton Poète qui t’orne
                    D’un petit chevreau de lait,
                    A qui l’une et l’autre corne
                    Sortent du front nouvelet.

                    L’Été je dors ou repose
                    Sur ton herbe, où je compose,
                    Caché sous tes saules verts,
                    Je ne sais quoi, qui ta gloire
                    Enverra par l’univers,
                    Commandant à la Mémoire
                    Que tu vives par mes vers.

                    L’ardeur de la Canicule
                    Ton vert rivage ne brûle,
                    Tellement qu’en toutes parts
                    Ton ombre est épaisse et drue
                    Aux pasteurs venant des parcs,
                    Aux boeufs las de la charrue,
                    Et au bestial épars.

                    Iô ! tu seras sans cesse
                    Des fontaines la princesse,
                    Moi célébrant le conduit
                    Du rocher percé, qui darde
                    Avec un enroué bruit
                    L’eau de ta source jasarde
                    Qui trépillante se suit.

                    #146207
                    VictoriaVictoria
                    Participant

                      Quand je suis vingt ou trente mois


                      Quand je suis vingt ou trente mois
                      Sans retourner en Vendômois,
                      Plein de pensées vagabondes,
                      Plein d’un remords et d’un souci,
                      Aux rochers je me plains ainsi,
                      Aux bois, aux antres et aux ondes.

                      Rochers, bien que soyez âgés
                      De trois mil ans, vous ne changez
                      Jamais ni d’état ni de forme ;
                      Mais toujours ma jeunesse fuit,
                      Et la vieillesse qui me suit,
                      De jeune en vieillard me transforme.

                      Bois, bien que perdiez tous les ans
                      En l’hiver vos cheveux plaisants,
                      L’an d’après qui se renouvelle,
                      Renouvelle aussi votre chef ;
                      Mais le mien ne peut derechef
                      R’avoir sa perruque nouvelle.

                      Antres, je me suis vu chez vous
                      Avoir jadis verts les genoux,
                      Le corps habile, et la main bonne ;
                      Mais ores j’ai le corps plus dur,
                      Et les genoux, que n’est le mur
                      Qui froidement vous environne.

                      Ondes, sans fin vous promenez
                      Et vous menez et ramenez
                      Vos flots d’un cours qui ne séjourne ;
                      Et moi sans faire long séjour
                      Je m’en vais, de nuit et de jour,
                      Au lieu d’où plus on ne retourne.

                      Si est-ce que je ne voudrois
                      Avoir été rocher ou bois
                      Pour avoir la peau plus épaisse,
                      Et vaincre le temps emplumé ;
                      Car ainsi dur je n’eusse aimé
                      Toi qui m’as fait vieillir, Maîtresse.

                      #146208
                      VictoriaVictoria
                      Participant

                        Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle


                        Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
                        Assise aupres du feu, devidant et filant,
                        Direz, chantant mes vers, en vous esmerveillant :
                        Ronsard me celebroit du temps que j’estois belle.

                        Lors, vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
                        Desja sous le labeur à demy sommeillant,
                        Qui au bruit de mon nom ne s’aille resveillant,
                        Benissant vostre nom de louange immortelle.

                        Je seray sous la terre et fantaume sans os :
                        Par les ombres myrteux je prendray mon repos :
                        Vous serez au fouyer une vieille accroupie,

                        Regrettant mon amour et vostre fier desdain.
                        Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
                        Cueillez dés aujourd’huy les roses de la vie.

                        #146209
                        VictoriaVictoria
                        Participant

                          Te regardant assise auprès de ta cousine


                          Te regardant assise auprès de ta cousine,
                          Belle comme une Aurore, et toi comme un Soleil,
                          Je pensai voir deux fleurs d’un même teint pareil,
                          Croissantes en beauté, l’une à l’autre voisine.

                          La chaste, sainte, belle et unique Angevine,
                          Vite comme un éclair sur moi jeta son oeil.
                          Toi, comme paresseuse et pleine de sommeil,
                          D’un seul petit regard tu ne m’estimas digne.

                          Tu t’entretenais seule au visage abaissé,
                          Pensive toute à toi, n’aimant rien que toi-même,
                          Dédaignant un chacun d’un sourcil ramassé.

                          Comme une qui ne veut qu’on la cherche ou qu’on l’aime.
                          J’eus peur de ton silence et m’en ahai tout blërne,
                          Craignant que mon salut n’eût ton oeil offensé.

                          #142143
                          VictoriaVictoria
                          Participant
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