CONAN DOYLE, Arthur – L’Aventure de l’homme qui rampait et grimpait

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    CONAN DOYLE, Arthur – L'Aventure de l'homme qui rampait et grimpait
    Traduction : Carole.

    Sherlock Holmes m’avait toujours encouragé à relater les faits reliés à la singulière aventure du professeur Presbury, n’aurait-ce été que pour dissiper les folles rumeurs qui avaient troublé la quiétude de l’université de Londres quelque vingt années auparavant, et avaient retenti jusque dans les cercles les plus érudits de la société londonienne. Il existait cependant quelques obstacles à ces révélations, et c’est ainsi que la véritable histoire de cette curieuse affaire resta très longtemps enfermée dans l’une des nombreuses boîtes à archives de Baker Street. Certaines objections étant aujourd’hui levées, je puis – non sans toutefois une certaine prudence et les quelques précautions qu’exige la révélation de cette affaire au grand public – exposer les détails de ce qui fut l’une des dernières enquêtes de Sherlock Holmes, avant qu’il ne se résigne à prendre sa retraite.

    Nous étions au soir de l’un des dimanches du début du mois de septembre de l’année 1903, lorsque me parvint l’une des expéditives dépêches coutumières à mon ami :
     
    Venez immédiatement si possible – si impossible venez tout de même. S. H.

    Les relations qui subsistaient alors entre nous étaient quelque peu singulières. Holmes était un homme d’habitude, d’habitudes rigoureuses et rigides, et je m’étais mué en l’une d’elles. J’étais devenu, au même titre que son violon, son tabac, sa vieille pipe noire, son glossaire consacré à ses enquêtes, au même titre que d’autres encore peut-être moins avouables, une sorte d’institution. En période de réflexion active, j’étais devenu le roc indispensable auquel s’appuyait mon ami. Mais j’avais également une toute autre fonction. J’étais la muse du détective. Ma présence stimulait ses capacités. Il aimait à se livrer à voix haute à ses réflexions en ma présence. Bien que celles-ci ne me fussent guère destinées – elles auraient pu tout aussi bien s’adresser à son violon –, je semblais néanmoins, en vertu de ma transmutation, participer davantage à l’évolution de ses réflexions que si j’y avais réellement pris part. Bien que je l’irritasse habituellement par une certaine lenteur dans mes raisonnements, cet aspect semblait au contraire profiter à son esprit sagace, qui extrayait d’autant plus remarquablement les évidences nécessaires au dénouement de ses enquêtes. Voilà donc en quoi consistait mon modeste rôle au sein de notre association.

    Lorsque je parvins à son domicile de Baker Street, je le trouvais lové dans un fauteuil, les genoux ramassés sous le corps, fumant sa pipe, les sourcils hauts et figés en signe d’intense réflexion. Il semblait évidemment en proie à un problème des plus contrariants. Il me désigna un fauteuil d’un geste de la main, puis sembla oublier ma présence durant une demi-heure. Enfin, dans un sursaut, il s’extirpa lui-même de sa rêverie, et, venant à moi avec un sourire familier, il me souhaita la bienvenue au sein de cet appartement que j’avais jadis partagé.

    « Vous voudrez bien excuser une certaine distraction de l’esprit, mon cher Watson », me dit-il. « Des faits curieux m’ont été rapportés au cours des dernières vingt-quatre heures, et ceux-ci ont donné lieu à diverses divagations d’un ordre plus général… J’ai la ferme intention, Watson, de me livrer prochainement à la rédaction d’une monographie traitant de l’utilité canine dans les activités du détective. »

    « Mais, Holmes, ce thème a déjà été exploré, il me semble », dis-je. « Chiens policiers, chiens de recherche… »

    « Non, non, Watson, ces aspects de leur utilité sont, bien sûr, évidents. Mais d’autres sont bien plus subtils. Peut-être vous souvenez-vous de l’affaire que vous aviez intitulée, avec cette virtuosité qui vous est coutumière, « Les Hêtres pourpres », et dans laquelle j’ai pu, grâce à une observation du caractère de l’enfant, parvenir à déceler dans l’apparence si paisible et si respectable du père l’instinct criminel ? »

    « Oui, je m’en souviens très bien. »

    « Mon raisonnement envers les représentants de la race canine est analogue. Le caractère d’un chien reflète celui de sa famille. Qui donc a déjà vu un chien joyeux au sein d’une famille lugubre, ou au contraire, un animal abattu au sein d’une famille heureuse ? La hargne de l’homme est celle du chien, Watson, les hommes dangereux ont des chiens dangereux. Et l’humeur instable des uns reflète l’instabilité d’humeur des autres. »

    Je secouai la tête.

    « Tout ceci me semble, Holmes, quelque peu trop extrapolé », dis-je.

    Holmes s’était levé, avait bourré sa pipe et repris tranquillement sa place dans son fauteuil, sans avoir prêté la moindre attention à mes paroles.

    « L’application pratique de ce que j’avance est très proche de la solution du problème auquel nous sommes confrontés. Notre écheveau est très emmêlé, voyez-vous, et je cherche une solution pour le débrouiller – l’une de ces solutions étant peut-être la réponse à cette question : pourquoi Roy, le chien-loup du professeur Presbury, veut-il mordre son propre maître ? »

    Je me rejetais en arrière contre le dossier de ma chaise dans un geste de désappointement. Etait-ce là la raison pour laquelle j’avais été si subitement arraché à mes obligations ? Holmes me jeta un regard pénétrant.

    « Toujours le même, Watson ! », dit-il. « Vous n’admettrez donc jamais que l’explication des conséquences les plus inextricables puisse reposer sur l’observation des causes les plus simples ? N’est-il pas des plus étranges qu’un philosophe renommé, respectable tel que le professeur Presbury – vous avez entendu parler du professeur Presbury, n’est-ce pas Watson ?, un physiologiste renommé de Camford – qu’un homme tel que lui, dis-je, dont le chien-loup est le plus fidèle et le plus dévoué ami, soit devenu par deux fois la cible des attaques de son propre chien ? Hum, qu’en pensez-vous, Watson ? »

    « Que le chien est malade. »

    « Oui, c’est une possibilité. Mais le chien n’a jamais attaqué personne en dehors du professeur, et il ne semble vouloir s’en prendre à son propre maître qu’en des circonstances bien particulières. Curieux, Watson, très curieux. Mais le jeune Monsieur Bennett est en avance, si c’est bien lui qui sonne présentement à la porte. J’avais espéré pouvoir m’entretenir plus longuement avec vous avant son arrivée. »

    Un pas alerte résonna dans l’escalier. Deux petits coups secs furent frappés à la porte et, un instant plus tard, notre nouveau client faisait son apparition. C’était un grand et beau jeune homme âgé d’une trentaine d’années, élégamment habillé, mais quelque chose dans sa tournure évoquait davantage une certaine réserve estudiantine que l’assurance confiante coutumière aux jeunes gens mondains. Il salua Holmes d’une vigoureuse poignée de main, et me considéra pendant quelque temps avec surprise.

    « Cette affaire est des plus délicates, Monsieur Holmes », dit-il en s’adressant à mon ami. « En vertu des relations, tant d’ordre public que privé, que j’entretiens avec le professeur Presbury, je ne puis décemment pas me permettre d’exposer cette affaire devant une tierce personne. »

    « N’ayez crainte, Monsieur Bennett. Le docteur Watson est la discrétion même, et je puis vous assurer que c’est une affaire dans laquelle il se pourrait que j’aie besoin de l’aide d’un collaborateur. »

    « Très bien, Monsieur Holmes. Vous comprenez, j’en suis certain, les raisons qui me poussent à émettre une certaine réserve quant à la divulgation de cette affaire. »

    « Sachez, Watson, que ce gentleman, Monsieur Trevor Bennett, est l’assistant attitré du grand professeur Presbury, qu’il vit sous le même toit et est fiancé à sa fille unique. Nous pouvons donc concevoir que le professeur attende de sa part la plus grande loyauté et le plus complet dévouement. Peut-être ceux-ci devront-ils d’ailleurs lui être prouvés par le biais de l’élucidation de cette étrange affaire. »

    « Je l’espère de tout cœur, Monsieur Holmes. C’est là mon vœu le plus cher. Le docteur Watson est-il au fait de la situation ? »

    « Je n’ai pas encore eu le temps de la lui exposer. »

    « Dans ce cas mieux me vaut la résumer, avant de porter à votre connaissance des faits nouveaux. »

    « Permettez-moi de la résumer pour vous », dit Holmes. « Ceci afin de vous prouver que j’ai bien en mémoire l’ensemble des événements, dans leur ordre respectif d’apparition. Le professeur Presbury est, Watson, un homme de réputation européenne, au mode de vie académique. Il ne fut jamais par le passé mêlé à la moindre affaire sortant de l’ordinaire. Veuf, il vit avec sa fille unique, Edith. Je le suppose d’un tempérament à la fois énergique et pratique, ce qui peut parfois être assimilé chez certains à une certaine pugnacité de caractère. Voici quelle était la description du professeur et de son mode de vie il y a encore à peine quelques mois.
    Survint alors un événement inattendu, qui vint fortement perturber le cours de son existence. Alors âgé de soixante-et-un an, il tomba éperdument amoureux de la fille de l’un de ses éminents confrères, le professeur Morphy, enseignant en chaire d’anatomie comparative. Ce n’était pas là, d’après ce que Monsieur Bennett a pu laisser entendre, le choix raisonné convenant à un homme de son âge, mais bien celui lié à l’emportement fougueux d’une jeunesse passée. Il n’aurait pu se montrer plus pressant et exalté à l’égard de cette jeune personne. Celle-ci, de son nom Alice Morphy, était aussi attrayante au physique qu’au mental, ce qui fournissait toutes les excuses du monde aux élans passionnés du professeur, lequel ne se heurta pas néanmoins à quelques objections, au sein même de sa propre famille. »

    « Nous trouvions cette passion soudaine quelque peu précipitée », dit notre visiteur.

    « Exactement. Quelque peu excessive. Trop ardente et contraire à l’ordre des choses. La fortune du professeur Presbury étant cependant d’un montant considérable, le père de la jeune dame ne formula aucune objection à la conclusion de ce mariage. Mais la jeune lady nourrissait pour sa part d’autres espérances, et plusieurs prétendants, bien moins reluisants d’un point de vue purement matérialiste certes, lui apparurent cependant davantage dignes de briguer sa main car, bien qu’elle semblât s’être accommodée des différentes excentricités du professeur, la différence d’âge qui subsistait entre eux continua de constituer pour elle un obstacle insurmontable.
    Ce fut à partir de cet instant que certains faits inhabituels s’insinuèrent dans l’existence routinière du professeur. Il commença à agir d’une manière qui ne lui était pas coutumière. Il disparut tout d’abord subitement de sa demeure sans avoir au préalable informé son entourage du lieu où il se rendait. Son absence dura quinze jours. Il réapparut en état de fatigue intense, comme au sortir d’un long et pénible voyage. Il ne fit aucune allusion à l’endroit où il avait passé ces quinze jours, bien qu’il se montrât d’ordinaire le moins secret des hommes. Le hasard voulut que notre client, Monsieur Bennett ici présent, reçoive une lettre d’un étudiant de Prague, dans laquelle celui-ci évoquait le plaisir qu’il avait eu de rencontrer récemment le professeur Presbury en ville, regrettant toutefois de n’avoir pu lui parler. Ce fut de cette façon que l’entourage du professeur apprit où il s’était rendu.
    Venons-en à présent aux événements récents qui préoccupent davantage Monsieur Bennett. A partir de ce jour, certains changements profonds apparurent dans la personnalité du professeur. Il devint secret et méfiant. Les membres de son entourage avaient l’étrange impression qu’il n’était plus l’homme qu’ils avaient jusqu’alors connu, qu’il agissait sous l’impulsion d’une volonté autre, qui annihilait ses capacités propres. Non pas qu’il devint moins brillant intellectuellement – il assurait toujours ses conférences avec la même compétence -, mais quelque chose de différent, de sinistre et d’inattendu transparaissait dans ses gestes quotidiens. Sa fille tenta, à force de patience et de dévouement, de restaurer la confiance de leurs anciennes relations, mais en vain. Elle ne put pénétrer le voile dont son père semblait s’être recouvert. Vos tentatives, Monsieur, n’ont, si j’ai bien compris, pas rencontré davantage de succès.
    A présent, jeune homme, racontez en vos propres termes l’épisode des lettres. »

    « Je dois au préalable vous signifier, docteur Watson, que le professeur n’avait aucun secret pour moi. Il n’aurait pu avoir plus entière confiance en moi qu’en son fils même, ou qu’en un jeune frère. En tant que secrétaire particulier, je tenais à jour sa correspondance, que j’avais coutume d’ouvrir et de classer. Mais, peu après qu’il fût revenu de son voyage inexpliqué, notre relation fut changée. Il m’informa qu’il se pourrait que certaines lettres lui parviennent de Londres, et que celles-ci seraient marquées d’une croix apposée immédiatement sous le timbre. Il m’ordonna de mettre ces enveloppes ainsi marquées de côté à son intention, sans les ouvrir.
    Plusieurs de ces lettres me parvinrent en effet. Toutes portaient les initiales E.C., et l’adresse de notre demeure y était invariablement inscrite d’une écriture peu assurée. J’ignore si le professeur répondit à ces lettres, toujours est-il qu’aucune réponse ne passa entre mes mains, ni ne fut déposée dans le bac à courrier d’où toute la correspondance de la maison est expédiée. »

    « N’oubliez pas de mentionner l’existence de la boîte », dit Holmes.

    « Ah oui, la boîte. Le professeur rapporta de son voyage une petite boîte en bois, qui suggérait qu’il s’était rendu sur le continent, car elle rappelait en effet les anciennes sculptures pratiquées à la mode d’Allemagne. Il la rangea dans l’armoire où il entreposait ses instruments. En cherchant, un jour, après une canule, je déplaçai par mégarde la fameuse boîte. Le professeur s’en aperçut et entra, à ma grande surprise, dans une colère effroyable. Il me reprocha en des termes frôlant la grossièreté ma curiosité. C’était la première fois que cela se produisait, et j’en fus profondément blessé. Je tentai d’expliquer que c’était par pur accident que j’avais déplacé la boîte, que je n’en avais pas examiné le contenu, mais il n’en fut pas je crois convaincu, car il ne cessa de m’observer durant le reste de la soirée avec défiance et colère. »

    Monsieur Bennett sortit un petit calepin de sa poche.

    « Ceci se passait le 2 juillet », dit-il.

    « Vous êtes réellement un observateur hors pair ! », s’exclama Holmes. « Les dates que vous avez recensées nous seront certainement très utiles. »

    « Mon travail aux côtés du grand professeur Presbury m’a enseigné, entre autres choses, l’organisation.
    A compter de l’instant où j’ai commencé à observer quelques faits inhabituels dans les agissements du professeur, j’ai considéré qu’il était de mon devoir de m’en préoccuper. J’ai ainsi noté que ce fut lors de ce même jour, le 2 juillet, que survint la première attaque de Roy à l’encontre de son maître. Celui-ci venait de quitter son bureau et se trouvait dans le hall d’entrée. Une nouvelle attaque de Roy à l’encontre du professeur survint en date du 11 juillet, puis à nouveau en date du 20 juillet. Après cela, il fallut attacher Roy à l’écurie. C’est pourtant un animal des plus dévoués et affectionnés… Hum ! Pardonnez-moi si je vous ennuie ! »

    Cette dernière phrase avait été prononcée par Monsieur Bennett sur un ton de reproche. Il lui était apparu évident que Holmes, le visage figé et les yeux fixés au plafond, ne l’écoutait plus. Mon ami s’arracha non sans effort à sa rêverie.

    « Etrange ! Très étrange ! », murmura-t-il. « Ces détails sont nouveaux pour moi, Monsieur Bennett. Je crois que nous venons de franchir une première étape. Mais vous parliez d’événements nouveaux ? »

    Le visage de notre visiteur s’assombrit au souvenir d’un événement particulièrement sinistre.

    « L’événement auquel je fais allusion s’est produit au cours de l’avant-dernière nuit », dit-il. « Je me trouvais allongé dans mon lit aux environs de deux heures, quand, soudain, je sursautai au son de pas à la fois pesants et feutrés qui se manifestèrent dans le corridor. Je courus à la porte de ma chambre et jetai un œil dans le couloir. Je me dois au préalable de vous situer la chambre du professeur qui se trouve au bout du corridor… »

    « La date de cet événement ? » , interrompit Holmes.

    Notre visiteur, en apparence agacé par cette interruption inopportune, répondit cependant :

    « J’ai dit, Monsieur, que cela se passait l’avant-dernière nuit, soit en date du 4 septembre. »

    Holmes hocha la tête et sourit.

    « Continuez, je vous en prie », dit-il.

    « Le professeur dormant au fond du couloir, il avait à passer devant ma chambre pour atteindre l’escalier qui menait au rez-de-chaussée. Ce fut, Monsieur Holmes, la vision la plus terrifiante de ma vie. Je passe pour être, aux dires de mon entourage, un jeune homme de sang froid, mais ce qui s’offrit à ma vue me glaça le sang. Le couloir était plongé dans l’obscurité la plus profonde, seul un rayon de lumière s’échappant d’une fenêtre unique en éclairait faiblement un pan de mur. Je pouvais entendre que quelque chose s’avançait dans le couloir ; ce fut alors qu’une forme sombre, rampante, émergea soudain dans la lumière. C’était lui ! C’était le professeur. Et il rampait. Il rampait, Monsieur Holmes ! Mais il ne se traînait pas à quatre pattes, je veux dire sur les mains et les genoux, mais marchait en quelque sorte en appui sur ses mains et sur ses pieds, le dos voûté et la tête dans le prolongement de l’échine. Et cependant il semblait se mouvoir avec agilité ! Je demeurai si stupéfait à cette vue que ce ne fut que lorsqu’il se trouva devant ma porte que je m’avançai enfin vers lui et lui demandai s’il avait besoin d’aide. Sa réaction fut immédiate. Il sauta sur ses pieds, me lança un juron tonitruant, puis se rua dans l’escalier.
    J’attendis pendant près d’une heure, mais il ne revint pas. Le jour se leva probablement avant qu’il n’ait regagné sa chambre. »

     « Eh bien, Watson, que dites-vous de cela ? », demanda Holmes en s’adressant à moi de l’air d’un confrère soumettant à mes observations une découverte pour le moins extraordinaire.

    « Peut-être un lombago… Il m’est arrivé d’assister à la survenue de certaines crises qui ne se soulagent chez le sujet concerné que par ce type de déambulation – crises qui provoquent par ailleurs immanquablement la plus grande irritabilité dudit sujet. »

    « Bien raisonné, Watson ! Vous avez le mérite de garder en toutes circonstances les pieds sur terre. Mais nous ne pouvons guère valider cette hypothèse du lombago : j’y vois pour objection majeure que le sujet s’est soudainement remis droit sur ses pieds. »

    « Le professeur ne m’avait jamais semblé en meilleure forme », dit Bennett. « En réalité, bien plus qu’il ne l’a jamais été. Mais ce sont là les faits, Monsieur Holmes. Aujourd’hui, nous ne savons plus vers qui nous tourner… La police n’interviendra pas devant pareil cas, et notre pressentiment est que nous courons au désastre si nous ne faisons rien. Edith – Miss Presbury – partage mon sentiment, et pense tout comme moi que nous ne devons pas rester passifs plus longtemps. »

    « Voici bien certainement un cas des plus curieux et des plus intéressants. Qu’en pensez-vous, Watson ? »

    « D’un point de vue médical », dis-je, « je pencherais pour un cas psychiatrique. Les capacités cérébrales de ce respectable gentleman se trouvèrent sans nul doute altérées lors de la mise en œuvre du processus amoureux. Il tenta de s’éloigner au cours d’un voyage dans l’espoir de rompre le processus – espérant qu’à distance sa passion s’estomperait. Quant aux lettres et à la boîte, elles pourraient tout aussi bien se rapporter à quelque affaire privée – à un prêt consenti, peut-être, ou à des titres de bourse, que contiendrait la boîte. »

    « Et le chien-loup montre sans aucun doute, en tentant de s’attaquer à son maître, sa désapprobation quant aux transactions financières opérées. Non, non, Watson, il s’agit d’autre chose. A présent, je vous suggère… »

    Ce qu’envisageait de nous suggérer Sherlock Holmes ne fut jamais connu, car à cet instant la porte s’ouvrit précipitamment, et une jeune fille entra dans la pièce. Dès qu’elle fit son apparition, Monsieur Bennett laissa échapper un cri de surprise et se précipita vers elle les mains tendues, pour rejoindre celles qu’elle-même tendait déjà dans sa direction.

    « Edith, ma chérie ! Rien de grave, j’espère ? »

    « J’ai préféré m’éloigner quelque temps de la maison. Oh !, Jack, j’ai eu si peur ! Il est si horrible de rester là-bas toute seule ! »

    « Monsieur Holmes, voici la jeune femme dont je vous ai parlé tout à l’heure. Voici ma fiancée. »

    « Nous en venions graduellement à cette conclusion, n’est-ce pas, Watson ? », dit Holmes dans un sourire. « Je suppose, Miss Presbury, que votre présence ici sous-entend la survenue de nouveaux rebondissements dans cette affaire, et que vous avez songé que ceux-ci se devaient d’être portés à notre connaissance ? »

    Notre nouvelle venue, une ravissante beauté du type anglais le plus conventionnel, acquiesça dans un sourire et prit place auprès de Monsieur Bennett.

    « Lorsque je me suis aperçue que Monsieur Bennett avait quitté l’hôtel, j’ai bien songé que je le trouverais probablement ici. Il m’avait informée du fait qu’il avait pour projet de vous consulter. Mais, oh !, Monsieur Holmes, pouvez-vous quelque chose pour mon pauvre père ? »

    « J’en ai l’espoir, Miss Presbury, bien que cette affaire me semble très obscure. Mais peut-être vos révélations l’éclaireront-elle d’un rai de lumière ? »

    « Cela se passa la nuit dernière, Monsieur Holmes. Mon père s’était une nouvelle fois comporté de la façon la plus étrange durant le jour – je suppose qu’il ne conserve alors aucun souvenir de ses agissements, mon père semblant lors de ces épisodes vivre un rêve éveillé. Il en alla de même hier. Je n’avais plus l’impression que ce fut mon père avec lequel je vivais. Bien que son enveloppe corporelle se trouvât bien là devant moi, son esprit me semblait ailleurs… »

    « Décrivez-moi ce qui est arrivé. »

    « Je fus réveillée dans la nuit par les aboiements furieux du chien. Pauvre Roy, il demeure maintenant enchaîné à l’écurie. Je dois préciser que je dors toujours la porte fermée, le verrou mis, car, comme vous l’a précisé Jack – Monsieur Bennett ici présent -, nous avons le sentiment qu’un danger imminent nous guette. Ma chambre est située au second étage.
    Hier les stores des vitres de ma fenêtre étaient relevés. Le ciel était dégagé, et une lumière diffuse filtrait de la lune au dehors. Lorsque, à l’affût des aboiements frénétiques du chien, mes yeux se portèrent par hasard à la fenêtre, quelle ne fut pas ma stupeur en apercevant le visage de mon père appuyé à l’une des vitres ! Oh !, Monsieur Holmes, j’ai cru mourir de terreur ! Quelle vision affreuse ! Son visage se pressait tout contre la fenêtre de ma chambre, et l’une de ses mains levée semblait vouloir en pousser la vitre… Si la fenêtre s’était trouvée ouverte, je serais sans doute morte de peur, ou tout au moins aurais sombré dans la folie. Mais ce n’était pas une illusion, Monsieur Holmes, je puis vous l’affirmer. Je restai immobile durant une vingtaine de secondes, paralysée par la peur, considérant avec horreur le visage de mon père collé à la fenêtre. Celui-ci s’évanouit alors, et je demeurai là, incapable de quitter mon lit et de me rendre à la fenêtre afin de tenter de comprendre où il était passé. Je restai glacée et tremblante jusqu’au matin.
    Je le trouvai au petit-déjeuner nerveux et défiant. Il ne fit pas la moindre allusion aux événements de la nuit passée. Je conservai également le silence, résolus cependant de trouver un prétexte pour me rendre en ville – et me voici. »

    Le récit de la jeune fille sembla susciter chez Holmes le plus grand étonnement. Il lui demanda pensivement :

    « Ma chère enfant, vous avez dit que votre chambre se situait au second étage. Se trouve-t-il une échelle de grande hauteur quelque part dans le jardin ? »

    « Non, Monsieur Holmes. Et voici bien le plus étrange de toute cette histoire. Il n’existe aucun moyen d’atteindre mes fenêtres – et pourtant mon père y est parvenu ».

    « Cet événement s’est donc produit le 5 septembre », dit Holmes. « Voilà qui complique notre affaire. »

    La jeune fille se tourna vers lui avec surprise.

    « Voici la seconde fois que vous faites allusion aux dates, Monsieur Holmes », dit Bennett. « Serait-il possible que celles-ci aient un quelconque rapport avec les agissements du professeur Presbury ? »

    « C’est possible – c’est fort possible – bien que je n’aie pas encore en main l’ensemble des éléments nécessaires à la conclusion de cette affaire. »

    « Peut-être songez-vous aux possibles incidences des cycles lunaires sur le comportement humain ? »

    « Non, en réalité, ma pensée suit un raisonnement d’un autre ordre. Vous serait-il possible de me confier votre calepin pour quelques temps, afin que je puisse en examiner avec soin les dates que vous y avez reportées ? A présent, Watson, vous savez ce qu’il nous reste à faire. Il semble à cette jeune fille – et j’ai la plus grande confiance en ses impressions – que son père ne se souvienne pas de l’ensemble de ses agissements à certains moments bien précis. Nous allons mettre à profit ces supposées absences du professeur pour le rencontrer et lui affirmer qu’il nous avait donné rendez-vous durant l’un de ces moments d’égarement de l’esprit. Il mettra sur le compte de ses récents troubles de mémoire cet oubli. Nous pourrons ainsi réexaminer cette affaire à la lumière d’une première analyse de proximité du professeur. »

    « Votre idée est excellente », dit Monsieur Bennett. « Je me dois cependant de vous avertir. Le professeur est parfois irascible, et peut même aller jusqu’à se montrer violent. »

    Holmes sourit. « Voilà bien deux raisons qui rendent cette approche nécessaire et pertinente, si mon hypothèse est exacte. A demain, Monsieur Bennett, vous nous apercevrez très certainement à Camford. Il y a là-bas, si mes souvenirs sont exacts, un hôtel du nom de Chequers, dont le porto est au-dessus de toute médiocrité et le linge sans reproche. Il me semble, Watson, que les prochains jours s’annoncent pour nous des plus agréables. »

    Le lundi suivant au matin nous prenions la route en direction de la célèbre ville universitaire – départ qui n’impliquait pour Holmes, qui n’avait à dégager sa personne d’aucune obligation particulière, pas la moindre difficulté, mais bien malaisé pour moi-même en raison de l’organisation précipitée qu’impliquait ce prompt départ – le nombre de mes malades étant alors non-négligeable.
    Holmes ne fit à notre affaire aucune allusion avant que nous n’eussions déposé nos bagages à l’hôtel.

    « Il me semble, Watson, qu’il nous est possible d’attraper le professeur avant déjeuner. Il donne une conférence à onze heures, puis se repose ensuite chez lui. »

    « Quelle prétexte à notre visite fournirons-nous ? »

    Holmes consulta le calepin de Monsieur Bennett.

    « La date du 26 août marque le début d’une phase étrange telles que nous en a décrites Monsieur Bennett. Nous admettons que son esprit soit quelque peu brumeux lors de ces épisodes, et qu’il ne conserve de ses agissements que quelques souvenirs vagues. Si nous prétendons qu’il nous a donné rendez-vous, il est peu probable qu’il se hasarde à prétendre le contraire. Disposez-vous de l’effronterie nécessaire à ce mensonge, Watson ? »

    « Nous pouvons toujours essayer », répondis-je.

    « Merveilleux, Watson ! A l’image de la fusion du Busy Bee et de l’Excelsior : « nous pouvons toujours essayer » – la devise de la firme. En route, Watson. Un autochtone amical nous indiquera la demeure du professeur. »

    Un tel individu se présenta à nous en la personne d’un cocher de fiacre, qui nous mena, au terme d’une rangée d’anciens collèges, le long d’une route à trois voies. Il s’arrêta à la porte d’une charmante demeure entourée de pelouse et disparaissant sous des glycines. Les habitudes du professeur semblaient certes confortables, mais encore luxueuses.
    A notre descente de fiacre, nous aperçûmes une tête grisonnante à l’une des fenêtres donnant sur la rue, et nous nous sentîmes observés par une paire d’yeux pénétrants sous une autre de sourcils broussailleux, derrière une troisième de lunettes à monture d’écaille. Quelques instants plus tard nous troublions la retraite du professeur dont les excentricités récentes étaient cependant l’objet de notre visite. Aucun signe manifeste de trouble ne transparaissait de ses manières ou de son apparence. C’était un homme à la mine grave, à la stature imposante, grand et corpulent, auquel la redingote seyait parfaitement, et d’une dignité de présentation conforme à celle requise par son statut de conférencier brillant. Son regard était le trait le plus remarquable de son visage. Pénétrant et observateur, il annonçait un esprit d’une grande intelligence, poussée aux limites de la malice.

    Il considéra les cartes de visites que nous lui présentâmes.

    « Prenez un siège, gentlemen. En quoi puis-je vous être utile ? »

    Holmes eut un sourire aimable.

    « C’est bien la question que je m’apprêtais à vous poser, professeur. »

    « A moi, Monsieur ? »

    « Il y a peut-être méprise. Je tiens d’un intermédiaire que le professeur Presbury de Camford requiert mes services. »

    « Ah vraiment ! »

    Il me sembla qu’un éclair de malice traversa le gris intense des yeux du professeur.

    « Voyez-vous cela. Et puis-je me permettre de vous demander le nom de votre intermédiaire ? »

    « Je suis navré, professeur, mais cette affaire m’a été rapportée sous le sceau du secret. Si j’ai fait erreur, le préjudice n’est pas grand. Vous me voyez cependant désolé de vous avoir dérangé inutilement. »

    « Non, je vous en prie. J’aimerais au contraire en apprendre plus sur cette affaire. Elle m’intéresse au plus haut point. N’auriez-vous pas en votre possession un écrit, une lettre ou un télégramme, qui corroborerait vos dires ? »

    « Malheureusement non. »

    « Vous n’irez je suppose pas jusqu’à prétendre que je vous ai moi-même convoqués ? »

    « Je préférerais, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, ne répondre à aucune question », dit Holmes.

    « Oh, bien sûr », dit le professeur avec aigreur. « Il y en a cependant une dont la réponse pourra m’être apportée sans votre aide. »

    Il traversa la pièce à grands pas et sonna. Notre récent visiteur londonien, Monsieur Bennett, parut.

    « Approchez, Monsieur Bennett. Ces deux gentlemen prétendent m’être envoyés de Londres sous le prétexte qu’on les a convoqués. Vous êtes mon chargé de correspondance. Avez-vous eu vent de la moindre note adressée à une personne du nom de Holmes ? »

    « Non, Monsieur », dit Bennett en rougissant.

    « Voilà qui est concluant », dit le professeur en toisant son secrétaire avec irritation. « A présent, Monsieur Holmes », dit-il en avançant le buste, les deux mains posées sur la table, « il me semble que vous n’êtes désormais plus en position de vous soustraire à mes questions. »

    Holmes haussa les épaules.

    « Je ne puis que vous réitérer mes excuses pour vous avoir dérangé inutilement. »

    « Ce serait bien trop facile, Monsieur Holmes ! », s’écria le vieux gentleman d’une voix haut perchée, les traits animés d’une fureur malveillante.

    Il s’interposa entre nous et la porte, agitant furieusement les bras dans notre direction sous l’emprise d’une colère qu’il ne contenait qu’avec peine.

    « Vous ne vous en tirerez pas aussi facilement ! » Ses traits convulsés, ses tics, son bafouillage attestaient de sa rage. Je reste convaincu que nous aurions eu à lui livrer bataille pour nous extraire de la pièce si Monsieur Bennett n’était pas intervenu.

    « Mon cher Professeur ! », s’interposa-t-il, « ayez égard à votre position !, gardez-vous de provoquer un scandale au sein de l’université ! Monsieur Holmes est une personnalité, vous ne pouvez vous permettre de le traiter d’une manière aussi cavalière. »

    Notre hôte – c’est ainsi qu’il convient de l’appeler – libéra maussadement le passage.

    Nous ne fûmes pas fâchés de nous retrouver à l’air libre, dans la quiétude toute relative de l’avenue à trois voies. Holmes semblait fort amusé par cet épisode.

    « Les nerfs de notre savant professeur me semblent quelque peu mis à l’épreuve », dit-il. « Sans doute le prétexte de notre intrusion était-il un peu naïf, mais nous avons cependant pu l’approcher en personne, ce qui était si nécessaire. Mais, ma parole, il nous poursuit ! Le forcené est à nos trousses, Watson ! »

    Un bruit de pas précipités résonnait sur nos talons. Ce ne fut par chance pas le terrible professeur, mais son assistant, qui parut au coin de l’avenue. Il s’arrêta haletant à notre hauteur.

    « Je suis désolé, Monsieur Holmes. Je vous prie d’accepter mes excuses. »

    « Nul besoin d’excuses, mon cher Monsieur. Ce sont là les risques du métier. »

    « Je ne l’ai jamais vu de si méchante humeur. Il devient plus terrible de jour en jour. Peut-être comprenez-vous à présent pourquoi sa propre fille et moi-même sommes inquiets… Et ce d’autant plus que son esprit ne paraît nullement affecté. »

    « Pas le moins du monde, en effet ! », s’exclama Holmes. « Je me suis fourvoyé en ce sens. La fidélité de sa mémoire est bien plus grande que je ne l’aurais soupçonnée. A propos, pourrions-nous, avant que de nous éloigner, apercevoir la fenêtre de la chambre de Miss Presbury ? »

    Monsieur Bennett nous fraya un chemin parmi des arbustes, et nous guida jusqu’à ce que nous puissions apercevoir la façade de la maison sur laquelle donnait la chambre de la jeune fille.

    « La voici. La seconde fenêtre sur la gauche, au deuxième étage. »

    « Mais par ma pipe, elle me semble des plus inaccessibles ! Et pourtant, les plantes pourraient bien former un treillage escaladable, et la gouttière fournir un appui pour les pieds. »

    « Je ne saurais y grimper moi-même », dit Monsieur Bennett.

    « Je vous l’accorde. Ceci constituerait un exploit des plus dangereux pour un homme ordinaire. »

    « Il y a autre chose que je souhaiterais vous confier, Monsieur Holmes. J’ai en ma possession l’adresse à Londres du mystérieux correspondant du professeur Presbury. Le professeur semble lui avoir répondu dans la matinée, et j’ai recopié l’adresse qui s’est imprimée sur son papier buvard. Oh, je conçois que ceci constitue un manquement grave à la confiance accordée par le professeur Presbury à son secrétaire, mais quel autre choix s’offrait-il à moi ? »

    Holmes considéra avec attention le morceau de papier que lui tendait Monsieur Bennett et le mit dans sa poche.

    « Dorak – un nom curieux. D’origine slave, je suppose. Bien, ce chaînon est précieux. Monsieur Bennett, nous retournons à Londres cet après-midi. Notre présence ici n’est plus indispensable. Nous ne pouvons procéder à l’arrestation d’un homme qui n’a commis aucun crime, et nous ne pouvons pas davantage placer sous tutelle un homme dont nous ne sommes pas en mesure de prouver la folie. Nous ne pouvons donc présentement plus rien faire pour lui. »

    « Mais alors juste ciel qu’allons-nous devenir ? »

    « Un peu de patience, Monsieur Bennett. Notre affaire connaîtra bientôt de nouveaux rebondissements. Si mes calculs sont exacts, mardi prochain marquera le début d’une nouvelle crise. Nous nous trouverons alors à nouveau à Camford. Pour l’heure, il est vrai que la situation est des plus déplaisantes, et si Miss Presbury pouvait justifier auprès du professeur de prolonger son déplacement à Londres… »

    « Ce sera chose aisée. »

    « Dans ce cas qu’elle demeure à Londres jusqu’à ce que nous soyons en mesure de l’assurer que tout danger est écarté. En attendant, laissons le professeur agir à sa guise et ne nous mettons pas en travers de son chemin. Tant qu’il restera de bonne humeur, tout ira pour le mieux. »

    « Le voici ! », souffla Monsieur Bennett dans un murmure apeuré.

    Nous aperçûmes en effet au travers des branchages la silhouette haute et droite du professeur émergeant du hall et examinant précautionneusement les alentours. Le buste légèrement penché en avant, les bras ballants, sa tête se tournait de droite et de gauche. Monsieur Bennett disparut dans une imperceptible ondulation de branchages, et nous le vîmes rejoindre le professeur. Tous deux rentrèrent dans la maison au son de ce qui nous sembla une discussion des plus vives et animées.

    « Je suppose que l’esprit logique du vieux gentleman est parvenu aux conclusions qui s’imposent », dit Holmes alors que nous reprenions le chemin de l’hôtel. « D’aussi loin que je puisse en juger, il m’a semblé doté d’un esprit des plus vifs et des plus logiques. Coléreux, il l’est sans aucun doute, mais je dois reconnaître que sa colère a des raisons d’être s’il suppose que des détectives ont été lancés à ses trousses par une personne attachée à son service. Je crois que Monsieur Bennett passe présentement un très mauvais quart d’heure. »

    Holmes fit halte à un bureau de poste duquel il expédia un télégramme. Une réponse nous parvint dans la soirée. Il me la tendit.

    Me suis rendu Commercial Road et ai vu Dorak. Individu affable, tchèque, âgé. Tient un commerce de moyenne taille.
    Signé : Mercer.

    « Je connais Mercer de longue date », dit Holmes. « Il est mon homme de confiance pour tout ce qui touche aux détails de routine de mes enquêtes. Il était impératif que nous nous procurions quelques renseignements sur l’homme avec lequel le professeur correspond secrètement. Ses origines nous renvoient au mystérieux voyage du professeur Presbury à Prague. »

    « Dieu merci voici enfin une chose qui nous renvoie à une autre », dis-je. « Pour l’heure il me semble que nous nous trouvons face à une longue série d’événements inexplicables n’ayant pas le moindre rapport les uns avec les autres. Par exemple, quels pourraient bien être ceux qui existeraient entre un chien-loup hargneux, une visite à un commerçant tchèque et les excentricités d’un homme rampant dans les couloirs à la nuit tombée ? Quant à vos dates, Holmes, elles constituent sans aucun doute la plus grande mystification du siècle. »

    Holmes sourit et se frotta les mains. Nous nous trouvions attablés, dans l’antique salon de l’hôtel Chequers, devant une bouteille de porto dont Holmes avait précédemment eut l’occasion de vanter les mérites.

    « Bien, examinons ces dates, si vous le voulez bien, Watson », dit-il en croisant les doigts tel un conférencier s’apprêtant à haranguer son auditoire. « Le calepin de ce consciencieux jeune homme situe l’apparition des premiers troubles en date du 2 juin, et à partir de cette date neuf jours semblent s’être, à l’exception d’une fois, invariablement écoulés avant que ne surviennent de nouveaux épisodes. Les derniers incidents se sont produits le vendredi passé, soit le 3 septembre, exactement neuf jours après ceux du 26 août qui les avaient immédiatement précédés. Tout ceci n’est pas qu’une simple coïncidence. »

    Je fus forcé d’acquiescer.

    « Permettons-nous, dès lors, de former l’hypothèse d’une prise par le professeur tous les neuf jours d’une substance d’une grande puissance, aux effets hautement toxiques mais passagers. Son caractère impulsif se trouve exacerbé par la prise de cette substance. Il a appris à l’ingérer lors de son voyage à Prague, et c’est à présent son intermédiaire tchèque de Londres qui la lui fournit. Elémentaire, mon cher Watson ! »

    « Mais le chien, le visage à la fenêtre, le professeur rampant la nuit dans le corridor ? »

    « Oui, eh bien, nous n’en sommes qu’à nos premières déductions. Je ne m’attends à aucun nouvel élément susceptible de faire avancer notre enquête avant mardi prochain. Le plus que nous puissions faire en attendant consiste à rester en contact avec le jeune Monsieur Bennett et à jouir des douceurs que nous prodigue cette ville charmante. »

    Nous retrouvâmes Monsieur Bennett au matin, qui nous remis son dernier rapport. Comme l’avait supposé Holmes, les instants qu’il venait de passer avec le professeur n’avaient pas été pour lui de tout repos. Sans très exactement l’accuser d’être responsable de notre intrusion à son domicile, le professeur s’était montré d’une réprobation brutale en paroles à l’encontre de son secrétaire, qui dénotait du doute certain qu’il conservait quant au rôle que Monsieur Bennett avait pu jouer dans cette affaire. Le professeur paraissait cependant avoir repris une contenance ordinaire ce matin, et avait comme à l’accoutumée donné une conférence brillante devant une salle comble.

    « En dehors de ces crises épisodiques étranges », dit Monsieur Bennett, « il semble déborder d’énergie et de vitalité, et son esprit lui-même ne m’a jamais semblé avoir été aussi lucide. Mais ce n’est pourtant plus l’homme que j’ai connu. »

    « Je ne crois pas que vous ayez quelque chose à craindre au cours du week-end », dit Holmes. « Je suis, vous le savez, un homme occupé, et le docteur Watson se doit de revenir à ses patients. Entendons-nous pour nous retrouver ici même, à la même heure, mardi prochain. Je serais très étonné que nous ne soyons pas, la prochaine fois que nous séparerons, en mesure d’expliquer, et même de mettre un terme, aux soucis qui vous préoccupent. En attendant, tenez-nous régulièrement informés par courrier. »

    Je ne revis plus Holmes jusqu’au matin du lundi suivant, au cours duquel je reçus une brève dépêche me demandant de le retrouver le lendemain à la gare. Il m’apprit lors de notre trajet que tout allait bien à Camford, que le calme de la demeure du professeur n’avait pas été troublé, et que son comportement avait été des plus ordinaires. Monsieur Bennett nous annonça lorsqu’il nous retrouva en soirée au Chequers que la situation était restée stationnaire.

    « Son correspondant londonien lui a fait parvenir un petit paquet ce matin, auquel était attachée une lettre. Chacun d’eux portait une croix sous le timbre – signe conventionnel m’interdisant de les décacheter. Rien d’autre n’est à signaler. »

    « Cela en dit assez long », dit Holmes résolument. « Il semble, Monsieur Bennett, que nous devrions être en mesure de conclure dès ce soir. Si mes déductions sont exactes, notre enquête touche à sa fin. Il nous faut cependant garder le professeur sous notre surveillance. Je vous suggère, à cette fin, de rester éveillé et de faire le guet. Si vous l’entendez passer devant votre porte, surtout ne l’arrêtez pas, mais suivez-le aussi discrètement que vous le pourrez. Le docteur Watson et moi-même ne serons pas loin. A propos, où se trouve la clef ouvrant la petite boîte que vous dites se trouver dans son placard ? »

    « Suspendue à sa chaîne de montre, à son cou. »

    « Bien, je suppose que c’est là que devra s’achever notre enquête. Dans le cas contraire, je suppose que la serrure de la petite boîte est d’une résistance ordinaire. Pourrons-nous compter ce soir sur le soutien éventuel d’un quatrième homme de la maison ? »

    « Sur celui de Macphail, sans doute, le cocher. »

    « Où dort-il ? »

    « Dans le bâtiment au-dessus des écuries. »

    « Il se pourrait que nous ayons besoin de lui. Bien, il ne nous reste plus qu’à attendre ce soir que de nouveaux événements se produisent. Bonne nuit, Monsieur Bennett. Je m’attends toutefois à ce que nous nous revoyions avant demain matin. »

    Il était près de minuit lorsque nous nous postâmes en faction dans un taillis du côté immédiatement opposé au hall d’entrée de la maison du professeur. La nuit était belle, mais froide, et nous étions heureux d’avoir emporté des manteaux. Une légère brise chassait avec rapidité les nuages dans le ciel, qui voilaient par intermittence le croissant de la demi-lune. Notre faction aurait pu nous paraître morne, si l’anxiété de l’attente couplée à l’excitation impatiente de Holmes, qui pressentait que notre affaire touchait à sa fin, ne nous avait maintenus en état de fébrilité.

    « Si le cycle des neuf jours se répète à nouveau, le professeur se présentera à nous ce soir », dit Holmes. « Le fait que ses premiers symptômes soient apparus immédiatement après son retour de Prague, qu’il entretienne une correspondance régulière et secrète avec un commerçant tchèque de Londres – vraisemblablement le représentant d’un individu vivant à Prague –, et le fait qu’il ait reçu de cet intermédiaire un paquet ce matin même, tout concorde, Watson ! Bien que la substance qu’il se procure et la raison pour laquelle il en fait usage nous soient toujours inconnues, il me semble évident que celle-ci est originaire de Prague. Le professeur la consomme selon des directives précises qui déterminent le cycle des neuf jours – c’est d’ailleurs la répétition de ce cycle qui a en premier lieu attiré mon attention. Mais la toxicologie de ladite substance est tout à fait remarquable. Avez-vous observé les jointures des mains du professeur, Watson ? »

    Je confessai que non.

    « Dilatées et calleuses comme je n’ai que rarement eu l’occasion d’en voir. Il faut toujours observer en premier lieu les mains, Watson. Puis les poignets de chemise, ensuite la place des genoux du pantalon, et enfin les souliers. Ces jointures curieuses ne peuvent s’expliquer que par un mode de déplacement bien particulier rapporté par… »

    Holmes marqua une pause et se frappa le front de la main.

    « Oh !, Watson, Watson, quel imbécile j’ai été ! Cela semble incroyable, et pourtant ce doit bien être de cela dont il s’agit. Tout mène à cette conclusion. Comment ai-je pu omettre une telle évidence ? Ces jointures, comment ne pas avoir conclu immédiatement en apercevant ces jointures ? Et le chien ! Et le treillage formé par les plantes ? Oh !, le temps est venu que je me retire dans le petit cottage de mes rêves… Regardez, Watson ! Le voici ! Nous allons avoir la chance d’être les témoins privilégiés de cette scène. »

    La porte du hall d’entrée s’était ouverte avec précaution, et nous vîmes apparaître la haute silhouette du professeur Presbury. Il était vêtu de sa robe de chambre et se tenait sur le seuil, le buste légèrement incliné vers l’avant, les bras ballants, tel que nous l’avions aperçu au terme de notre dernière visite.

    Alors qu’il s’engageait dans le sentier menant aux écuries, un changement extraordinaire se produisit. Il plongea en une curieuse posture à ras du sol, et commença un déplacement ponctué de petits bonds en appui sur ses mains et pieds, agile et débordant de vitalité. Il longea la façade de la demeure et disparut à l’angle. Bennett apparut alors, le suivant précautionneusement.

    « Venez, Watson, venez ! », souffla Holmes, et nous nous faufilâmes le long des buissons le plus silencieusement possible jusqu’à un endroit d’où nous pouvions apercevoir la façade opposée du bâtiment, sur laquelle le croissant de demi-lune projetait une douce lumière. Nous aperçûmes distinctement la silhouette du professeur, accroupi au pied d’un mur couvert de feuillage. Soudain, il commença à l’escalader avec une agilité déconcertante. Il bondissait littéralement de branche en branche, sûr de ses prises, agrippant le treillage avec confiance, et semblant y prendre un plaisir dénué de toute motivation concrète. Les pans de sa robe de chambre voletant de part et d’autre de son corps lui conféraient l’aspect d’une étrange chauve-souris, aux prises avec le treillage de sa propre maison, imposante masse sombre tapie au flanc du mur faiblement éclairé par la lune. Puis, lassé de ce divertissement, il se laissa glisser de branche en branche pour regagner le sol, sur lequel il se retrouva dans sa position première, en appui sur ses mains et pieds, et se mua en direction de l’écurie. Le chien-loup était aux aguets. Il commença à aboyer furieusement, et avec davantage de vigueur encore lorsqu’il reconnut son maître. Il tirait sur sa chaîne et bondissait de fureur. Le professeur s’arrêta à quelques mètres de distance de son chien, et commença à en exciter les aboiements et la fureur par tous les moyens possibles. Il recueillait du sentier des poignées de terre qu’il lui jetait à pleines mains, le poussait d’une trique qu’il avait ramassée, faisait mine de donner une chiquenaude à quelques centimètres de la gueule béante, et usait de toutes les malices possibles afin d’accroître la fureur de l’animal, qui n’était désormais plus du domaine du contrôlable. Jamais je n’avais au cours de nos aventures assisté à un spectacle plus étonnant que celui de cet homme à la silhouette d’ordinaire si impassible et digne, accroupi en grenouille sur le sol, et excitant jusqu’à la démence un animal sorti de ses gonds, au moyen des inventions les plus cruellement calculées.

    Ce fut alors qu’un drame se produisit. Ce ne fut pas la chaîne qui rompit, mais bien le collier qui, ayant été fabriqué aux mesures d’un Terre-Neuve, libéra le chien-loup. Nous entendîmes un léger cliquetis de métal sur le sol, et un instant plus tard l’homme et la bête roulaient furieusement à terre, tous deux hurlant, l’un de rage, l’autre de terreur. Nous nous ruâmes en avant, mais avant même que nous ayons pu séparer les combattants, un cri strident proféré d’une voix de fausset retentit : le chien-loup était parvenu à planter ses crocs dans la gorge de son maître, lequel avait immédiatement perdu connaissance. Les conséquences de notre intervention elles-mêmes auraient pu s’avérer funestes si la voix de Bennett accourant n’avait immédiatement apaisé la fureur du chien. Le tapage avait tiré un somnolent Macphail de son sommeil.

    #153256

    « Cela ne m’étonne pas », dit-il en secouant la tête. « J’avais déjà interrompu pareille scène auparavant. Je savais bien que le chien finirait par se venger. »

    Le chien-loup fut enchaîné de nouveau, et nous transportâmes le professeur à sa chambre, où le jeune Bennett, qui possédait par chance quelques solides notions de médecine, m’aida à panser la gorge meurtrie. Les crocs acérés avaient dangereusement frôlé l’artère carotide, et l’hémorragie était sérieuse. Après une demi-heure de soins intensifs, tout danger fut cependant écarté, et j’administrai une dose de morphine au blessé qui sombra dans un profond sommeil. Ce ne fut qu’alors que nous fûmes en mesure d’échanger nos impressions.

    « Je crois qu’il serait judicieux qu’il soit examiné par un chirurgien », avançai-je.

    « Pour l’amour du ciel non ! », intervint Bennett. « Ce scandale n’a heureusement pas franchi les murs de notre demeure. Nous devons nous porter garants de ce secret. Si nous ébruitons cette affaire, Dieu sait quand nous cesserons d’en entendre parler ! Par égard pour la position du professeur Presbury au sein de l’université, par égard pour sa réputation européenne, par égard pour sa fille, n’en dites rien ! »

    « Très bien », dit Holmes. « Il me semble possible de garder secrets ces événements, et d’empêcher qu’ils se reproduisent, si toutefois vous me permettez d’agir. La clef de la chaîne de montre, je vous prie, Monsieur Bennett. Macphail, veuillez veiller le blessé et nous avertir de la moindre évolution dans son état de santé. Allons voir ce que nous révélera la mystérieuse petite boîte du professeur. »

    La petite boîte en question nous révéla peu de choses, mais suffisamment pour éclairer notre compréhension de l’affaire : elle renfermait une première fiole vide, une seconde à moitié pleine, une petite seringue, ainsi que plusieurs lettres d’une écriture étrangère et malaisée, dont les marques de reconnaissance apposées sur les enveloppes en avaient interdit l’ouverture par le consciencieux secrétaire. Toutes portaient le cachet d’expédition de Commercial Road. Les lettres étaient signées de la main de A. Dorak. La petite boîte renfermait également plusieurs factures attestant de l’envoi régulier d’une certaine substance au professeur, plusieurs reçus attestant de ses paiements, ainsi qu’une lettre d’une écriture différente, davantage érudite, dont l’enveloppe était affranchie d’un timbre autrichien et portait le cachet de la ville de Prague.

    « Voilà ce que nous cherchons ! », s’écria Holmes en dépliant fébrilement la lettre.

    Elle était ainsi conçue :

    Cher confrère,
    J’ai depuis votre dernière visite longuement réfléchi à votre cas, et, bien que des raisons légitimes m’apparaissent pouvoir justifier votre traitement, je ne saurais que trop vous mettre au garde quant aux effets hautement indésirables que celui-ci comporte.
    Il me semble qu’un sérum élaboré à partir de singes anthropoïdes se révélerait davantage adapté. Je n’ai pu recourir jusqu’à présent qu’à des prélèvements opérés sur le Semnopithèque noir, ou Langur de Java, en raison de l’accessibilité que présente ses spécimens. Contrairement aux singes anthropoïdes qui se tiennent en posture droite et dont le comportement se rapporte davantage à celui de l’homme, le langur évolue, par définition, sur ses quatre pattes au sol, et est un enragé grimpeur.
    Je ne saurais que trop solliciter de votre part la plus grande précaution afin qu’aucune information prématurée ne soit dévoilée quant à ces recherches et à leurs conclusions actuelles. Un seul autre sujet suit actuellement en dehors de vous-même en Angleterre ce traitement – Dorak est également sont intermédiaire.
    Je vous prie de bien vouloir procéder à la rédaction de rapports hebdomadaires que vous transmettrez à Dorak,
    Recevez, cher confrère, l’expression de ma considération respectueuse,
    H. Lowenstein

    Le nom de Lowenstein éveilla immédiatement dans mon esprit des fragments de souvenirs d’un article de journal consacré à un obscur scientifique travaillant secrètement à un sérum de jouvence. Lowenstein de Prague ! Lowenstein et son sérum décuplant la force physique, banni de la profession pour avoir refusé d’en dire davantage sur ses recherches ! Je rapportai en quelques mots ce dont je me souvenais. Bennett saisit un manuel de zoologie qui trônait sur une étagère.

    « Le langur », lut-il. « « Singe noir peuplant les montagnes himalayennes, le plus grand et le plus anthropoïdes des singes grimpeurs. » Un certain nombre de détails sont rapportés. Bien, grâce à vous, Monsieur Holmes, il semble que le mal ait pu être débusqué à sa source. »

    « Sa véritable source réside », ajouta Holmes, « dans la passion inopportune du professeur pour la jeune dame objet de ses vœux. Notre impétueux professeur crut entrevoir dans un possible rajeunissement la solution à ses maux. Il crut pouvoir prétendre à la main de la jeune dame en redevenant un homme jeune. Mais la Nature ne tolère aucune force contraire à la sienne. L’espèce la plus évoluée n’est pas à l’abri de sa propre déchéance si elle tend à faire un mauvais usage de ses dons. »

    Il considéra pendant quelques temps la seconde petite fiole et le liquide qu’elle contenait encore.

    « J’ai l’intention d’écrire à Lowenstein une lettre très explicite dans laquelle je déclarerai le tenir pour personnellement responsable de la mise en circulation sur le marché d’une substance hautement toxique. Je suppose que ceci aura un impact certain sur ses agissements pendant un certain temps. Mais une récidive ne sera pas à exclure. D’autres exploreront peut-être de nouvelles possibilités. La menace est réelle – elle menace l’humanité tout entière. Supposez, Watson, qu’au matériel, au corporel, au terrestre soit offerte la possibilité de prolonger leur existence… Qu’adviendrait-il du cérébral ? Ce serait l’avènement de toutes les décadences. Qu’adviendrait-il alors de notre pauvre monde ? »

    Le rêveur s’enfuit soudain pour laisser place à l’homme d’action, et Holmes sauta de sa chaise sur ses pieds.

    « Je crois que tout est dit, Monsieur Bennett. Chacun des récents incidents possède à présent sa justification. Le chien, bien sûr, avait perçu avec davantage de rapidité que l’entourage du professeur les changements survenus dans sa personne. Son odorat lui assure cette faculté. C’était le singe, et non le professeur, que Roy attaquait, et c’était également le singe, et non le professeur, qui assaillait Roy. Le fait de grimper représentait pour la créature une conduite instinctive, et ce fut je crois le pur hasard qui amena le professeur à la fenêtre de sa fille. Un train repart bientôt pour Londres, Watson, nous aurons juste le temps d’une tasse de thé au Chequers. »

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