Délivrance Evelyne Charasse

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    Christiane-JehanneChristiane-Jehanne
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      Bonjour!
      Evelyne Charasse, poétesse (lauréate du Grand Prix Poésies RATP 2017), auteure de haïkus et de nouvelles, me confie ce texte, “Délivrance”, que je souhaiterais enregistrer, si vous en êtes d’accord.
      Nous vous remercions de votre bienveillance 🙂 .

      DELIVRANCE
      Galaxie du Centaure, sur l’exo planète Cilane , plus communément appelée « le grenier de la galaxie » en raison de sa vocation uniquement agricole .Sous son ciel violet , ses immenses champs de céréales s’étendaient à perte de vue avec ici ou là une ou deux grandes bâtisses regroupant les Nouveaux Colons . La vie sur cette nouvelle Terre peu peuplée n’était que travail au rythme des saisons, à la sueur des fronts humains et des schémas informatiques des robots régisseurs.
      Le Gouvernement Central favorisait l’installation de ces aventuriers de l’agriculture en leur fournissant tout le matériel et toute l’aide demandée .Il y avait tant de bouches à nourrir sur l’ex planète bleue devenue grise. Tant de bouches et si peu de terres fertiles, aussi fallait-il tout faire pour que Cilane attire et retienne une petite population. Tout faire. Tout admettre aussi même renier des préceptes humains inaliénables. C’est ainsi qu’il existait sur Cilane la Paisible une nouvelle forme d’esclavage par l’exploitation éhontée d’enfants terriens arrachés à leur famille. Les autorités les parachutaient au gré des demandes des Colons. Sans réelle surveillance, tout pouvait arriver sur cette planète éloignée de tout.
      Yol était un de ces enfants, fluet garçonnet brun aux yeux verts pâles. Au service du couple Bésade , il trimait du matin au soir, avec d’autres, en échange du gite et du couvert. Il n’avait que neuf ans quand des soldats l’avaient enlevé à ses parents et aussitôt mis dans une navette spatiale en partance pour Cilane . Il en avait douze à présent, ses larmes avaient séché, son corps s’était durci, son âme s’était aguerrie. Une douzaine d’enfants travaillaient ainsi à l’exploitation, aux champs comme aux soins des bêtes. Les Bésade veillaient à ce que les enfants soient bien nourris et en bonne santé pour un plus grand rendement. Ils travaillaient dur eux aussi et ne comprenaient pas l’hostilité de certains terriens envers cette pratique très courante sur Cilane . Protégés par la distance et aussi par la demande énorme, les agriculteurs n’avaient guère de soucis à se faire : ils pourraient encore longtemps « employer » des enfants gratuitement. Pour les aider à diriger tout ce petit monde, quatre adultes rémunérés complétaient le tableau. Yol travaillait aux champs, sous les ordres de Sian. Tous deux parcouraient les immensités cultivées contrôlées par les robots optimiseurs. Les cycles des saisons étant plus courts sur la planète, les rotations des cultures s’enchainaient sans pause. Toute la galaxie avait faim et ici poussaient dans de la bonne terre (et non pas hors sol comme sur toutes les autres planètes exsangues) toutes sortes de céréales. Cilane répartissait ses abondantes récoltes sur toutes les planètes demandeuses.
      Les journées de Yol étaient bien chargées, beaucoup de route à faire chaque jour pour vérifier que tous les systèmes fonctionnaient. Beaucoup de choses à vérifier. Beaucoup à réparer aussi. Malgré l’ampleur de la tâche, Yol aimait ces longues et harassantes journées loin de la maison Bésade . Loin de Madame Bésade surtout, cette femme autoritaire et dure n’aimait pas ce maigre garçon trop rêveur à son goût. Elle n’aimait personne en réalité, mais passait ses nerfs sur ses jeunes recrues. Elle prenait un plaisir sadique à humilier l’un ou l’autre des enfants, coups de baguette sur les mains, dispense de repas, pompes interminables, nettoyage systématique des réfectoires …son imagination cruelle n’avait pas de bornes. Surtout qu’aucun adulte n’osait s’opposer à elle. Yol avait un secret pour tenir le coup, il invoquait le ciel en silence pour l’aider à partir un jour d’ici. Sur Terre on appelait ça autrefois « prier ».
      La navette de l’éclaireur Sim450 venait d’entrer dans l’atmosphère de Cilane la Paisible brutalement. Mais au lieu de poursuivre son vol comme prévu, elle effectua des zigzags dangereux pour finir sa course près d’un hangar. Le pilote n’eut pas le temps de faire quoi que ce soit. Il fut assommé sous le choc violent. La nuit noire demeura immobile et silencieuse. Quand il était à la maison, Yol , se faisait plus petit qu’il n’était pour ne pas donner une occasion à Madame Bésade de s’en prendre à lui . De tous les enfants, il restait le plus mutique. Ruminant sans cesse ses pensées. C’était sa façon de se soustraire à tous les mauvais traitements subis. Il faisait partie des plus grands maintenant et souvent, il consolait les plus jeunes, essayait de leur redonner un maigre sourire. Quand tous dormaient dans le dortoir, harassés par leur longue journée de travail, il se levait sans bruit, dans le noir, aussi silencieux qu’un chat, pour regarder l’immensité de la nuit Cilanienne. Les étoiles y brillaient comme des millions de petits diamants roses .Sa « prière », s’adressait à quelque chose derrière elles. Il pressentait comme une force capable de le sortir de sa situation. Cette nuit-là, il vit une boule de feu tomber vers le hangar au bout du premier champ, puis plus rien. La nuit redevient noire et vide. Dévoré de curiosité, il mit un oreiller dans son lit pour tromper l’adulte qui ferait la ronde habituelle de minuit, prit une lampe de poche, son petit sac à dos de travail et ouvrit sans bruit la fenêtre avant de s’élancer dehors. Il connaissait parfaitement l’exploitation et savait pertinemment où chercher la boule de feu. Il rampa jusqu’à la première barrière pour éviter les caméras de surveillance. Derrière lui, dans l’habitation des Bésade, il entendit parler et rire, ce qui lui donna la nausée. Bien vite il arriva hors de leur vue pour pouvoir courir jusqu’au bout du champ, éclairé par les deux lunes satellites de Cilane . Quand il atteint son but, il vit l’engin spatial à moitié enfoncé dans le sol. Son cœur battait à lui faire mal. Etait-ce la réponse à toutes ses demandes ? Couchée sur le côté, la navette ressemblait à une grosse boite de ferraille inerte. Yol en fit le tour en la touchant prudemment, elle était encore chaude. Puis, à deux mètres, il aperçut la créature. Elle gémissait. L’enfant n’eut qu’un bref instant d’hésitation, puis calcula, soupesa, extrapola à une vitesse inégalée. Il tira la créature de toutes ses forces, elle n’était pas très lourde heureusement, jusqu’au hangar. Il l’installa dans son placard à outils :
      -Je suis un ami. Tu vas rester ici le temps de te remettre. Je reviendrai la nuit prochaine pour t’aider et te nourrir. Tu comprends ?
      La créature essaya de parler sans y réussir. Yol essuya du liquide vert, qu’il supposa être son sang, qui suintait de son corps. Il fit des sortes de compresses avec des vêtements de travail qu’il déchira. Il lui donna sa gourde remplie d’eau et un morceau de pain.
      -Je vais mettre ton engin à l’abri. Je reviens cette nuit.
      Il poussa la porte du placard qu’il ferma à clé. C’était le sien et normalement, personne n’irait y mettre son nez. Il tira la navette avec le petit tracteur qu’il avait l’habitude de manipuler. Il reboucha tant bien que mal le trou que celle-ci avait laissé dans le champ. Il la cacha derrière des meules de paille destinés aux animaux de l’exploitation. Il savait que les dernières meules ne seraient jamais utilisées.
      Sim450 inspecta son petit refuge. L’enfant l’avait déposé sur un tas de vieux vêtements et de paille, derrière lui pendaient des outils et du petit matériel agricole. Il n’était pas grièvement blessé, mais fortement engourdi par la douleur. Son traducteur automatique ne fonctionnait plus mais tout ceci se remettrait en service dès qu’il pourrait remonter dans sa navette. Il avait conservé son boitier de liaison c’était le principal. L’aide inattendue du jeune garçon lui permettrait de ne pas compromettre toute sa mission. Il s’endormit.
      Yol rentra dans le dortoir aussi silencieusement qu’il en était sorti. Tous dormaient. Il se glissa dans son lit le cœur battant de plus belle. Fixant le plafond, incapable de se rendormir, il contenait difficilement son euphorie. Des images, des projets, des rêves fabuleux s’entrechoquaient dans sa tête. Les adultes dormaient dans leurs quartiers sans se douter de quoi que ce soit. C’était la réponse du ciel à ses prières, il en était persuadé. Il lui fallait échafauder des plans pour ramener de la nourriture et des soins à la créature sans éveiller l’attention. Quand vint l’aube, Yol se leva avant l’appel quotidien et fila directement au réfectoire, avec un peu de chance, il pourrait glaner ici ou là quelque chose à manger pour l’hôte de son placard à outils. Il tremblait d’impatience mais arrivait à se contrôler malgré son esprit en ébullition. Nul parmi ses camarades ni parmi les adultes ne vit le moindre changement sur ses traits ou dans ses gestes. Yol exultait dans son for intérieur mais rien n’apparaissait à la surface. La journée s’étira longuement pour lui. Quand vint enfin le moment de passer au dortoir, ses petits camarades furent étonnés de le voir se mettre au lit sans rechigner comme à son habitude. Dès l’extinction des feux, Yol attendit que tous fussent endormis pour reprendre le chemin de la veille dans le noir. Dans son sac à dos, il transportait outre un peu de matériel, des vêtements usagés, de la nourriture et une nouvelle gourde d’eau. Il rampa de nouveau jusqu’à atteindre la limite du premier champ, là où le regard des adultes ne portait plus. Il courut jusqu’au hangar , puis, fébrile, il déverrouilla le petit cadenas de son placard à outils.
      Sim450 sortit de sa somnolence quand l’enfant ouvrit la porte. Il se redressa. L’enfant lui tendit de la nourriture et de l’eau. Il ne comprenait toujours pas ce qu’il lui disait, son traducteur étant toujours hors service. La journée de repos lui avait fait du bien, il sentait ses forces revenir. Bientôt, il pourrait retourner dans sa navette et tout réactiver.
      -Je suis un ami. Tu vas un peu mieux ? Regarde, je t’ai amené à boire et à manger.
      Yol parlait à la créature de façon naturelle sans être effrayé par son apparence. Il était heureux de constater que son état s’était un peu amélioré depuis la veille. En les nettoyant sommairement, il constata que ses plaies s’étaient déjà refermées. Peu importe qu’elle ne lui réponde pas. Yol restait persuadé qu’elle représentait sa liberté. Mais avant cela, il fallait qu’elle retrouve toutes ses capacités. Il lui fallait encore un peu de temps. Le jeune garçon envisageait encore un ou deux jours de repos avant que la créature ne soit en mesure de se relever. D’ailleurs, il le faudrait car il craignait que son placard ne soit visité par les adultes. La situation à la maison devenait de plus en plus tendue. Madame Bésade s’en prenant aux enfants sans aucune retenue, Yol avait du mal à contenir sa rage .Il devait faire preuve de patience. Quand il revint à la maison , Il se recoucha sans bruit dans le noir comme la nuit précédente.
      Le lendemain, il effectua ses corvées sans un mot comme à son habitude, répondant par des monosyllabes aux ordres de Sian. Serrant les dents sous l’effort, ne pensant qu’à son escapade nocturne, l’enfant bouillait d’impatience intérieurement.
      Vers minuit, il reprit le chemin du hangar au bout du premier champ en prenant mille précautions. Bizarrement, il sentait une inquiétude l’oppresser alors que tout paraissait calme. Quand il eut ouvert la porte de son placard, la créature l’attendait debout sur ses tentacules.
      C’est à ce moment-là, que, surgissant de nulle part, le couple Bésade et ses employés, éclairés de lampes surpuissantes, armés de fusils, hurlèrent :
      -Sors d’ici sale monstre !
      -Putain de monstre ! Avance dans la lumière !
      -C’est un éclaireur !
      – Un putain de Siméin!
      Frappé violemment à la tête par derrière, Yol assista à la scène, le visage en sang contre le sol. Cela ne dura que quelques secondes, les six adultes furent terrassés par une décharge électrique aussi forte qu’inattendue lancée par un des tentacules de la créature.
      Sim450 devait retourner dans sa navette. L’enfant n’étant que superficiellement blessé se releva et le conduisit à son appareil. Là, il remit en service son traducteur automatique pour lui :
      -Merci mon ami. Adieu ! lui dit-il d’une voix gutturale venue d’une de ses tentacules.
      Puis il inséra le boitier de liaison à l’intérieur de la capsule. Des petits bruits mêlés à de vives lumières de toutes les couleurs enveloppèrent l’engin. Sim450 s’installa aux commandes, verrouilla le hublot et décolla dans le ciel noir de Cilane.
      Outrageusement heureux et reconnaissant Yol lui fit un signe de la main dans la nuit avant de courir en direction de la maison pour réveiller les enfants.

      MERCI DE VOTRE LECTURE

      Bien amicalement 🙂

      Christiane.

      #330668
      CocotteCocotte
      Participant

        O

        #330675
        Vincent de l'ÉpineVincent de l’Épine
        Maître des clés

          Bonjour Christianne-Jehanne,
          Puisqu’il s’agit d’un auteur qui a déjà été édité, vous n’avez pas besoin de soumettre ces textes au vote.
          Ceci n’est à faire que quand vous voulez lire des textes qui n’ont jamais été publiés par un éditeur.
          En fait, là, il s’agit d’un auteur reconnu et déjà édité.
          Et puisque vous disposez de son autorisation explicite, que vous nous avez adressée, vous pouvez l’enregistrer directement !

          Vincent

          #330678
          Christiane-JehanneChristiane-Jehanne
          Participant

            Bonjour cher Vincent,

            Entendu, et merci beaucoup !

            Bonne fin de dimanche !

            Bien cordialement,
            Christiane.

            #330680
            Christiane-JehanneChristiane-Jehanne
            Participant

              Bonsoir chère Cocotte,

              Et grand merci!

              Bonne fin de dimanche
              bien amicalement 😀

              Christiane.

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