HEREDIA, José Maria (de) – Poésies

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  • #146167
    VictoriaVictoria
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      HEREDIA, José Maria (de) – Poésies

      Maris stella



      Sous les coiffes de lin, toutes, croisant leurs bras
      Vêtus de laine rude ou de mince percale,
      Les femmes, à genoux sur le roc de la cale,
      Regardent l’Océan blanchir l’île de Batz.

      Les hommes, pères, fils, maris, amants, là-bas,
      Avec ceux de Paimpol, d’Audierne et de Cancale,
      Vers le Nord, sont partis pour la lointaine escale.
      Que de hardis pêcheurs qui ne reviendront pas !

      Par-dessus la rumeur de la mer et des côtes
      Le chant plaintif s’élève, invoquant à voix hautes
      L’Étoile sainte, espoir des marins en péril ;

      Et l’Angélus, courbant tous ces fronts noirs de hale,
      Des clochers de Roscoff à ceux de Sybiril
      S’envole, tinte et meurt dans le ciel rose et pâle.

      #146168
      VictoriaVictoria
      Participant

        L’Oubli


        Le temple est en ruine au haut du promontoire.
        Et la Mort a mêlé, dans ce fauve terrain,
        Les Déesses de marbre et les Héros d’airain
        Dont l’herbe solitaire ensevelit la gloire.

        Seul, parfois, un bouvier menant ses buffles boire,
        De sa conque où soupire un antique refrain
        Emplissant le ciel calme et l’horizon marin,
        Sur l’azur infini dresse sa forme noire.

        La Terre maternelle et douce aux anciens Dieux
        Fait à chaque printemps, vainement éloquente,
        Au chapiteau brisé verdir une autre acanthe ;

        Mais l’Homme indifférent au rêve des aïeux
        Ecoute sans frémir, du fond des nuits sereines,
        La Mer qui se lamente en pleurant les sirènes.

        #146169
        VictoriaVictoria
        Participant

          Les Conquérants


          Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
          Fatigués de porter leurs misères hautaines,
          De Palos de Moguer, routiers et capitaines
          Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal.

          Ils allaient conquérir le fabuleux métal
          Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
          Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
          Aux bords mystérieux du monde Occidental.

          Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
          L’azur phosphorescent de la mer des Tropiques
          Enchantait leur sommeil d’un mirage doré ;

          Ou penchés à l’avant des blanches caravelles,
          Ils regardaient monter en un ciel ignoré
          Du fond de l’Océan des étoiles nouvelles.

          #146170
          VictoriaVictoria
          Participant

            Soir de bataille


            Le choc avait été très rude. Les tribuns
            Et les centurions, ralliant les cohortes,
            Humaient encor dans l’air où vibraient leurs voix fortes
            La chaleur du carnage et ses âcres parfums.

            D’un oeil morne, comptant leurs compagnons défunts,
            Les soldats regardaient, comme des feuilles mortes,
            Au loin, tourbillonner les archers de Phraortes ;
            Et la sueur coulait de leurs visages bruns.

            C’est alors qu’apparut, tout hérissé de flèches,
            Rouge du flux vermeil de ses blessures fraîches,
            Sous la pourpre flottante et l’airain rutilant,

            Au fracas des buccins qui sonnaient leur fanfare,
            Superbe, maîtrisant son cheval qui s’effare,
            Sur le ciel enflammé, l’Imperator sanglant.

            #146171
            VictoriaVictoria
            Participant

              Soleil couchant


              Les ajoncs éclatants, parure du granit,
              Dorent l’âpre sommet que le couchant allume ;
              Au loin, brillante encor par sa barre d’écume,
              La mer sans fin commence où la terre finit.

              A mes pieds c’est la nuit, le silence. Le nid
              Se tait, l’homme est rentré sous le chaume qui fume.
              Seul, l’Angélus du soir, ébranlé dans la brume,
              A la vaste rumeur de l’Océan s’unit.

              Alors, comme du fond d’un abîme, des traînes,
              Des landes, des ravins, montent des voix lointaines
              De pâtres attardés ramenant le bétail.

              L’horizon tout entier s’enveloppe dans l’ombre,
              Et le soleil mourant, sur un ciel riche et sombre,
              Ferme les branches d’or de son rouge éventail.

              #146172
              VictoriaVictoria
              Participant

                La Trebbia


                L’aube d’un jour sinistre a blanchi les hauteurs.
                Le camp s’éveille. En bas roule et gronde le fleuve
                Où l’escadron léger des Numides s’abreuve.
                Partout sonne l’appel clair des buccinateurs.

                Car malgré Scipion, les augures menteurs,
                La Trebbia débordée, et qu’il vente et qu’il pleuve,
                Sempronius Consul, fier de sa gloire neuve,
                A fait lever la hache et marcher les licteurs.

                Rougissant le ciel noir de flamboîments lugubres,
                A l’horizon, brûlaient les villages Insubres ;
                On entendait au loin barrir un éléphant.

                Et là-bas, sous le pont, adossé contre une arche,
                Hannibal écoutait, pensif et triomphant,
                Le piétinement sourd des légions en marche.

                #146173
                VictoriaVictoria
                Participant

                  Le Récif de corail


                  Le soleil sous la mer, mystérieuse aurore,
                  Éclaire la forêt des coraux abyssins
                  Qui mêle, aux profondeurs de ses tièdes bassins,
                  La bête épanouie et la vivante flore.

                  Et tout ce que le sel ou l’iode colore,
                  Mousse, algue chevelue, anémones, oursins,
                  Couvre de pourpre sombre, en somptueux dessins,
                  Le fond vermiculé du pâle madrépore.

                  De sa splendide écaille éteignant les émaux,
                  Un grand poisson navigue à travers les rameaux ;
                  Dans l’ombre transparente indolemment il rôde ;

                  Et, brusquement, d’un coup de sa nageoire en feu
                  Il fait, par le cristal morne, immobile et bleu,
                  Courir un frisson d’or, de nacre et d’émeraude.

                  #146174
                  VictoriaVictoria
                  Participant

                    Antoine et Cléopâtre


                    Tous deux ils regardaient, de la haute terrasse,
                    L’Égypte s’endormir sous un ciel étouffant
                    Et le Fleuve, à travers le Delta noir qu’il fend,
                    Vers Bubaste ou Saïs rouler son onde grasse.

                    Et le Romain sentait sous la lourde cuirasse,
                    Soldat captif berçant le sommeil d’un enfant,
                    Ployer et défaillir sur son coeur triomphant
                    Le corps voluptueux que son étreinte embrasse.

                    Tournant sa tête pâle entre ses cheveux bruns
                    Vers celui qu’enivraient d’invincibles parfums,
                    Elle tendit sa bouche et ses prunelles claires ;

                    Et sur elle courbé, l’ardent Imperator
                    Vit dans ses larges yeux étoilés de points d’or
                    Toute une mer immense où fuyaient des galères.

                    #146175
                    VictoriaVictoria
                    Participant

                      Brise marine


                      L’hiver a défleuri la lande et le courtil.
                      Tout est mort. Sur la roche uniformément grise
                      Où la lame sans fin de l’Atlantique brise,
                      Le pétale fané pend au dernier pistil.

                      Et pourtant je ne sais quel arome subtil
                      Exhalé de la mer jusqu’à moi par la brise,
                      D’un effluve si tiède emplit mon coeur qu’il grise ;
                      Ce souffle étrangement parfumé, d’où vient-il ?

                      Ah ! Je le reconnais. C’est de trois mille lieues
                      Qu’il vient, de l’Ouest, là-bas où les Antilles bleues
                      Se pâment sous l’ardeur de l’astre occidental ;

                      Et j’ai, de ce récif battu du flot kymrique,
                      Respiré dans le vent qu’embauma l’air natal
                      La fleur jadis éclose au jardin d’Amérique.

                      #146176
                      VictoriaVictoria
                      Participant

                        Le Chevrier


                        Ô berger, ne suis pas dans cet âpre ravin
                        Les bonds capricieux de ce bouc indocile ;
                        Aux pentes du Ménale, ou l’été nous exile,
                        La nuit monte trop vite et ton espoir est vain.

                        Restons ici, veux-tu ? J’ai des figues, du vin.
                        Nous attendrons le jour en ce sauvage asile.
                        Mais parle bas. Les Dieux sont partout, ô Mnasyle !
                        Hécate nous regarde avec son oeil divin.

                        Ce trou d’ombre là-bas est l’antre où se retire
                        Le Démon familier des hauts lieux, le Satyre ;
                        Peut-être il sortira, si nous ne l’effrayons.

                        Entends-tu le pipeau qui chante sur ses lèvres ?
                        C’est lui ! Sa double corne accroche les rayons,
                        Et, vois, au clair de lune il fait danser mes chèvres !

                        #142138
                        VictoriaVictoria
                        Participant
                          #146177
                          VictoriaVictoria
                          Participant

                            Sur le Livre des Amours de Pierre de Ronsard


                            Jadis plus d’un amant, aux jardins de Bourgueil,
                            A gravé plus d’un nom dans l’écorce qu’il ouvre,
                            Et plus d’un coeur, sous l’or des hauts plafonds du Louvre,
                            A l’éclair d’un sourire a tressailli d’orgueil.

                            Qu’importe ? Rien n’a dit leur ivresse ou leur deuil.
                            Ils gisent tout entiers entre quatre ais de rouvre
                            Et nul n’a disputé, sous l’herbe qui les couvre,
                            Leur inerte poussière à l’oubli du cercueil.

                            Tout meurt. Marie, Hélène et toi, fière Cassandre,
                            Vos beaux corps ne seraient qu’une insensible cendre
                            – Les roses et les lys n’ont pas de lendemain -

                            Si Ronsard, sur la Seine ou sur la blonde Loire,
                            N’eût tressé pour vos fronts, d’une immortelle main,
                            Aux myrtes de l’Amour le laurier de la Gloire.

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