MOLIÈRE – L’Avare

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  • #152630

    ACTE V, SCÈNE III

    VALÈRE, HARPAGON, LE COMMISSAIRE, son CLERC, MAÎTRE JACQUES.

    HARPAGON.- Approche. Viens confesser l'action la plus noire, l'attentat le plus horrible, qui jamais ait été commis.

    VALÈRE.- Que voulez-vous, Monsieur?

    HARPAGON.- Comment, traître, tu ne rougis pas de ton crime?

    VALÈRE.- De quel crime voulez-vous donc parler?

    HARPAGON.- De quel crime je veux parler, infâme, comme si tu ne savais pas ce que je veux dire. C'est en vain que tu prétendrais de le déguiser. L'affaire est découverte, et l'on vient de m'apprendre tout. Comment abuser ainsi de ma bonté, et s'introduire exprès chez moi pour me trahir? pour me jouer un tour de cette nature?

    VALÈRE.- Monsieur, puisqu'on vous a découvert tout, je ne veux point chercher de détours, et vous nier la chose.

    MAÎTRE JACQUES.- Oh, oh. Aurais-je deviné sans y penser?

    VALÈRE.- C'était mon dessein de vous en parler, et je voulais attendre pour cela des conjonctures favorables; mais puisqu'il est ainsi, je vous conjure de ne vous point fâcher, et de vouloir entendre mes raisons.

    HARPAGON.- Et quelles belles raisons peux-tu me donner, voleur infâme?

    VALÈRE.- Ah! Monsieur, je n'ai pas mérité ces noms. Il est vrai que j'ai commis une offense envers vous; mais après tout ma faute est pardonnable.

    HARPAGON.- Comment pardonnable? Un guet-apens? Un assassinat de la sorte?

    VALÈRE.- De grâce, ne vous mettez point en colère. Quand vous m'aurez ouï, vous verrez que le mal n'est pas si grand que vous le faites.

    HARPAGON.- Le mal n'est pas si grand que je le fais! Quoi mon sang, mes entrailles, pendard?

    VALÈRE.- Votre sang, Monsieur, n'est pas tombé dans de mauvaises mains. Je suis d'une condition à ne lui point faire de tort, et il n'y a rien en tout ceci que je ne puisse bien réparer.

    HARPAGON.- C'est bien mon intention; et que tu me restitues ce que tu m'as ravi.

    VALÈRE.- Votre honneur, Monsieur, sera pleinement satisfait.

    HARPAGON.- Il n'est pas question d'honneur là-dedans. Mais, dis-moi, qui t'a porté à cette action?

    VALÈRE.- Hélas! me le demandez-vous?

    HARPAGON.- Oui, vraiment, je te le demande.

    VALÈRE.- Un dieu qui porte les excuses de tout ce qu'il fait faire: l'Amour.

    HARPAGON.- L'amour?

    VALÈRE.- Oui.

    HARPAGON.- Bel amour, bel amour, ma foi! L'amour de mes louis d'or.

    VALÈRE.- Non, Monsieur, ce ne sont point vos richesses qui m'ont tenté, ce n'est pas cela qui m'a ébloui, et je proteste de ne prétendre rien à tous vos biens, pourvu que vous me laissiez celui que j'ai.

    HARPAGON.- Non ferai, de par tous les diables, je ne te le laisserai pas. Mais voyez quelle insolence, de vouloir retenir le vol qu'il m'a fait!

    VALÈRE.- Appelez-vous cela un vol?

    HARPAGON.- Si je l'appelle un vol? Un trésor comme celui-là.

    VALÈRE.- C'est un trésor, il est vrai, et le plus précieux que vous ayez sans doute; mais ce ne sera pas le perdre, que de me le laisser. Je vous le demande à genoux, ce trésor plein de charmes; et pour bien faire, il faut que vous me l'accordiez.

    HARPAGON.- Je n'en ferai rien. Qu'est-ce à dire cela?

    VALÈRE.- Nous nous sommes promis une foi mutuelle, et avons fait serment de ne nous point abandonner.

    HARPAGON.- Le serment est admirable, et la promesse plaisante!

    VALÈRE.- Oui, nous nous sommes engagés d'être l'un à l'autre à jamais.

    HARPAGON.- Je vous en empêcherai bien, je vous assure.

    VALÈRE.- Rien que la mort ne nous peut séparer.

    HARPAGON.- C'est être bien endiablé après mon argent.

    VALÈRE.- Je vous ai déjà dit, Monsieur, que ce n'était point l'intérêt qui m'avait poussé à faire ce que j'ai fait. Mon cœur n'a point agi par les ressorts que vous pensez, et un motif plus noble m'a inspiré cette résolution.

    HARPAGON.- Vous verrez que c'est par charité chrétienne qu'il veut avoir mon bien; mais j'y donnerai bon ordre; et la justice, pendard effronté, me va faire raison de tout.

    VALÈRE.- Vous en userez comme vous voudrez, et me voilà prêt à souffrir toutes les violences qu'il vous plaira; mais je vous prie de croire, au moins, que s'il y a du mal, ce n'est que moi qu'il en faut accuser, et que votre fille en tout ceci n'est aucunement coupable.

    HARPAGON.- Je le crois bien, vraiment; il serait fort étrange que ma fille eût trempé dans ce crime. Mais je veux ravoir mon affaire, et que tu me confesses en quel endroit tu me l'as enlevée.

    VALÈRE.- Moi? je ne l'ai point enlevée, et elle est encore chez vous.

    HARPAGON.- Ô ma chère cassette! Elle n'est point sortie de ma maison?

    VALÈRE.- Non, Monsieur.

    HARPAGON.- Hé, dis-moi donc un peu; tu n'y as point touché?

    VALÈRE.- Moi, y toucher? Ah! vous lui faites tort, aussi bien qu'à moi; et c'est d'une ardeur toute pure et respectueuse, que j'ai brûlé pour elle.

    HARPAGON.- Brûlé pour ma cassette!

    VALÈRE.- J'aimerais mieux mourir que de lui avoir fait paraître aucune pensée offensante. Elle est trop sage et trop honnête pour cela.

    HARPAGON.- Ma cassette trop honnête!

    VALÈRE.- Tous mes désirs se sont bornés à jouir de sa vue; et rien de criminel n'a profané la passion que ses beaux yeux m'ont inspirée.

    HARPAGON.- Les beaux yeux de ma cassette! Il parle d'elle, comme un amant d'une maîtresse.

    VALÈRE.- Dame Claude, Monsieur, sait la vérité de cette aventure, et elle vous peut rendre témoignage…

    HARPAGON.- Quoi, ma servante est complice de l'affaire?

    VALÈRE.- Oui, Monsieur, elle a été témoin de notre engagement; et c'est après avoir connu l'honnêteté de ma flamme, qu'elle m'a aidé à persuader votre fille de me donner sa foi, et recevoir la mienne.

    HARPAGON.- Eh? Est-ce que la peur de la justice le fait extravaguer? Que nous brouilles-tu ici de ma fille?

    VALÈRE.- Je dis, Monsieur, que j'ai eu toutes les peines du monde à faire consentir sa pudeur à ce que voulait mon amour.

    HARPAGON.- La pudeur de qui?

    VALÈRE.- De votre fille; et c'est seulement depuis hier qu'elle a pu se résoudre à nous signer mutuellement une promesse de mariage.

    HARPAGON.- Ma fille t'a signé une promesse de mariage!

    VALÈRE.- Oui, Monsieur; comme de ma part je lui en ai signé une.

    HARPAGON.- Ô Ciel! autre disgrâce!

    MAÎTRE JACQUES.- Écrivez, Monsieur, écrivez.

    HARPAGON.- Rengrègement de mal! Surcroît de désespoir! Allons, Monsieur, faites le dû de votre charge, et dressez-lui-moi son procès, comme larron, et comme suborneur.

    VALÈRE.- Ce sont des noms qui ne me sont point dus; et quand on saura qui je suis…


    #152631

    ACTE V, SCÈNE IV

    ÉLISE, MARIANE, FROSINE, HARPAGON, VALÈRE, MAÎTRE JACQUES, LE COMMISSAIRE, son CLERC.

    HARPAGON.- Ah! fille scélérate! fille indigne d'un père comme moi! C'est ainsi que tu pratiques les leçons que je t'ai données! Tu te laisses prendre d'amour pour un voleur infâme, et tu lui engages ta foi sans mon consentement? Mais vous serez trompés l'un et l'autre. Quatre bonnes murailles me répondront de ta conduite; et une bonne potence me fera raison de ton audace.

    VALÈRE.- Ce ne sera point votre passion qui jugera l'affaire; et l'on m'écoutera, au moins, avant que de me condamner.

    HARPAGON.- Je me suis abusé de dire une potence; et tu seras roué tout vif.

    ÉLISE, à genoux devant son père.- Ah! mon père, prenez des sentiments un peu plus humains, je vous prie, et n'allez point pousser les choses dans les dernières violences du pouvoir paternel: Ne vous laissez point entraîner aux premiers mouvements de votre passion, et donnez-vous le temps de considérer ce que vous voulez faire. Prenez la peine de mieux voir celui dont vous vous offensez: il est tout autre que vos yeux ne le jugent; et vous trouverez moins étrange que je me sois donnée à lui, lorsque vous saurez que sans lui vous ne m'auriez plus il y a longtemps. Oui, mon père, c'est celui qui me sauva de ce grand péril que vous savez que je courus dans l'eau, et à qui vous devez la vie de cette même fille, dont…

    HARPAGON.- Tout cela n'est rien; et il valait bien mieux pour moi, qu'il te laissât noyer, que de faire ce qu'il a fait.

    ÉLISE.- Mon père, je vous conjure, par l'amour paternel, de me…

    HARPAGON.- Non, non, je ne veux rien entendre; et il faut que la justice fasse son devoir.

    MAÎTRE JACQUES.- Tu me payeras mes coups de bâton.

    FROSINE.- Voici un étrange embarras.


    #152632

    ACTE V, SCÈNE V

    ANSELME, HARPAGON, ÉLISE, MARIANE, FROSINE, VALÈRE, MAÎTRE JACQUES, LE COMMISSAIRE, son CLERC.

    ANSELME.- Qu'est-ce, Seigneur Harpagon, je vous vois tout ému.

    HARPAGON.- Ah! Seigneur Anselme, vous me voyez le plus infortuné de tous les hommes; et voici bien du trouble et du désordre au contrat que vous venez faire! On m'assassine dans le bien, on m'assassine dans l'honneur; et voilà un traître, un scélérat, qui a violé tous les droits les plus saints; qui s'est coulé chez moi sous le titre de domestique, pour me dérober mon argent, et pour me suborner ma fille.

    VALÈRE.- Qui songe à votre argent, dont vous me faites un galimatias?

    HARPAGON.- Oui, ils se sont donné l'un et l'autre une promesse de mariage. Cet affront vous regarde, Seigneur Anselme; et c'est vous qui devez vous rendre partie contre lui, et faire toutes les poursuites de la justice, pour vous venger de son insolence.

    ANSELME.- Ce n'est pas mon dessein de me faire épouser par force, et de rien prétendre à un cœur qui se serait donné; mais pour vos intérêts, je suis prêt à les embrasser ainsi que les miens propres.

    HARPAGON.- Voilà Monsieur, qui est un honnête commissaire, qui n'oubliera rien à ce qu'il m'a dit de la fonction de son office. Chargez-le comme il faut, Monsieur, et rendez les choses bien criminelles.

    VALÈRE.- Je ne vois pas quel crime on me peut faire de la passion que j'ai pour votre fille, et le supplice où vous croyez que je puisse être condamné pour notre engagement, lorsqu'on saura ce que je suis…

    HARPAGON.- Je me moque de tous ces contes; et le monde aujourd'hui n'est plein que de ces larrons de noblesse, que de ces imposteurs, qui tirent avantage de leur obscurité, et s'habillent insolemment du premier nom illustre qu'ils s'avisent de prendre.

    VALÈRE.- Sachez que j'ai le cœur trop bon, pour me parer de quelque chose qui ne soit point à moi, et que tout Naples peut rendre témoignage de ma naissance.

    ANSELME.- Tout beau. Prenez garde à ce que vous allez dire. Vous risquez ici plus que vous ne pensez; et vous parlez devant un homme à qui tout Naples est connu, et qui peut aisément voir clair dans l'histoire que vous ferez.

    VALÈRE en mettant fièrement son chapeau..- Je ne suis point homme à rien craindre; et si Naples vous est connu, vous savez qui était Dom Thomas d'Alburcy.

    ANSELME.- Sans doute je le sais; et peu de gens l'ont connu mieux que moi.

    HARPAGON.- Je ne me soucie, ni de Dom Thomas, ni de Dom Martin.

    ANSELME.- De grâce, laissez-le parler, nous verrons ce qu'il en veut dire.

    VALÈRE.- Je veux dire que c'est lui qui m'a donné le jour.

    ANSELME.- Lui?

    VALÈRE.- Oui.

    ANSELME.- Allez. Vous vous moquez. Cherchez quelque autre histoire, qui vous puisse mieux réussir; et ne prétendez pas vous sauver sous cette imposture.

    VALÈRE.- Songez à mieux parler. Ce n'est point une imposture; et je n'avance rien qu'il ne me soit aisé de justifier.

    ANSELME.- Quoi vous osez vous dire fils de Dom Thomas d'Alburcy?

    VALÈRE.- Oui, je l'ose; et je suis prêt de soutenir cette vérité contre qui que ce soit.

    ANSELME.- L'audace est merveilleuse. Apprenez, pour vous confondre, qu'il y a seize ans pour le moins, que l'homme dont vous nous parlez, périt sur mer avec ses enfants et sa femme, en voulant dérober leur vie aux cruelles persécutions qui ont accompagné les désordres de Naples, et qui en firent exiler plusieurs nobles familles.

    VALÈRE.- Oui: mais apprenez, pour vous confondre, vous, que son fils âgé de sept ans, avec un domestique, fut sauvé de ce naufrage par un vaisseau espagnol, et que ce fils sauvé est celui qui vous parle. Apprenez que le capitaine de ce vaisseau, touché de ma fortune, prit amitié pour moi; qu'il me fit élever comme son propre fils, et que les armes furent mon emploi dès que je m'en trouvai capable. Que j'ai su depuis peu, que mon père n'était point mort, comme je l'avais toujours cru; que passant ici pour l'aller chercher, une aventure par le Ciel concertée, me fit voir la charmante Élise; que cette vue me rendit esclave de ses beautés; et que la violence de mon amour, et les sévérités de son père, me firent prendre la résolution de m'introduire dans son logis, et d'envoyer un autre à la quête de mes parents.

    ANSELME.- Mais quels témoignages encore, autres que vos paroles, nous peuvent assurer que ce ne soit point une fable que vous ayez bâtie sur une vérité?

    VALÈRE.- Le capitaine espagnol; un cachet de rubis qui était à mon père; un bracelet d'agate que ma mère m'avait mis au bras; le vieux Pedro, ce domestique, qui se sauva avec moi du naufrage.

    MARIANE.- Hélas! à vos paroles, je puis ici répondre, moi, que vous n'imposez point; et tout ce que vous dites, me fait connaître clairement que vous êtes mon frère.

    VALÈRE.- Vous, ma sœur?

    MARIANE.- Oui, mon cœur s'est ému, dès le moment que vous avez ouvert la bouche; et notre mère, que vous allez ravir, m'a mille fois entretenue des disgrâces de notre famille. Le Ciel ne nous fit point aussi périr dans ce triste naufrage; mais il ne nous sauva la vie que par la perte de notre liberté; et ce furent des corsaires qui nous recueillirent, ma mère, et moi, sur un débris de notre vaisseau. Après dix ans d'esclavage, une heureuse fortune nous rendit notre liberté, et nous retournâmes dans Naples, où nous trouvâmes tout notre bien vendu, sans y pouvoir trouver des nouvelles de notre père. Nous passâmes à Gênes, où ma mère alla ramasser quelques malheureux restes d'une succession qu'on avait déchirée; et de là, fuyant la barbare injustice de ses parents, elle vint en ces lieux, où elle n'a presque vécu que d'une vie languissante.

    ANSELME.- Ô Ciel! quels sont les traits de ta puissance! et que tu fais bien voir qu'il n'appartient qu'à toi de faire des miracles. Embrassez-moi, mes enfants, et mêlez tous deux vos transports à ceux de votre père.

    VALÈRE.- Vous êtes notre père?

    MARIANE.- C'est vous que ma mère a tant pleuré?

    ANSELME.- Oui ma fille, oui mon fils, je suis Dom Thomas d'Alburcy, que le Ciel garantit des ondes avec tout l'argent qu'il portait, et qui vous ayant tous crus morts durant plus de seize ans, se préparait après de longs voyages, à chercher dans l'hymen d'une douce et sage personne, la consolation de quelque nouvelle famille. Le peu de sûreté que j'ai vu pour ma vie, à retourner à Naples, m'a fait y renoncer pour toujours; et ayant su trouver moyen d'y faire vendre ce que j'avais, je me suis habitué ici, où sous le nom d'Anselme j'ai voulu m'éloigner les chagrins de cet autre nom qui m'a causé tant de traverses.

    HARPAGON.- C'est là votre fils?

    ANSELME.- Oui.

    HARPAGON.- Je vous prends à partie, pour me payer dix mille écus qu'il m'a volés.

    ANSELME.- Lui, vous avoir volé?

    HARPAGON.- Lui-même.

    VALÈRE.- Qui vous dit cela?

    HARPAGON.- Maître Jacques.

    VALÈRE.- C'est toi qui le dis?

    MAÎTRE JACQUES.- Vous voyez que je ne dis rien.

    HARPAGON.- Oui. Voilà monsieur le commissaire qui a reçu sa déposition.

    VALÈRE.- Pouvez-vous me croire capable d'une action si lâche?

    HARPAGON.- Capable, ou non capable, je veux ravoir mon argent.


    #152633

    ACTE V, SCÈNE VI

    CLÉANTE, VALÈRE, MARIANE, ÉLISE, FROSINE, HARPAGON, ANSELME, MAÎTRE JACQUES, LA FLÈCHE, LE COMMISSAIRE, son CLERC.

    CLÉANTE.- Ne vous tourmentez point, mon père, et n'accusez personne. J'ai découvert des nouvelles de votre affaire, et je viens ici pour vous dire, que si vous voulez vous résoudre à me laisser épouser Mariane, votre argent vous sera rendu.

    HARPAGON.- Où est-il?

    CLÉANTE.- Ne vous en mettez point en peine. Il est en lieu dont je réponds, et tout ne dépend que de moi. C'est à vous de me dire à quoi vous vous déterminez; et vous pouvez choisir, ou de me donner Mariane, ou de perdre votre cassette.

    HARPAGON.- N'en a-t-on rien ôté?

    CLÉANTE.- Rien du tout. Voyez si c'est votre dessein de souscrire à ce mariage, et de joindre votre consentement à celui de sa mère, qui lui laisse la liberté de faire un choix entre nous deux.

    MARIANE.- Mais vous ne savez pas, que ce n'est pas assez que ce consentement; et que le Ciel, avec un frère que vous voyez, vient de me rendre un père dont vous avez à m'obtenir.

    ANSELME.- Le Ciel, mes enfants, ne me redonne point à vous, pour être contraire à vos vœux. Seigneur Harpagon, vous jugez bien que le choix d'une jeune personne tombera sur le fils plutôt que sur le père. Allons, ne vous faites point dire ce qu'il n'est point nécessaire d'entendre, et consentez ainsi que moi à ce double hyménée.

    HARPAGON.- Il faut, pour me donner conseil, que je voie ma cassette.

    CLÉANTE.- Vous la verrez saine et entière.

    HARPAGON.- Je n'ai point d'argent à donner en mariage à mes enfants.

    ANSELME.- Hé bien, j'en ai pour eux, que cela ne vous inquiète point.

    HARPAGON.- Vous obligerez-vous à faire tous les frais de ces deux mariages?

    ANSELME.- Oui, je m'y oblige. Êtes-vous satisfait?

    HARPAGON.- Oui, pourvu que pour les noces vous me fassiez faire un habit.

    ANSELME.- D'accord. Allons jouir de l'allégresse que cet heureux jour nous présente.

    LE COMMISSAIRE.- Holà, Messieurs, holà. Tout doucement, s'il vous plaît. Qui me payera mes écritures?

    HARPAGON.- Nous n'avons que faire de vos écritures.

    LE COMMISSAIRE.- Oui. Mais je ne prétends pas, moi, les avoir faites pour rien.

    HARPAGON.- Pour votre paiement, voilà un homme que je vous donne à pendre.

    MAÎTRE JACQUES.- Hélas! comment faut-il donc faire? On me donne des coups de bâton pour dire vrai; et on me veut pendre pour mentir.

    ANSELME.- Seigneur Harpagon, il faut lui pardonner cette imposture.

    HARPAGON.- Vous payerez donc le commissaire?

    ANSELME.- Soit. Allons vite faire part de notre joie à votre mère.

    HARPAGON.- Et moi, voir ma chère cassette.

     

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