L’intelligence artificielle fait son entrée sur Litterature audio

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13 sujets de 1 à 13 (sur un total de 13)
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    Messages
  • #340112
    Bruant d'AlmevalBruant d’Almeval
    Participant

      Un sujet, ici même, il n’y a pas si longtemps évoquait les progrès de l’IA en matière de lectures audio. Certains et certaines d’entre nous s’inquiétaient de ce progrès. J’ai cru comprendre en consultant la section essai, que les administrateurs avaient décliné parfois les offres qui leur étaient faites de technologies permettant de générer articificiellement des livres audios.

      Pourtant, j’ai très récemment découvert que l’illustration par IA avait fait son entrée sur les enregistrements.

      Ma question est la suivante : existe-t-il des formes d’art ou de création qui n’en vaudraient pas d’autres, et pour lesquelles le recours aux petits robots serait donc toléré, quand il ne l’est pas pour les autres ?

      Pour ma part, il me semble que le problème est plus vaste. Légitimiser le recours à cette forme de production d’oeuvres aujourd’hui, quelque soit leur forme, revient à ouvrir la boîte de Pandore. Pour mieux dire encore : se tirer une balle dans le pied. Puisque nous sommes entre amateurs et défenseurs de la culture litéraire (si ce n’est des arts), laissez-moi vous mettre devant cette éventualité : et si demain, on mettait en rayon des livres produits par IA ? Et plus loin encore : et si demain, la parole humaine, le geste artistique n’étaient plus, supplantés par des formes de production culturelle (auraient-elles encore seulement droit à cette appellation ?) bien plus rentables, faciles à normées et à instrumentaliser.

      Peut-être que tout se joue aujourd’hui, finalement ? Car il ne faut rien attendre de nos gouvernants sur ce plan, je le crains…

      J’avoue, pour avoir fait des arts plastiques et graphiques mon métier, y ayant voué mes moindres instants de vie durant des années, ne pas être tout à fait partial sur la question (et peut-être, penserez-vous, sensible outre mesure ?).

      Quoiqu’il en soit, j’aimerais beaucoup connaître la position des administrateurs de Litterature audio à ce sujet (et de toute autre personne intéressée à donner son point de vue).

      Bien cordialement,

      Bruant

      #340789
      Vincent de l'ÉpineVincent de l’Épine
      Maître des clés

        Bonjour Bruant,
        C’est un vaste débat qui va demander réflexion.
        Je pense comme vous qu’il faut favoriser la création humaine. L’intelligence artificielle apportera peut-être quelque chose de bon dans nos sociétés (encore que pour l’instant je ne vois pas encore bien quoi, à part pérenniser l’activité de Pole Emploi), mais je pense qu’on tombera tous assez facilement d’accord sur le fait qu’il faut autant que possible la bannir des créations artistiques.

        Sans avoir d’effet rétroactif, je pense que nous pourrions peut-être décider ici de ne pas avoir recours à des images, musiques, textes, produits par une I.A.
        Nous pourrions en décider collectivement, et refuser les productions de nos amies les machines tout comme nous refusons celles qui ne sont pas libres de droits.
        Ce n’est qu’une suggestion et elle n’engage que moi ; j’aimerais que chacun donne son avis.
        Encore faudra-t-il bien sûr être capable de les identifier. L’union européenne travaille sur un texte qui pourrait sortir en 2025 et pourrait comporter l’obligation de signaler les productions faites par une I.A…. mais pour l’instant, il n’y a rien d’obligatoire je crois.

        Merci d’avoir ouvert ce débat…

        Vincent

        #340794
        Pauline PuccianoPauline Pucciano
        Maître des clés

          Bonjour Bruant,

          Etant donné que l’illustration de l’Enceinte du Monde est concernée, je vous réponds. C’est un débat, en effet, que j’ai eu aussi avec moi-même. Il ne s’agit pas de hiérarchiser les arts, mais nous sommes un site dédié à la littérature et non aux arts visuels, et nous faisons déjà tellement d’efforts pour faire vivre la littérature avec le plus d’humanité possible, qu’il m’a paru que le recours à des images générées par l’IA pouvait être moralement toléré, comme une concession à la modernité. Au demeurant, l’outil informatique a déjà beaucoup imprégné les arts visuels, et je trouve que le “saut” proposé par l’IA en cette matière n’est pas aussi grand qu’il le serait pour la littérature.

          Cependant, afin d’éviter définitivement toute polémique, et parce que je fais partie des contributeurs, je préfère retirer tout de suite les images concernées et je suivrai, bien sûr, l’impératif catégorique humaniste que vous avez eu raison de rappeler.

          #340855
          Augustin BrunaultAugustin Brunault
          Maître des clés

            Bonjour Bruant,

            À titre personnel je ne vois pas de problème particulier à intégrer des formes d’IA aux illustrations du site, dès lors que le résultat est bon. Au même titre que Photoshop peut être utilisé, ou des sites pour coloriser automatiquement une image (qui doivent faire appel aussi à de l’IA pour la reconnaissance des formes en jeu). Et par exemple, l’illustration de L’Enceinte du monde était très belle et adaptée ! Je regrette qu’elle ait été retirée.

            Je comprends bien la valorisation du geste manuel mais je ne pense pas qu’il soit remis en cause dans sa valeur propre : un dessin d’enfant aura toujours une valeur affective spécifique par rapport à une création sur ordinateur. Je pense également que la limite entre geste manuel et assistance par ordinateur est franchie depuis bien longtemps ! Si l’on rentre dans une logique de purisme, alors doit-on mettre de côté les retouches photos, les logiciels de création incluant toutes sortes d’assistants virtuels, etc. ?

            Pour ce qui est des livres audio lus par IA, jusqu’à présent le résultat (en tout cas de ce que j’ai pu écouter) est en fait déjà tout simplement moins bon que celui d’une voix humaine, et ne transmet pas les mêmes émotions. Peut-être que cela évoluera à l’avenir ! Il faut malgré tout saluer cette avancée pour les personnes non-voyantes ou malvoyantes, ou même pour les personnes ayant subi une laryngectomie, etc. parce qu’une synthèse vocale au plus près d’une voix humaine incarnée leur apportera de grands bénéfices. Peut-être allons-nous devenir “vintage” lorsque la technologie aura pris son essor ! (un PDF suffira et on pourra alors choisir de le faire lire son DDV préféré sans qu’il lève le petit doigt ^^)

            Bonne journée,

            Augustin

            #340912
            BruissementBruissement
            Participant

              Coucou,
              Je suis entièrement d’accord avec Bruant et Vincent de l’Epine.
              La lecture par IA est atroce! d’une laideur à boycotter le récit dès les cinq minutes passées…. et cela même si la voix est agréable, la phrase bien articulée et d’un rythme parfait!
              On ressent une insensibilité froide, lointaine, on a l’impression que le texte est inepte tant le locuteur semble ne rien comprendre!!!

              Oui, je sais d’aucuns demandent que le Donneur de Voix, lui-même, s’approche de cette contreperformance, en s’effaçant devant le texte, pour que, dit-on, l’auteur ait toute sa place!!!
              Voilà bien une incongruité qui m’a toujours frappée: qui peut croire un instant qu’un auteur voudrait que son récit fut lu de façon détachée et insensible comme s’il n’était point compris??? Naturellement des déclamations outrées et intempestives peuvent aussi montrer que l’auteur n’est pas plus compris.
              Il y a donc une IH (intelligence humaine) indispensable qui prend la mesure du texte et le restitue au mieux, dans sa rationalité et son aspect émotionnel
              .
              Il y a aussi cette délicieuse IH qui correspond à la personnalité du lecteur et qui fait que certains vont nous faire des récits “ronrons” (une phrase lancée d’une façon et terminée d’une autre se reproduit à l’infini, quel que soit le sujet), d’autres vont avoir une accentuation particulière, d’autres font du punching ball avec les mots qui sont envoyés à la va comme je te pousse ou avec une expression de pensive interrogation de temps à autre etc… et voilà du vivant, de l’humain, de la variété, de la connivence, des habitudes particulières, voilà du singulier, du non-reproductible…
              Et… si l’IA le reproduisait (car cela serait évidemment possible) c’est ce qu’on pourrait appeler de la contrefaçon!
              Alors préférons l’original!

              Je reconnais bien volontiers que l’illustration sur le beau texte de Pauline était ravissante… mais n’ayant point de compétence en la matière je ne me permettrais que cet avis: restons-en au plus précieux: l’IH… et grand merci, chère Pauline d’avoir eu le courage de vous en priver.

              En ces temps où l’écologie s’émeut pour les espèces animales en voie de disparition, ne pourrions-nous être légitimes à nous préoccuper d’une possible disparition de l’être humain…. car sans le plus précieux de ses biens, son intelligence, qu’est-il?

              Vous nous montrez, cher Augustin, l’intérêt de l’IA dans certains domaines, et vous avez raison. Je conçois fort bien qu’il faille l’utiliser dans ces cas-là, c’est-à-dire quand l’IH est démunie.
              Cependant, partout où l’IH est possible, partout où elle exerce ses pouvoirs fructueux, qu’elle ne soit point remplacée ni même secondée par sa contrefaçon, surtout en ce qui concerne les lectures où la contrefaçon est franchement grossière. Quant à la voix de synthèse pour les malvoyants, elle est insupportable! Que n’a-t-on utilisé une voix humaine! Vraiment! En place d’une voix mécanique, saccadée, à rendre dépressif un joyeux luron!

              Je plaide pour éviter d’ouvrir la boîte de Pandore.

              #340916
              Augustin BrunaultAugustin Brunault
              Maître des clés

                Bonjour Bruissement,

                La technologie a fait d’énormes progrès ces dernières années et il est clair que l’ancienne voix de synthèse pour malvoyants est aujourd’hui largement dépassée ! (même s’il faudra encore un peu de temps pour que toutes ces avancées deviennent véritablement grand public) Les développements sont tels qu’il n’est plus très facile de distinguer un enregistrement audio original d’un audio réalisé avec IA (c’est d’ailleurs le problème des deep fakes, voir par exemple en anglais : https://youtu.be/VX7jwfgs0w0?si=9Hw4llVj6aizvB0Q).

                Pour ce qui est de la lecture de textes, je suis d’accord qu’au-delà du timbre, de nombreux paramètres liés au sens et à la vie du texte restent encore inaccessibles aux machines, d’où l’intérêt d’une lecture humaine personnelle et incarnée. Au-delà de la perfection technique aussi, nous pouvons être attachés sentimentalement à telle ou telle voix, et aussi au fait que derrière la voix se trouve bel et bien une personne en chair et en os, avec sa sensibilité, sa subjectivité, qui a donné de son temps pour offrir cet enregistrement, et avec qui il est possible d’échanger ! (par exemple à travers l’espace des commentaires) Tout cela est évidemment chargé de sens.

                En tout cas, pour ce qui est des enregistrements, je peux rassurer tout le monde sur le fait que je vois bien le sens de notre site comme de partager des voix humaines originales. (si l’on passait à l’IA sur ce point, alors la notion même de bibliothèque perdrait de son sens ; il s’agirait plutôt de générer des mp3s à la volée selon tels ou tels critères souhaités – or tout cela relève davantage d’une application de synthèse vocale, qui lirait à partir d’un document numérique, que d’un site de livres audio en soi)

                Le débat sur ce fil porte plutôt sur le recours ponctuel possible à l’IA en matières d’illustrations : ce qui en pratique est déjà le cas à travers l’utilisation de divers logiciels, par exemple de retouche photo.

                à bientôt !

                Augustin

                #341028
                SSAUTILLANT
                Participant

                  @ Cool PAULINE P. … Bonjou…

                  … le climat de votre île ” charmeuse de serpents ” ?… Cool… cool… vous êtes…
                  Personnellement… je ne vois dans IA… telle qu ‘ elle se présente pour le moment… qu’ un outil… la pointe extrême de cet hameçon… pointé par le doigt de Tchouang Tseu… qu ‘ un jour AHIKAR… livra à notre réflexion… Ou le seau et le balai de… l’ apprenti sorcier !
                  Aïe aïe aïe… si la sorcellerie n ‘ est pas maîtrisée ! … Affaire en cours !… Restons sur le qui vive …
                  Je suis d’ accord avec vous… la question se pose différemment pour les textes et les images…
                  En la circonstance… l ‘ image que vous proposez… s’ accorde parfaitement avec votre poème… Un fruit que vous n ‘ avez eu qu’ à cueillir ( la vision idyllique des îles enchantées et… enchanteresses ! )… un genre de… ” ready made “… Qu ‘ elle n’ ait été produite par un peintre… un dessinateur… un photographe… ne me gêne en rien… Les reproductions de tableaux ou dessins ou photos… dont les ddv illusternt leurs lectures sont tout autant… données… Le ddv n ‘ a fait l’ effort … creatif !… que de marier… Votre mariage … creatif ! … cela seul importe … est heureux… pourquoi l ‘ annuler ?
                  Cool… cool… PAULINE P. … mes amitiés…

                  #341030
                  SSAUTILLANT
                  Participant

                    @ Cool… cool… PAULINE P. …

                    Puisque votre resolution semble prise… pourquoi pas… le foetus de. ” 2001… “… ou une ” annonciation ” ? … Je n ‘ ose vous suggérer… le dessin humoristique… d’ un polichinelle dans le tiroir !… 😉😊😇…

                    #341202
                    GaëlleGaëlle
                    Maître des clés

                      Bonjour à tous et toutes,

                      A titre personnel, j’ai des réticences à utiliser les outils d’intelligence artificielle générative , tels DALL-e ou Midjourney, parce qu’il me semble que la question des droits d’auteurs sur ces images n’est pas claire ; il a été prouvé que ces outils ont récupéré des images sans aucune discrimination, qui n’étaient pas toutes libres de droits.

                      Par contre, je n’ai aucun état d’âme à utiliser les outils d’IA d’assistance au traitement des images (amélioration de la résolution, correction des couleurs, suppression de fond et autres magies noires) qui ne me semblent pas être basés sur la même technique d’apprentissage. Cela me permet d’avoir pour mes billets des illustrations qui correspondent à mes envies, sans compétence particulière en graphisme, en amateure.

                      De même, lorsqu’Audacity proposera des outils d’IA pour le traitement des enregistrements, tels la réduction dynamique du bruit de fond, la correction des saturations et des plosives, l’ajustement du volume et de la dynamique, je me précipiterai pour les tester et garder le plaisir de la lecture à voix haute en réduisant les tracas de la technique du son.

                      Je ne sais s’il faut adopter une règle pour cet usage de l’IA générative – car je pense que c’est bien celle dont il était question dans le premier message de Bruant – ou attendre les retours d’un règlement national ou européen pour prendre une décision éclairée. Mais ne bannissons pas l’IA sous toute ces formes pour les images, car alors ce serait ne considérer que seuls des professionnels ou des amateurs avertis ne pourraient proposer sur le site des illustrations originales de qualité. Je conçois toutefois que les développements de l’IA dans les outils de traitement des images rendront peu à peu bien floue la distinction entre simple « assistance » à la création et/ou à l’amélioration et la personnalisation du rendu, et « génération » de contenu.

                      Mes cordiales et très humaines salutations à tous !
                      Gaëlle

                      #343539
                      Bruant d'AlmevalBruant d’Almeval
                      Participant

                        Bonjour à toutes et tous,

                        Je vous remercie d’être intervenus ici en toute cordialité. Pour conclure (je pense !) ce fil de commentaire, je tenais à remercier Gaëlle, Bruissement et Vincent qui ont compris le sens de mon message, et le fond de mes inquiétudes.

                        Cher Augustin, sans apporter aucune contradiction aux éléments que vous avez porté à notre attention, je me permets de préciser qu’ils ne sont pas parfaitement dans le sujet. En effet, nulle et nul ne saurait nier qu’elle ou il utilise au quotidien et sans même s’en apercevoir l’IA, puisque la plupart des logiciels y ont recours pour mener des tâches que l’on pourrait nommer “technique”. C’est effectivement le cas , comme vous l’avez souligné, de Photoshop et de beaucoup d’autres logiciels de traitement d’image ou de PAO. C’est un logiciel de ce type que j’utilise pour produire mes propres illustrations pour Littérature audio. Ces logiciels permettent en outre de simplifier certaines tâches de création pour les personnes empêchées à certaines de ces tâches pour des raisons multiples (quipeuvent être physiques)…

                        Pourtant dans le cas qui nous intéressait ici – celui des plateformes de génération d’illustration par IA – nous ne parlons plus de cela, mais d’outils qui prennent en charge la conception de A à Z, en allant puiser des images “on ne sait où” (mais sans aucun respect des droits relatifs à ces images, il y a tout lieu de le croire !), ainsi que l’a très justement précisé Gaëlle.

                        En tant qu’artiste, cela me heurte doublement : pour la menace que représentent ces technologies pour les métiers de la création graphique (n’importe qui peut produire une image fort flatteuse en quelques pianotement de claviers, là où des heures ou des jours sony nécessaires à un artiste ayant consacré des années d’études à un art dont dépend sa subsistance) et pour la violation des droits des artistes graphiques que les IA vont piller sans retenue…

                        Je tiens à partager avec vous un extrait d’un article de Guillaume Morel, paru dans le magasine en ligne “Connaissance des Arts” du 24 Novembre dernier :

                        “L’ADAGP a accompagné l’émergence fulgurante des NFTs, qu’en est-il aujourd’hui avec l’intelligence artificielle ?

                        M.-A. F.-F. : En 2021, le phénomène NFT a créé un marché et de la spéculation. L’ADAGP a analysé le sujet, identifiant les zones où la création et la circulation des NFTs mettaient en jeu le droit d’auteur. On a publié un guide pour les artistes. Aujourd’hui, la technologie qui interroge le droit d’auteur, c’est l’IA générative. Elle a émergé à l’été 2022 avec des services en ligne gratuits qui permettent de générer des images qui ressemblent à de la peinture, de la photo, du dessin… Les IA sont alimentées par de vraies œuvres, sous droits, sans que les auteurs ne soient rémunérés. L’ADAGP en appelle à une régulation. Nous avons émis des préconisations auprès des décideurs français et européens.”

                        Pour information, l’ADAGP est l’association qui gère (et défend !) les droits des auteurs et artistes des domaines des arts graphique et plastique en France (dont les miens !). On trouvera un dossier très intéressant concernant la demande émise par l’ADAGP pour une régulation des droits par rapport à l’IA, ici : https://www.adagp.fr/fr/actualites/ia-et-droit-dauteur-ladagp-en-appelle-une-regulation-sur-trois-points.

                        Peut-être, Augustin, devriez-vous y jeter un oeil pour envisager vous-même une éventuelle régulation ?

                        Enfin, je voulais conclure ce message en précisant que j’ai choisi de composer mes propres illustrations de lectures à partir d’oeuvres du domaine public, afin de rendre hommage à de grand artistes du passé, pensant prolonger ainsi le concept de lectures d’oeuvres du domaine classique. Si j’ai recours à des outils numériques, je reste le maître à bord dans le moindre des choix graphique et de sources que j’effectue.

                        J’ai été un peu long, et je m’en excuse.

                        Je vous souhaite à toutes et tous une très bonne soirée et de bonnes fêtes de fin d’année.

                        Cordialement,

                        Bruant

                        #343541
                        Augustin BrunaultAugustin Brunault
                        Maître des clés

                          Bonsoir Bruant,

                          Je vous ai fait ma première réponse dans la continuité je crois de votre premier message, que j’ai compris d’abord comme un questionnement presque philosophique sur la légitimité de l’intervention de l’IA dans l’acte humain de création. Vous n’y faisiez pas référence à la question des droits d’auteur, ni spécifiquement à l’IA générative, et les autres premières réponses jusqu’à celle de Gaëlle sont aussi restées plutôt générales.

                          Je comprends donc que vous soulevez finalement 2 questions distinctes :

                          1) s’il y a bien une différence de nature entre l’IA générative et l’IA utilisée à des fins de traitement des images (l’une se substituant au processus de création humain, l’autre ne faisant que l’accompagner), doit-on s’abstenir (indépendamment de la question des droits, en imaginant par exemple qu’un IA générative puisse s’entraîner uniquement sur des oeuvres libres de droit) d’avoir recours à l’IA générative en général, au nom notamment de la concurrence déloyale avec les artistes humains pour qui le processus de création prend beaucoup plus de temps ?

                          Ce sujet je crois n’est au fond pas nouveau et s’inscrit dans celui plus vaste du rapport aux progrès techniques avec ses avantages et inconvénients. On peut penser par exemple à l’invention de la photographie (procédé mécanique et quasi immédiat) qui a concurrencé les peintres portraitistes au XIXe siècle. Il me semble que dans l’histoire humaine, notamment récente avec le processus d’industrialisation, peu de pays/communautés ont jamais régulé en ce sens, en interdisant par exemple la production industrielle de tel ou tel bien. L’abaissement des coûts et des délais par la mécanisation a souvent été choisi pour le plus grand nombre par rapport à la préservation de tel corps de métier traditionnel à large échelle. L’objet artisanal dans les sociétés modernes demeure, mais plutôt comme une préférence individuelle que comme la seule possibilité légale. Il existe en quelque sorte comme l’exception, donc comme une chose plus rare, ayant une valeur spéciale (et au-delà du seul aspect marchand). Qui peut continuer à exister au-delà des seuls mécanismes de marché grâce à des financements privés (ex. mécènes) ou publics (ex. subventions publiques), qui voient la valeur et le sens de cette préservation.

                          Bien sûr au niveau philosophique de la question il y a des critiques de la sorte de désenchantement, voire de la subversion du sens de l’existence proprement humaine, créé par une telle massification et mécanisation de la production : ainsi Heidegger quand il parle de la technique moderne non plus comme simple fabrication (ce qu’est la techné grecque) mais comme « provocation » ou mise en demeure adressée à toutes choses d’apparaître comme un fonds ou un stock disponible. Ainsi également Rilke (personne que j’affectionne particulièrement) quand il écrit : « Pour nos grands-parents encore, une “maison”, une “fontaine”, une tour familière, et même leurs habits, étaient infiniment plus, infiniment plus familiers, chaque chose ou presque un réceptacle dans lequel ils trouvaient de l’humain et en épargnaient. Aujourd’hui, l’Amérique nous inonde de choses vides, indifférentes, de pseudo-choses, d’attrapes de vie… Une maison, au sens américain, une pomme ou une grappe de raisin américaines, n’ont rien de commun avec la maison, le fruit, la grappe qu’avaient imprégnées les pensives espérances de nos aïeux… Les choses douées de vies, les choses vécues, conscientes de nous, sont sur leur déclin et ne seront pas remplacées. Nous sommes peut-être les derniers qui auront connu encore de telles choses. Nous avons la responsabilité de sauvegarder non seulement leur souvenir (ce serait peu de chose, et bien peu sûr), mais leur valeur humaine et larique (au sens des divinités du foyer). »

                          2) la question des droits et plus spécifiquement : le droit d’auteur doit-il couvrir aussi l’utilisation pour l’entraînement de l’IA des oeuvres protégées par le droit d’auteur ?

                          Sur cette question, je vais paraître peut-être provocateur mais il me semble que ce n’est pas en soi le cas pour les créateurs humains : en dehors de la question du plagiat (or l’IA générative ne peut être réduite à du plagiat, puisqu’il y a précisément une dimension de recomposition dynamique, de génération), chacun en effet est libre de se nourrir et s’inspirer de toutes les oeuvres qu’il découvre, y compris celles qui ne sont pas libres de droit. Sur ce point l’entraînement / l’input de l’IA ne semble donc pas nécessairement une différence de nature mais plutôt de degré (avec un usage des données beaucoup plus massif et rapide que ce que peut traiter un cerveau humain). D’ailleurs une forme de rémunération des artistes pour l’accès à ces oeuvres couvertes par le droit d’auteur existe déjà en quelque sorte : via l’achat du support, du livre, l’accès à l’exposition, etc.

                          La spécificité du data-mining utilisé par l’IA pose bien sûr des questions nouvelles au législateur, et la question est d’autant plus complexe que le droit n’est pas le même selon les pays. Ainsi un logiciel d’IA entraîné aux Etats-Unis selon les normes du droit américain (plus permissif avec le “fair use”) peut-il être légalement utilisé en Europe ? Si c’est le cas de logiciels aussi répandus que Photoshop, est-il réaliste de s’en passer ? etc.

                          Sur ce sujet des droits d’auteur relatifs à l’entraînement de l’IA aussi : est-ce bien certain que l’IA non générative (type Photoshop jusqu’à présent, bien que le logiciel inclura fatalement de plus en plus d’IA générative aussi) n’a pas recours non plus à des contenus protégés par le droit d’auteur pour s’entraîner ? La frontière est-elle si nette ?

                          Et si l’on veut faire de l’interdiction de l’entraînement des IA par des données protégées par le droit d’auteur une règle vraiment générale et universelle, ce qu’est censé être une règle juridique, indépendamment des supports ou domaines concernés : quid également des sites de traduction assistée type deepl.com (qui peuvent être utilisés dans les traductions sur LA), sait-on au juste quels sont leurs supports d’apprentissage ? Quid de Google (que chacun utilise de fait) ? etc.

                          Je reconnais volontiers que tous ces sujets juridiques sont d’une grande complexité et me dépassent. (voir par exemple : https://valohai.com/blog/copyright-laws-and-machine-learning/)

                          Pour ce qui est de LA je suis ainsi partisan de :
                          – laisser le législateur faire son travail d’investigation et de régulation, donc pour nous respecter le droit (en suivant bien sûr son évolution),
                          – et laisser la possibilité de mesures plus restrictives (motivées par des choix éthiques ou socio-économiques personnels) à l’appréciation individuelle.

                          Joyeuses fêtes à toutes et tous 🙂

                          Augustin

                          #346216
                          Augustin BrunaultAugustin Brunault
                          Maître des clés

                            L’avis du créateur du fameux studio Ghibli, Hayao Miyazaki :

                            https://www.fredzone.org/ce-que-pense-hayao-miyazaki-412533 _/ \_ 🙂

                            #346234
                            Bruant d'AlmevalBruant d’Almeval
                            Participant

                              Merci, Augustin !
                              Et aussi, pour qui cela intéresse, et qui se soucie de l’avenir des créateurs, cet article figurant sur le site de l’ADAGP (association gérant les droits des auteurs du champ des arts graphiques) et faisant état des demandes en cours concernant la régulation de l’IA dans ce domaine :
                              http://www.adagp.fr/fr/actualites/ia-et-droit-dauteur-ladagp-en-appelle-une-regulation-sur-trois-points

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