CARNOY, Henri – Le Merle blanc

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        CARNOY, Henry – Le Merle blanc

        Un roi assez vieux avait trois fils. Les deux aînés étaient méchants, emportés, brutaux même. Quant au cadet, il était doux, mais assez simple d'esprit. Un certain jour, le roi les rassembla tous trois et leur dit :
        – On m'a assuré qu'à cinquante lieues d'ici, dans une grande forêt, il y a une bête merveilleuse qu'on nomme le merle blanc. Cette bête a le pouvoir de rajeunir celui qui peut la posséder. Me voilà avancé en âge : si donc quelqu'un pouvait m'apporter cette bête merveilleuse, je suis disposé à l'en récompenser par ma couronne.
        L'aîné, prenant alors la parole, demanda à son père de le laisser aller à la recherche du merle blanc et déclara qu'il ne reviendrait point sans l'avoir trouvé.
        Le roi lui fit donner des armes, un bon cheval et de l'argent, et le laissa partir.
        Après avoir marché bien longtemps, il arriva dans une grande et belle ville, où régnait alors un roi débonnaire et ami du plaisir. Le prince, bien acceuilli par les habitants qui le voyaient porteur d'un beau sac rempli d'or, ne tarda pas à être introduit au milieu de la cour dissipée du roi régnant. De sorte que, un an après son départ, il n'était pas encore de retour.
        Voyant cela, le second des fils du roi partit à la recherche du fameux merle blanc, emportant comme son frère un beau cheval, des armes et de l'or. Il lui arriva les mêmes aventures qu'à son frère, qu'il rencontra, dépouillé de tout, dans la ville des plaisirs. Malgré cet exemple, il y mena une vie dissipée, oubliant complètement et son père et la couronne promise à celui qui pourrait ramener le grand merle blanc. De sorte qu'un an après son départ le roi n'en avait encore reçu aucune nouvelle.

        Alors le cadet dit à son père :
        – Sire, si vous me le permettez, j'irai, moi aussi, à la recherche de la bête merveilleuse, et, Dieu aidant, j'espère vous revenir avant trois mois. Faites-moi donner un peu d'argent. Je n'ai pas besoin d'armes et de cheval pour faire ce voyage. C'est à ma bonne étoile que je remets le soin de mon succès.
        Après quelques difficultés, le roi laissa partir son dernier fils.
        Cinq jours après avoir quitté le palais de son père, le prince traversait une forêt lorsqu'il entendit les cris d'une bête. Courir dans cette direction et arriver auprès d'un renard pris au piège fut pour lui l'affaire d'un instant. Emu de pitié, le jeune prince débarrassa le renard, qui le remercia en lui disant :
        – Ecoute, tu m'as sauvé la vie. Pour te récompenser de ton bon coeur, je me mets à ta disposition ; quand tu auras besoin de mon assistance, tu diras : « Renard, renard, passe monts et vallées, j'ai besoin de ton secours. » Je viendrai, et il n'est point de chose qui puisse me résister. Je sais que tu vas pour t'emparer du merle blanc. Il se trouve à deux lieues d'ici, à cent pas de la grosse tour de la ville. Il est dans une grotte gardée par deux dragons. Pour endormir ces bêtes, tu prendras seize pains de quatre livres et deux oies. Tu mettras tremper les pains dans l'eau-de-vie et tu iras près de la grotte jeter ces provisions aux dragons. Une heure après, le merle blanc sera en ta possession. Cours, et surtout fait diligence. Un dernier conseil : ne rends service à personne avant que je ne t'aie revu. Adieu !
        Ayant ainsi parlé, le renard disparut dans la profondeur du bois.

        Resté seul, le prince continua sa route et arriva bientôt aux portes de la ville où sa mise simple ne le fit pas remarquer. Ayant entendu le bruit de la trompette dans une rue voisine, il s'y rendit et y vit une nombreuse populace entourant les officiers du roi, qui annonçaient l'exécution pour le lendemain matin de deux princes étrangers coupables de haute trahison.
        Le jeune homme ne douta pas que ce ne fussent ses deux frères. Il alla acheter les pains, les oies et l'eau-de-vie qui lui étaient nécessaires, et partit pour rejoindre la grosse tour de la ville. il y arriva, compta cent pas en allant droit devant lui et trouva effectivement la grotte du merle blanc. Une grande odeur de soufre le suffoqua, mais il s'approcha et jeta aux dragons les provisions qu'il avait apportées. Une heure après, le fameux merle blanc était en sa possession. C'était un oiseau gigantesque, dont les ailes brillaient comme le soleil.

        – Que veux-tu de moi ? demanda l'oiseau ; parle ! je suis à tes ordres.
        – Je voudrais d'abord que tu me fasses délivrer mes deux frères qui sont prisonniers du roi.
        – Soit ! monte sur mon cou et je t'y conduirai.
        Ce disant, le merle blanc se rapetissa tellement qu'il ne parut pas plus gros qu'un coq. Le prince enfourcha ce nouveau coursier et se trouva bientôt au milieu de ses frères, qu'il enleva au nez de leurs gardiens ébahis.
        Malgré le bon service que venait de leur rendre leur cadet, les deux princes ne songèrent, aussitôt libres, qu'à s'emparer de la bête merveilleuse.
        – As-tu vu dit l'un, la belle carrière d'or qui se trouve là-bas ?
        – Non, je n'ai pas songé à la regarder en passant.
        – Alors, venez la voir.
        Et les trois frères de s'approcher du gouffre. Pendant que le cadet se penchait pour mieux voir, il fut poussé par ses deux frères et tomba au fond de la mine.

        Lorsqu'il revint à lui, il songea au renard qu'il avait sauvé et se mit à crier :
        – Renard, renard, passe monts et vallées, j'ai besoin de ton secours !
        Ces mots étaient à peine prononcés que déjà le renard était auprès de lui, et, en léchant les plaies que lui avait faites sa chute au fond du souterrain, le guérit complètement.
        – Maintenant que te voilà guéri, lui dit le renard, il te reste à sortir du trou. A cet effet, tu vas te tenir à ma queue et je te remonterai. Ne t'avise pas de lâcher ma queue, car ce serait à recommencer. Tiens-toi bien, je monte !
        Et le renard monta en l'air, traînant après lui le prince cramponné à sa queue. Le renard allait atteindre le bord du gouffre lorsque le prince, fatigué, lâcha le renard et retomba tout meurtri au fond du gouffre.
        Le renard revint trouver le jeune prince, le ranima et lui fit recommencer l'ascension du souterrain.
        Cette fois, le prince arriva heureusement en terre ferme.
        Après avoir remercié le renard des services qu'il lui avait rendus, le jeune prince s'en alla rejoindre le château de son père.

        Avant d'y arriver, il se vêtit d'un habit de garçon de ferme, se teignit le visage et vint demander au roi son père, qui ne le reconnut pas sous ses habits d'emprunt, de lui donner la garde du merle blanc que ses deux frères avaient rapporté, comme leur conquête. Il fut accepté.
        Il appris que le merle blanc avait déclaré au roi qu'il ne le rajeunirait pas si on ne lui amenait sur le champ celui qui l'avait conquis sur les deux dragons. Les deux princes avaient dit à leur père que c'étaient eux-mêmes qui avaient pris la bête, et que c'était pour se venger que le merle blanc disait que ce n'étaient pas eux qui l'avaient pris.
        Dès que le jeune prince fut entré dans la salle où se trouvait le merle blanc, il vit l'oiseau s'abaisser et lui commander de monter sur son cou, ce qu'il fit. Une seconde après, tous deux étaient dans la salle du roi à qui ils racontèrent les supercheries des deux princes.
        Outré de colère, le roi fit dresser deux bûchers dans la cour du palais, y fit lier ses deux fils aînés et les fit brûler vifs. Puis il prit sa couronne et la donna au jeune prince.
        Un instant après, le vieux roi était redevenu jeune, grâce au fameux merle blanc.

        Henry Carnoy, Contes, récits et légendes des pays de France

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