RABEARIVELO, Jean-Joseph – Poésies

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  • #142654
    Augustin BrunaultAugustin Brunault
    Maître des clés
      #149663
      Augustin BrunaultAugustin Brunault
      Maître des clés

        RABEARIVELO, Jean-Joseph – Poésies



        Dernier Journal

        A l'âge de Guérin, à l'âge de Deubel,
        un peu plus vieux que toi, Rimbaud anté-néant,
        parce que cete vie est pour nous trop rebelle
        et parce que l'abeille a tari tout pollen,
        ne plus rien disputer et ne plus rien attendre,
        et, couché sur le sable ou la pierre, sous l'herbe,
        fixer un regard tendre
        sur tout ce qui deviendra quelque jour des gerbes.
        Fixer un regard tendre ! Tendresse de l'absence,
        dans le Néant, Néant auquel je ne crois guère.
        Mais est-il plus pure présence
        que d'être à toi rendu, ô Mère douce, ô Terre ?
        On se retrouvera tous dans ta solitude,
        et peuplée, et déserte ainsi que l'océan.
        Et chaque fois que ici-haut soufflera le vent du sud
        en bas l'on causera des survivants.
        Quelles racines de fleurs viendront alors nous boire
        pour calmer dans le soleil telle soif de fruits.
        Se pencheront sur nous les héliotropes du soir
        et viendra prendre de nos secrets le Bruit.
        Le Bruit, le Bruit humain – vaines rumeurs de coquillages
        pour les marins endormis du sommeil de la terre !
        Le Bruit, le Bruit humain, toujours le même à travers les âges
        et qui ne se dépouille que chez les morts d'un peu de vos misères.
        Mais déjà je sens l'odeur  de la poussière
        et des herbes; déjà j'entends l'appel de ma fille;
        ah ! pour peu que l'oubli n'ait pas cerné vos yeux de terre
        songez quelquefois à nous dans nos grottes tranquilles !
        Et que ce ne soit pas pour verser des larmes
        près de nos portes closes par le silence !
        Que ce soit pour penser qu'il n'y aura quelque charme,
        un jour, à être guidés par nous dans la fin immense.

        #149664
        Augustin BrunaultAugustin Brunault
        Maître des clés

          Mesure du temps

          Impitoyable chasse
          où tout le jour se passe
          selon cette ombre errant
          sur le cadran.

          Pierre Camo

          1, 2, 3-12:
          le soleil sort à peine de son bain
          et ruisselle encore d'eau marine
          aux portes du ciel –
          ainsi jusqu'aux ablations de la lune
          dans les fontaines.

          1, 2, 3-12:
          Qu'est-ce ? C'est peut-être mon petit garçon qui apprend à compter ?
          – Mais il a depuis longtemps dépassé le nombre des apôtres !

          Et cette aiguille sans chas
          cette aiguille qui cherche une issue dans sa prison de verre
          Tandis que se dispersent les troupeaux stellaires,
          puis rentrent dans leur parcage inconnu,
          Et cette aiguille sans chas,
          que fait-elle ? Rassemble-t-elle les morceaux du temps
          pour en vêtir l'Eternité ?
          – Mais ma petite fille a déjà monté combien de robes pour sa poupée ?

          1, 1-2, 2-3, 3-12, 12:
          selon la fuite du temps
          harponné vainement par l'aiguille !

          Où sont les sages, où sont les simples !
          Ils mesuraient le temps d'après la vie des bêtes
          et l'odeur des plantes:
          la grenouille se réveille, le coq chante,
          l'oiseau des sables s'envole,
          les feuilles embaument.
          Surtout, d'après la place de l'ombre inséparable de l'homme vivant,
          d'après la place de cette âme visible,
          ils savaient mesurer le temps dont il venaient de triompher
          ou qui venait d'avoir raison d'eux.

          #149665
          Augustin BrunaultAugustin Brunault
          Maître des clés

            Iarive

            Salut, terre royale où mes aïeux reposent,
            grands tombeaux écroulés sous l'injure du temps:
            et vous, coteaux fleuris, que des fleuves arrosent
            avec leurs ondes d'or aux reflets éclatants !

            Salut, village rouge aux tuiles primitives
            sur lesquelles, parfois, bondit le beau levant;
            vieux murs que, le matin, de leurs chansons plaintives,
            les filles d'Imerne animent en rêvant !

            Je vous salue aussi, montagnes éternelles,
            immuables témoins de notre âge aboli,
            où l'on cherche à savoir ce que cachent en elles
            les pierres-des-anciens au fronton démoli !

            Je voudrais divertir mes pensées et mes rêves
            parmi vos grands débris et vos charmes mourants,
            et jouir près de vous de mes heures de trêves,
            ô Pays d'Inconnus, de Héros et de Grands !

            Au lever du soleil, les pâtres, les bergères
            chanteront au-dehors, précédant leurs troupeaux;
            les gammes de leurs chants, naïves et légères,
            berceront mollement mon somme et mon repos/

            Et lorsque soufflera la brise matinale
            à travers ma fenêtre en bois minces et bleus,
            je sortirai humer de la fleur vaginale
            l'encens doux et naissant et le parfum frileux;

            puis vers d'autres plaisirs s'en iront mes délices,
            et je viendrai bientôt, parmi les paysans,
            acclamer la moisson et fêter les prémices,
            en agitant dans l'air nos épis mûrissants.

            Mais soudain, me viendront les grandes faims mystiques,
            car vos ombres, mes morts, émigreront en moi,
            et, près de nos tombeaux aux murailles antiques,
            je courrai murmurer ces mots remplis d'émoi:

            “Ô mon vain coeur, c'est là, sous ces vastes ruines
            sur lesquelles s'abat un essaim de corbeaux,
            c'est là qu'enveloppé d'un manteau de bruines,
            un jour tu pourriras ! C'est là, dans ces tombeaux !”

            Vainement je tairai les sanglots de mon âme,
            ô Pays de repos, de trêve et de loisirs;
            trouverai-je jamais le magique dictame
            qui puisse, un long moment, combler mes déplaisirs ?

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