Donneur de voix : René Depasse | Durée : 1h | Genre : Histoire

Joris-Karl Huysmans, outre ses grands romans, nous a laissé des recueils d’essais et de nouvelles comme Croquis parisiens, Le Drageoir à épices ou De tout (1902) d’où sont extraits ces deux récits critiques : Les Habitués de café et Le Quartier Notre-Dame.
Huysmans est attiré par l’atmosphère des cafés (cf. Un café, Une goguette et dans Les Habitués de café). Il distingue plusieurs catégories de clients qui ont tous droit à ses attaques.
« Les uns fréquentent régulièrement tel café, afin d’entretenir une clientèle qui s’y désaltère, d’amorcer des commandes ou d’apprêter avec d’autres habitués quelques-uns de ses spécieux larcins que la langue commerciale qualifie de « bonnes affaires ». Les autres y vont pour satisfaire leur passion du jeu, poussent sur le pré tondu d’un billard de bruyantes billes, remuent d’aigres dominos, de fracassants jackets, ou graissent, en se disputant, de silencieuses cartes. D’autres fuient dans ces réunions les maussaderies d’un ménage où le dîner n’est jamais prêt, où la femme bougonne au-dessus d’un enfant qui crie.
D’autres viennent simplement pour ingurgiter les contenus variés de nombreux verres. D’autres encore recherchent des personnes résignées sur lesquelles ils puissent déverser les bavardages politiques dont ils sont pleins. D’autres enfin, célibataires, ne veulent point dépenser chez eux de l’huile, du charbon, un journal, et ils réalisent d’incertaines économies… Qui ne les connaît ces habitués ? »
Le café Caron échappe à ses quolibets, mais « le café Caron est mort de misère et a été naturellement remplacé dans la rue des Saints-Pères par un bas zinc ; ses habitués errèrent pendant quelques jours, ne sachant plus que devenir, puis ils émigrèrent dans un lieu presque semblable, mais gâté pourtant par un élément militaire, au café d’Orsay, situé au coin de la rue du Bac et du quai ; ce café moribondait quand ils y vinrent et ils l’achevèrent ; une inéluctable faillite l’emporta ; ce fut la fin de tout. Et depuis lors l’âme des habitués se désempare. »
Désolation aussi du poète devant l’état de Notre Dame de Paris dans Le Quartier Notre-Dame.
« Avec sa façade noire et nue, elle dégage une impression de mésaise et de froid ; elle est une basilique hivernale ; on ne la sent point aimer ce Paris qu’elle domine ; elle n’a pas ce geste de Notre-Dame de Chartres dont les deux clochers semblent les doigts levés des vieux évêques prêts à bénir la ville agenouillée à leurs pieds ; ses bras, à elle, se dressent et ils menacent plus qu’ils n’implorent. [...] Notre époque, qui voulut soigner Notre-Dame, s’est bornée, pour sa part, à la gratter et à la rafistoler du haut en bas.
Ces chapelles qui furent toujours pleines de fidèles au temps où le peuple croyait en Notre Seigneur sont toutes les quatre mortes ; la cathédrale subsiste seule, maintenant et elle est, elle-même, du soir au matin, déserte. Les passagers – parmi les vivants – sont des touristes qui croassent en feuilletant des guides, et – parmi les défunts– des cadavres venus de l’Hôtel-Dieu voisin, des dépouilles sans le sou et que l’on expédie, au galop, Dieu sait comme ! »
Pour effacer ces vues pessimistes, écoutez le même Huysmans dans l’ouvrage posthume (1908) La Symbolique de Notre-Dame de Paris.
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