PAULINE PUCCIANO – L’Enceinte du Monde

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  • #340010
    Pauline PuccianoPauline Pucciano
    Maître des clés

      L’enceinte du monde

      1 .
      De l’autre côté de ma peau
      Tournoie un monde silencieux
      Aflleurement de signes indéchiffrables
      Trajectoire amorcée dans le cercle
      minuscule et infini
      de mon ventre
      Des poussières d’étoiles se multiplient
      et s’agrègent
      En des formes rêvées et lumineuses
      Scintillant dans la nuit de ma chair,
      L’espace est clos
      la frontière se courbe
      l’univers est passé à l’intérieur
      Le mystère souterrain s’accomplit dans un frisson
      Et je deviens lieu

      2 .

      Je suis là, immobile, traversée
      Par une force supérieure à celle des corps célestes
      Univers clos dans l’univers ouvert
      Entre mon passé de destination et mon avenir d’origine
      Mon regard se perd dans le miracle
      Mes lèvres sourient des larmes
      Que je voudrais verser à genoux
      Car l’indicible à l’œuvre
      M’effleure et me fait rayonner
      De sa grâce inouïe

      3.

      En moi se croisent héritages et recommencements,
      ancêtres à venir,
      mort et vie,
      en moi la chair se métamorphose et se multiplie
      l’intérieur devient l’extérieur
      et soudain, mon sang charrie la mer.
      Les neuf mois de la lune sont neuf millions d’années
      qui s’ouvrent devant nous
      Et la route tracée est celle d’un éveil
      Je suis ce chemin où se croisent héritages et recommencements
      Cette obscurité où l’un se métamorphose en multiple
      Cette frontière qui s’efface entre dedans et dehors
      Je suis les ténèbres organiques
      Et la clarté qui en surgira
      Impossible, inattendue, émerveillée d’elle-même
      Fragile

      4.

      J’écoute l’immense fable sans paroles qui se répète en moi
      J’écoute cet écho de milliards d’autres naissances
      J’entends son accent étrange
      Mon esprit rendu muet par la grandeur
      Devient témoin et complice de ma chair –
      Elle, souveraine, indépendante, magique,
      Accomplit les rituels séculaires,
      Met en marche la machine endormie,
      Et secoue l’univers de son pouvoir aveugle.
      Sorcière ou déesse, surhumaine au fond de moi,
      Elle s’est installée dans mon sang.

      5.

      Sur les vagues de ma faiblesse
      Je roule, insubmersible
      Bateau vivant qui transporte en son sein
      Le secret d’un prince étranger
      Ivre de départ,
      Je tangue,
      Le mal de mer me berce de son roulis perpétuel
      Vers le port où je l’amènerai sain et sauf.

      6.
      Angoisse de ce ventre caverneux
      obscur
      Au fond duquel la vie demeure tapie
      Invisible
      inaudible
      fragile
      Visions de mon corps transformé en tombeau
      D’un minuscule corps noyé se heurtant aux parois
      Recroquevillé
      à jamais inhumain
      Au centre de moi-même

      7.

      Aucun mot sans doute ne peut approcher cette infinie douceur
      le toucher incomparable, à nul autre pareil
      de sa peau
      sa peau que n’a frappée aucune lumière
      que n’a éraflée aucun souffle
      qui n’a jamais eu froid
      et qui n’a encore rien d’humain
      caresse éphémère d’un ange vierge du monde
      mouillé encore des eaux lustrales de la perfection
      et dont le regard d’huile bleue
      Entrouvre déjà
      Lumineuse
      la promesse d’une âme

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